Montréal - Les surprises d’un sondage

Mélanie Joly a réussi à créer la surprise lors de la campagne.
Photo: - Le Devoir Mélanie Joly a réussi à créer la surprise lors de la campagne.

Le sondage CROP-Radio-Canada publié mardi sur les intentions de vote des Montréalais a créé une onde de choc dans la campagne électorale. Considérée comme marginale au début des hostilités, Mélanie Joly est maintenant devenue incontournable dans la course à la mairie de Montréal alors que la performance de Marcel Côté, relégué au quatrième rang, a jeté le désarroi dans les rangs de Coalition Montréal.

 

 

La campagne électorale a pris une tangente inattendue cette semaine. Alors que Denis Coderre maintient sa position de meneur, Mélanie Joly s’est hissée en deuxième position dans les intentions de vote. Éphémère ou pas, l’effet Joly a forcé Coalition Montréal et Projet Montréal à redoubler d’ardeur sur le terrain.

 

Néophyte en politique municipale et peu connue du grand public il y a quelques semaines, Mélanie Joly s’est subitement imposée. « C’est le seul produit qui est vraiment nouveau. C’est une femme de la nouvelle génération qui affronte trois hommes de plus de 50 ans qui ne sont pas de nouveaux visages », explique Bernard Motulsky, professeur titulaire à la Chaire de relations publiques et communication marketing de l’UQAM. « Les électeurs veulent tourner la page sur les années passées. Pour bien des gens, l’inexpérience de Mélanie Joly peut devenir un atout. »

 

Ses affiches électorales l’aident à se distinguer, poursuit-il : « L’outsider dans une campagne peut se permettre de prendre des risques, comme sa pose avec les mains sur les hanches et une esquisse de sourire ironique. »

 

Mais Mélanie Joly doit s’attendre à être désormais la cible d’attaques beaucoup plus soutenues de la part de ses adversaires, prévient-il. L’électorat est aussi volatil. Si le sondage de Radio-Canada lui accordait 24 % des appuis, ce même sondage soulignait que 73 % des répondants n’ont pas encore fait leur choix définitif. Et le taux de participation pourrait également venir brouiller les cartes.

 

Douche froide

 

Le sondage a eu l’effet d’une douche froide sur les troupes de Coalition Montréal, qui ont vu les appuis pour leur chef fondre à 11 %. Les sondages ont une valeur toute relative, mais à moins de trois semaines du scrutin, ces chiffres sont difficiles à digérer pour les candidats en campagne.

 

Reconnaissant qu’elle ne rallierait jamais le vote anglophone à sa cause, ce qui lui bloquait l’accès à la mairie, Louise Harel a fait le pari de s’allier à Marcel Côté, offrant du même coup son équipe de candidats.

 

Quatre mois plus tard, les rêves de conquête de la mairie s’effritent. La bourde des appels robotisés dénigrant les partis adverses a eu des effets dévastateurs. Lorsque Radio-Canada a rendu publics les résultats de son sondage, mardi soir, se tenait dans Mercier-Hochelaga-Maisonneuve une activité de financement de Coalition Montréal. Une ambiance de veillée funèbre régnait parmi les militants de Marcel Côté.

 

Les candidats de Coalition Montréal tentent de garder le moral en soulevant des doutes sur les résultats des deux récents sondages qui, soulignent-ils, étaient non probabilistes et ne reflètent peut-être pas fidèlement la réalité. Il reste plus de deux semaines de campagne au cours desquelles Marcel Côté saura peut-être mieux faire passer son message, espère-t-on.

 

« Je demeure convaincu que Marcel est le plus compétent [pour être maire], qu’on a le meilleur programme et la meilleure équipe », souligne un des candidats tout en reconnaissant que la côte sera difficile à remonter.

 

Reste que la piètre performance du chef fait ombrage à la campagne des candidats sur le terrain. « Pour moi, Côté, c’est un boulet », soutient l’un d’eux en précisant que, lors du porte-à-porte, mieux vaut ne pas mentionner le nom du chef. Et si, par malheur, un citoyen en parle, il faut immédiatement détourner la conversation sur Louise Harel. Certains souhaitent d’ailleurs qu’une place plus grande soit désormais accordée à Mme Harel : « Ce serait paradoxal qu’on obtienne un moins bon résultat que lors de l’élection de 2009. » Louise Harel avait alors obtenu 32,7 % des voix.

 

Les batailles locales

 

Si certains candidats de Coalition Montréal commencent à se faire à l’idée que la mairie de Montréal échappera à leur équipe - « Lysiane Gagnon a bien résumé la situation : Marcel est le meilleur maire que Montréal n’aura pas », signale-t-on -, ils s’accrochent maintenant à l’espoir que l’effet Côté ne nuira pas à leurs propres chances de l’emporter dans leur district. Car, faut-il le rappeler, les électeurs montréalais devront se prononcer sur chacun des postes à pourvoir, soit ceux de maire de Montréal, de maires d’arrondissement et de conseillers. Ils peuvent donc voter pour un maire mais choisir des candidats des autres formations politiques pour les autres postes.

 

Candidat à la mairie de l’arrondissement de Côte-des-Neiges -Notre-Dame-de-Grâce, l’ancien député libéral Russell Copeman reconnaît que Marcel Côté a un déficit de notoriété, mais il soutient que, dans son arrondissement, les gens « aiment son profil ».

 

L’alliance avec Vision Montréal et la souverainiste Louise Harel lui est souvent reprochée. « Vous devriez voir les tweets que je reçois et qui me disent que j’ai fait un pacte avec le diable ! Littéralement. »

 

Il doit sans cesse rappeler aux citoyens qu’il croise que le débat opposant les fédéralistes aux souverainistes n’a pas sa place dans l’arène municipale. « On ne peut pas transposer la question nationale au municipal. Il faut former une administration de tous les Montréalais. On n’exclut pas 30 % des Montréalais parce qu’ils sont des souverainistes, ce n’est pas normal », explique-t-il.

 

Tout peut arriver

 

Dans le camp de Projet Montréal, on affirme que le sondage CROP -Radio-Canada, qui a fait glisser le chef Richard Bergeron derrière Mélanie Joly dans les intentions de vote, n’a pas trop affecté le moral des troupes. La popularité de Mélanie Joly pourrait être passagère, croit-on. L’avance de Denis Coderre est importante, mais il reste deux semaines dans la campagne et tout peut arriver. « On sait qu’il y a eu des perquisitions dans Saint-Laurent et dans Saint-Léonard », indique un candidat.

 

Un autre membre de Projet Montréal soutient que le sondage a eu pour effet de stimuler les troupes. Avec ses armées de bénévoles, Projet Montréal dispose d’une machine mieux huilée que les autres formations. Mais reste que la campagne en cours est « une campagne de relations publiques », déplore-t-on. « Il n’y a aucun message qui passe. Ce n’est que l’apparence qui compte. C’est étrange avec tout ce qu’on a vécu, on aurait pensé que ça se passerait autrement. »

 

Maire minoritaire ?

 

Il n’est pas acquis que les candidats à la mairie de Montréal qui mordront la poussière le 3 novembre prochain se contenteront d’un siège dans l’opposition.

 

Marcel Côté a clairement laissé entendre qu’en cas d’échec, il ne demeurerait pas à l’hôtel de ville. Rappelons qu’en politique municipale, pour siéger au conseil municipal, un candidat défait peut prendre la place du colistier qu’il a désigné, mais encore faut-il que celui-ci soit élu.

 

Le colistier de Marcel Côté, Albert Perez, affronte une figure connue de la politique municipale, l’ancienne conseillère d’Union Montréal dans Côte-des-Neiges Helen Fotopulos, qui fait maintenant équipe avec Denis Coderre.

 

Contrairement à M. Côté, Mélanie Joly affirme qu’elle demeurera dans la sphère municipale si elle mord la poussière. Sa colistère est Marie-Claude Johnson, qui fait face au conseiller sortant dans Notre-Dame-de-Grâce, Peter McQueen, de Projet Montréal.

 

De son côté, Richard Bergeron a désigné la candidate Janine Krieber, dans Saint-Jacques, où l’Équipe Denis Coderre a lancé dans la mêlée l’ex-journaliste Philippe Schnobb.

 

Quant à Denis Coderre, il a choisi le conseiller sortant d’Ovide-Clermont, Jean-Marc Gibeau, dans Montréal-Nord, comme colistier.

 

Compte tenu des soubresauts dans la campagne électorale, il demeure difficile de prévoir la composition du conseil municipal. Plusieurs scénarios ont été évoqués par différents analystes au cours des derniers jours et le prochain maire pourrait même être minoritaire. En attendant, chaque poignée de main compte. Dans l’arène municipale, le travail de terrain est un des principaux ingrédients du succès.

 

 

Avec Marco Fortier

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