Montréal rêve aux paradis du vélo d’hiver

La Ville de Montréal a commandé un rapport à Vélo Québec en raison de la hausse du nombre de vélos dans les rues l’hiver.
Photo: - Le Devoir La Ville de Montréal a commandé un rapport à Vélo Québec en raison de la hausse du nombre de vélos dans les rues l’hiver.

Les vélos roulent tout l’hiver à Oulu, à 200 kilomètres du cercle polaire arctique : cette ville finlandaise, où il tombe deux fois plus de neige qu’à Montréal, déneige 98 % de son réseau cyclable. Les pistes classées prioritaires sont déblayées avant 7 h le matin, dès que trois centimètres de neige recouvrent le sol.

 

Ce paradis du vélo d’hiver est-il une utopie réservée aux rêveurs de la Scandinavie ? Pas tant que ça. Une étude récente commandée par la Ville, et que Le Devoir a obtenue, formule des recommandations pour faire de Montréal une des meilleures villes de vélo quatre saisons du monde — à l’image d’Oulu, bien sûr, mais aussi de Copenhague, Vienne, Minneapolis et Calgary, entre autres.

 

Sans promettre de déneiger la totalité de son réseau de 650 kilomètres de pistes, la Ville de Montréal, en tout cas, compte s’inspirer d’Oulu et des meilleures villes cyclables pour faire davantage de place aux vélos en hiver. L’époque pas si lointaine où les cyclistes d’hiver passaient pour des « hurluberlus » semble révolue.

 

« Le rapport nous a sensibilisés à de bonnes pratiques qu’on souhaite implanter à Montréal », dit Philippe Sabourin, porte-parole de la Ville.

 

En gros, la recette des villes championnes du vélo d’hiver est plutôt simple : il suffit de déneiger et de déglacer un maximum de voies cyclables pour que cyclistes et autres usagers de la route puissent cohabiter sans trop de frictions. S’ils se sentent en sécurité, les cyclistes rouleront en hiver, malgré le froid.

 

À Minneapolis, dans le nord des États-Unis (où l’hiver est aussi rude qu’à Montréal), la quasi-totalité des pistes cyclables est adaptée à l’hiver. Et 25 % des cyclistes roulent toute l’année.

 

La Ville a commandé ce rapport à Vélo Québec en raison de la hausse du nombre de vélos dans les rues en hiver. Les plus récentes données indiquent que près de 100 000 cyclistes empruntent chaque hiver la piste cyclable du boulevard de Maisonneuve, près de la rue Peel, au centre-ville. Entre 300 et 600 vélos roulent chaque jour d’hiver sur les pistes déneigées des quartiers centraux, comme celles des rues Berri, Rachel et de Maisonneuve. C’est entre 12 % et 14 % de la fréquentation enregistrée en été par les compteurs de la Ville.

 

« La pratique du vélo quatre saisons commence à s’implanter. Les gens réalisent qu’il est tout à fait possible de se déplacer à vélo en hiver », dit Suzanne Lareau, présidente et directrice générale de Vélo Québec.


Des pistes été comme hiver

 

L’étroitesse des rues bordées de neige rend la cohabitation difficile entre les cyclistes et les autres usagers de la route. Le rapport de 63 pages de Vélo Québec fait valoir que la quasi-totalité du réseau cyclable de Montréal pourrait facilement devenir accessible toute l’année. On pourrait à tout le moins « limiter au minimum les périodes de fermeture des principaux axes du réseau cyclable ».

 

Environ 110 kilomètres de voies cyclables sont déneigés cet hiver, dont 30 kilomètres de pistes isolées des voitures, selon la Ville. Le rapport recommande de déneiger non seulement les pistes cyclables séparées de la chaussée par une bande de béton, comme celle de la rue Rachel, mais aussi les pistes qui sont considérées comme « saisonnières », isolées des véhicules par des poteaux séparateurs retirés durant l’hiver. Il serait possible d’entretenir ces voies cyclables tout l’hiver — plutôt que de les fermer du 15 novembre au 1er avril — en les délimitant par des bandes peintes sur la chaussée, souligne Vélo Québec.

 

Toutes les pistes cyclables construites depuis 2008 sont conçues pour un usage quatre saisons, rappelle Philippe Sabourin, de la Ville. Ce sont les arrondissements qui décident de déneiger ou non les voies cyclables. Les cyclistes doivent parfois mener des combats épiques pour forcer les élus à sortir les chenillettes : l’arrondissement d’Outremont a ainsi cédé aux pressions, lundi, pour accepter de déneiger la populaire piste cyclable de 1,6 kilomètre sur le chemin de la Côte-Sainte-Catherine.

 

« Les citoyens sont enfin écoutés. On va maintenir la pression », dit Maxime Dorais, qui a mis sur pied un groupe de cyclistes à Outremont.

 

De son côté, l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie a pris une décision appréciée des cyclistes en déneigeant la piste qui passe sous le viaduc ferroviaire de l’avenue Christophe-Colomb.


Des pistes chauffantes

 

L’étude recommande aussi de prioriser le déneigement du côté droit de la chaussée, là où il y a une bande cyclable partagée, comme dans la rue Saint-Urbain, pour que la rue soit assez large pour accommoder les vélos et les voitures.

 

Montréal pourrait même s’inspirer de certaines villes européennes et chauffer des sections de pistes cyclables, notamment sous des viaducs, selon le rapport. Il ne suffit pas de déneiger les pistes cyclables, il faut aussi empêcher la formation d’une couche de glace, considérée comme le pire ennemi des cyclistes. La glace, souvent couverte de bosses, rend tout simplement la chaussée impraticable à vélo, souligne Vélo Québec.

 

Un meilleur entretien des pistes permettrait d’augmenter le nombre de cyclistes de 20 % à 30 % en hiver, selon Vélo Québec. Les adeptes du vélo qui remisent leur bicyclette durant la saison froide ont affirmé aux auteurs de l’étude qu’ils ont peur de se faire heurter par une voiture — ou pire encore, par un autobus — ou de déraper sur des pistes glacées.

 

Signe des temps, un premier « tour à vélo » d’hiver aura lieu à Montréal le dimanche 16 février. Vélo Québec espère que 300 cyclistes feront la balade d’une quinzaine de kilomètres, sur le Plateau et dans Rosemont. La randonnée aura lieu même en cas de tempête de neige.

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