Montréal maintient sa décision de déverser des eaux usées dans le fleuve

L'opération se déroulera pendant sept jours à compter du 18 octobre.
Après analyse, Montréal maintient sa décision de déverser dans le fleuve huit milliards de litres d’eaux usées pendant sept jours, estimant qu’il s’agit là de la meilleure solution dans les circonstances. Si Québec a autorisé l’opération, Environnement Canada soutient ne pas pouvoir autoriser ce type de rejet.
À la demande du maire Coderre, différents scénarios ont été réexaminés pour tenter d’éviter le déversement d’eaux d’égouts dans le fleuve.
Vendredi, le président du comité exécutif, Pierre Desrochers, a indiqué que la Ville avait notamment évalué la possibilité de construire une conduite parallèle à l’intercepteur qui devra être asséché. Cette option a été rejetée parce que non réaliste et très coûteuse, soit un milliard de dollars, a-t-il dit. L’idée d’installer un tamis a aussi été abandonnée, car le fort débit aurait fait en sorte que les conduites auraient été bloquées en quelques minutes.
La Ville a également envisagé de renoncer à la nouvelle chute à neige, dont la construction est nécessaire pour remplacer celle qui disparaîtra lorsque les structures de l’autoroute Bonaventure seront abaissées. Mais comme les autres chutes à neige sont au maximum de leur capacité, l’idée n’a pas été retenue, a expliqué M. Desrochers.
Environnement Canada
« Après avoir examiné tous les aspects, nous en sommes arrivés à la conclusion que la décision prise est la bonne et demeure la plus acceptable dans les circonstances », a indiqué Pierre Desrochers en rappelant que la Ville avait obtenu un certificat d’autorisation du ministère de l’Environnement.
Mais du côté d’Environnement Canada, on indique qu’en vertu du Règlement sur les effluents des systèmes d’assainissement des eaux usées, le ministère fédéral ne peut pas autoriser ce type de rejet d’eaux usées. « Environnement Canada est en communication avec la Ville de Montréal en vue de recueillir des renseignements et d’évaluer les répercussions possibles d’un tel rejet », a indiqué vendredi le porte-parole du ministère, Mark Johnson.
Rappelons que le chantier de l’autoroute Bonaventure fera disparaître une chute à neige qui devra être reconstruite ailleurs et que pour ce faire, il faudra assécher l’intercepteur sud-est. Cette conduite de 30kilomètres chemine de LaSalle à Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles et dessert le tiers de l’île de Montréal. La Ville en profitera pour retirer des cintres d’acier en mauvais état qui se trouvent à l’intérieur de l’intercepteur.
Ainsi, du 18 au 25 octobre, les eaux d’égout provenant des résidences et des industries de plusieurs arrondissements montréalais seront jetées dans le fleuve à 24 endroits le long de la rive.
Homer Simpson
La Ville soutient que ce déversement ne menacera pas l’approvisionnement en eau potable des villes situées en aval et que les impacts dans l’environnement seront limités puisque l’automne ne correspond pas à la période de reproduction des poissons. De plus, le débit du fleuve est tel que l’effet de dilution des contaminants sera important, a-t-on fait valoir.
Le chef de l’opposition à l’Hôtel de Ville a qualifié d’improvisation l’attitude de l’administration Coderre dans le dossier. « Ça n’a aucun sens de dire que jeter huit milliards de litres d’eau contaminée dans le fleuve n’aura aucun impact. C’est une déclaration à la Homer Simpson », a commenté Luc Ferrandez, qui a aussi reprochéau maire son absence à la conférence de presse.
Projet Montréal s’explique mal qu’aucune autre solution n’ait été trouvée pour éviter ce déversement alors que la nouvelle chute à neige est dans les cartons de la Ville depuis huit ans.
Le cas de Toronto
« Il n’y a pas d’autre solution », estime pour sa part Michèle Prévost, qui dirige la Chaire industrielle CRSNG en eau potable de l’école Polytechnique de Montréal. À titre d’exemple, recourir à des infrastructures portables pour traiter temporairement les eaux usées aurait pu être envisagé pour des quantités moindres, mais pas pour celles de Montréal, explique-t-elle.
Elle souligne qu’au Québec l’an dernier, il y a eu 500 rejets de 48 heures et plus d’eaux usées dans l’environnement. « La Ville de Toronto décharge dans le lac Ontario 10 milliards de litres [d’eaux usées] chaque année sans avertir les citoyens qui s’y baignent, explique-t-elle. Et là, la Ville de Montréal fait des travaux nécessaires, avise les citoyens en rive et elle se fait blâmer publiquement. »
Mme Prévost assure que les prises d’eau des villes comme Saint-Lambert, Varennes, Longueuil, Verchères, Contrecoeur ne seront pas affectées par les rejets.
Pour sa part, le maire de Trois-Rivières, Yves Lévesque, comprend mal que Québec ait autorisé ce déversement alors qu’en 2008, le ministère de l’Environnement avait interdit à sa municipalité de rejeter de la neige propre dans le fleuve. La décision du ministère avait coûté 2 millions à sa ville. « C’est deux poids deux mesures », estime-t-il.