Les « pics » disparaissent, les itinérants restent

Les «pics» anti-itinérants situés en face de la vitrine du Archambault à Montréal ont été retirés.
Photo: Pedro Ruiz - Le Devoir Les «pics» anti-itinérants situés en face de la vitrine du Archambault à Montréal ont été retirés.

Il était à peine midi, mardi, quand les pics anti-itinérants situés en face de la vitrine du Archambault, dont Le Devoir révélait l’existence le matin même, ont disparu du paysage de Montréal. Le maire Denis Coderre a vivement réagi en apprenant qu’un dispositif visant à repousser les sans-abri avait été installé devant le commerce à l’angle des rues Berri et Sainte-Catherine.

 

Ces installations jugées « inacceptables » et décriées sur les réseaux sociaux ont vite été retirées par le propriétaire de l’immeuble qui n’était pas Québecor, à qui appartient Archambault, mais bien une compagnie à numéro. Québecor a tenu à rappeler qu’il a toujours permis aux camelots du journal L’Itinéraire d’être devant leurs magasins.

 

Pendant la journée mardi, personne n’a d’ailleurs empêché de nombreux curieux qui s’amusaient à se prendre en photo assis sur le bord de la vitrine d’Archambault où les pics ont été retirés.

 

Aider les sans-abri

 

Le maire Denis Coderre, qui s’est rendu sur les lieux, avait toutefois moins le coeur à rire alors que la Ville fait face à de nombreux problèmes d’itinérance. « Ce n’est pas dans ce genre de ville dans laquelle je veux vivre. Montréal n’est pas une ville d’anti-itinérant et on va tout faire pour les aider », a-t-il indiqué en promettant qu’aucun dispositif de « pics » ne serait toléré dans la métropole.

 

Il a dépêché des inspecteurs dans l’arrondissement de Ville-Marie pour vérifier qu’il n’y en a pas d’autres. « Et s’il y en a ailleurs, on va les enlever. C’est une question de sécurité publique. C’est humiliant pour les gens qui n’ont pas choisi d’être sans-abri », a-t-il dit.

 

De nombreux organismes souhaitent maintenant que des mesures concrètes soient prises pour faire face aux vrais problèmes d’itinérance. « C’est le temps de regarder en face la situation pour faciliter la cohabitation »,lance Bernard Plante, le directeur général de la Société de développement du Village.

 

Ces dernières années, il a remarqué que plusieurs mesures avaient été prises pour repousser les itinérants des propriétés privées et même des lieux publics. À certains endroits, des grillages ont été installés, de gros cailloux ont été déposés dans les halls d’entrée, des bancs publics ont été retirés ou des accoudoirs ont été ajoutés aux bancs pour éviter que les gens s’y allongent. « Il nous faut une politique provinciale claire pour savoir dans quelle direction on s’en va. On ne peut pas continuer de gérer les problèmes d’itinérance à la petite semaine »,affirme-t-il en proposant de miser davantage sur une plus grande médiation et non sur la répression. Le SDC Village a d’ailleurs embauché deux intervenants de rue pour faciliter les relations entre les commerçants et les sans-abri dans le quartier.

 

L’Université du Québec à Montréal a aussi misé sur l’embauche de patrouilleurs pour mieux intervenir auprès des itinérants. « On vit avec eux, et on essaie d’intervenir seulement quand les personnes ont des comportements erratiques », affirme Alain Gingras, le directeur de la prévention et de la sécurité à l’UQAM.

 

Avec la hausse de sans-abri dans le secteur, il reconnaît par contre que leur présence cause de nombreux problèmes de salubrité. Du béton a dû être refait sur quelques établissements après avoir été abîmé par de l’urine. « Nos édifices sont malmenés, mais les problèmes des sans-abri sont bien plus importants et les politiciens disent qu’un plan s’en vient », dit-il.

 

Plan de lutte contre l’itinérance

 

À Québec, la députée solidaire Manon Massé a profité de l’occasion pour réclamer rapidement une politique au gouvernement Couillard. Lors de la période de questions, elle a demandé à la ministre déléguée à la Réadaptation, Lucie Charlebois, de s’engager à présenter un plan de lutte contre l’itinérance à la prochaine rentrée parlementaire. La ministre a affirmé que son gouvernement « travaille activement à produire le plan d’action », mais elle a refusé de donner une date. Elle a rappelé que dans le dernier budget, les 8 millions prévus pour l’itinérance étaient maintenus, mais il n’a été aucunement question des 6 millions supplémentaires promis par le dernier gouvernement péquiste.

 

Questionné sur cet argent promis, le maire Coderre est certain d’obtenir les fonds nécessaires pour lutter contre l’itinérance « J’ai parlé avec Robert Poëti [ministre responsable de la région de Montréal]. Lors des négociations pour le statut de Montréal, la question de l’itinérance va faire partie de la législation et à ce moment-là, on pourra s’assurer qu’il y a des ressources pour le plan d’action », a-t-il indiqué.

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