Recycler les 333 retraitées du métro

Les voitures MR-63 seront remplacées par les Azur.
Photo: Michaël Monnier Le Devoir Les voitures MR-63 seront remplacées par les Azur.

Après près de 50 ans de loyaux services, les voitures de métro MR-63 partiront à la retraite avec l’arrivée graduelle des rutilantes voitures Azur l’an prochain. Bien que la majorité des vieilles voitures — au nombre de 333 — risquent de se retrouver au recyclage, la Société de transport de Montréal (STM) espère que certaines d’entre elles pourront connaître une seconde vie.

Plus tôt cette semaine, la STM a lancé un appel d’offres afin de trouver une entreprise qui saura disposer des vieilles voitures de métro de la façon la plus écologique possible. Mais en marge de cet exercice, elle lancera au début de 2016 un appel de projets pour les groupes ou individus qui souhaiteraient donner une nouvelle vocation à certaines de ces voitures.

Un restaurant ? Un micrologement ? Un studio pour artistes ? Le président du conseil d’administration de la STM, Philippe Schnobb, assure que la société de transport est ouverte aux idées qui émergeront d’esprits imaginatifs, mais pas à n’importe quoi. « On est ouverts d’esprit, mais un comité sera mis sur pied pour déterminer les critères qui, je le souhaite, iront dans le sens du respect de l’intégrité de ce que sont les MR-63, c’est-à-dire des voitures de métro, explique-t-il. On ne veut pas qu’elles soient transformées en cabanes de chasse ou en stands de patates frites. »

 

Un métro à la mer

Construites par la Canadian Vickers et mises en service à l’inauguration du métro en 1966, les MR-63 roulent aujourd’hui sur la ligne verte. Figurant comme l’un des symboles de l’entrée de Montréal dans la modernité, les voitures bleues ont une place de choix dans le coeur de bien des Montréalais. À compter de 2016, elles seront progressivement retirées de la circulation à mesure que les nouvelles voitures Azur fabriquées par le consortium Bombardier-Alstom prendront le relais.

« Vraisemblablement, la plus grande partie de la flotte va être démantelée », admet Philippe Schnobb. Quelques voitures pourraient prendre le chemin du musée ferroviaire de Saint-Constant et la STM songe à conserver une rame, soit trois voitures. Mais les MR-63, qui ont roulé en tunnel pendant des décennies, n’ont pas été conçues pour être exposées aux intempéries et elles ne sont pas isolées, prévient M. Schnobb.

New York a trouvé une solution insolite pour disposer de ses vieilles voitures de métro en les larguant dans l’océan le long de la côte américaine. Après qu’elles ont été décontaminées et que les différentes composantes, dont les roues, les portes et les fenêtres, eurent été retirées, les carcasses ont été jetées à la mer. Le projet vise à créer des récifs artificiels favorisant le développement de végétaux et attirer les poissons.

Mais à la différence des MR-63, les voitures de métro new-yorkaises étaient en acier inoxydable. Ainsi, pas question à Montréal d’envoyer les voitures de métro dans le fleuve Saint-Laurent. L’idée de les refiler à d’autres sociétés de transport n’a même pas été envisagée parce qu’elles sont en fin de vie. « On ne les change pas parce qu’on est tannés de la couleur », rappelle Philippe Schnobb.

Le Devoir a eu vent d’un projet piloté par des entrepreneurs sociaux qui souhaitent aménager des voitures pour abriter des activités de type coopératif avec un café, une microbrasserie, une salle d’exposition et de projection de films. Mais Philippe Schnobb soutient qu’à ce jour, aucun projet n’a été sérieusement étudié.

« C’est une occasion de faire quelque chose de plus que ce qu’on a fait avec les vieilles voitures de tramway qui ont été simplement détruites, signale pour sa part Dinu Bumbaru, d’Héritage Montréal. Peut-être qu’un peu d’imagination pourra être mis au service de la réutilisation. »

Architecte et fondateur de l’OeUF (l’Office de l’éclectisme urbain et fonctionnel), Daniel Pearl avance qu’il faudra mettre à contribution plusieurs expertises (architectes, ingénieurs, politiciens, activistes) pour analyser le réel potentiel de restauration des voitures de métro. Selon lui, il faut leur trouver un usage qui ne soit pas seulement temporaire, mais qui favorise une intégration dans la vie quotidienne avec une vision « holistique ». « J’espère que le comité de sélection aura une approche durable qui dépasse une rénovation pour une fonction », dit-il sans vouloir s’aventurer à faire des suggestions plus précises.

Professeur à l’École de design de l’UQAM, Maurice Cloutier croit que la valorisation d’une telle quantité de voitures de métro, soit 333, commande une réflexion qui demande du temps et se prête peu aux idées spontanées : « Si on se met à disséquer ces voitures composante par composante —sièges, poignées de porte, mains courantes —, on peut se rendre compte que telle composante peut être recyclée et qu’une autre peut être remise en usage sous une autre forme. C’est là que la démarche de design est intéressante parce que, par la transformation, on peut le remettre dans un cycle d’usage à long terme. »

La STM ne s’attend pas à regarnir ses coffres avec toute cette opération. « L’idée, ce n’est pas de faire de l’argent, mais de s’en départir de façon responsable. Si on peut faire de l’argent en chemin, c’est tant mieux », commente Philippe Schnobb.



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