Étude secrète : Montréal fait appel à l’UPAC

L’actuel maire de Montréal, Michael Applebaum, assure que ni Gérald Tremblay ni les membres du comité exécutif n’ont été mis au courant de l’existence de l’étude de 2004 sur les coûts des travaux d’infrastructures à Montréal pendant huit ans.
Photo: - Le Devoir L’actuel maire de Montréal, Michael Applebaum, assure que ni Gérald Tremblay ni les membres du comité exécutif n’ont été mis au courant de l’existence de l’étude de 2004 sur les coûts des travaux d’infrastructures à Montréal pendant huit ans.

La Ville de Montréal est à court de ressources pour élucider les circonstances dans lesquelles Frank Zampino et Robert Abdallah auraient caché une étude secrète sur la collusion, mais leur conduite est jugée suffisamment grave pour que le maire Michael Applebaum demande à l’Unité permanente anticorruption (UPAC) et à la commission Charbonneau de faire leur enquête.

Le contrôleur général, Alain Bond, a présenté son volumineux rapport d’enquête sur le cheminement de l’étude secrète de 2004, mercredi, lors d’une séance à huis clos du comité exécutif. La brique ne contient qu’une seule recommandation, soit de transmettre le dossier à la police.


« Ce rapport sera transmis à l’UPAC, car il y a des éléments qui nous laissent croire qu’une enquête interne ne suffit tout simplement pas. Nous espérons que les [policiers] iront encore plus loin dans leur enquête », a dit M. Applebaum.


Peu de détails


Aucun détail n’a filtré sur le contenu du rapport. S’il est transmis à l’UPAC, c’est que le camouflage de l’étude a peut-être donné lieu à des actes illégaux.


Le contrôleur Bond confirme en pratique la version des faits de l’actuel directeur général, Guy Hébert. En 2004, il avait commandé l’étude explosive à titre de directeur des approvisionnements. L’étude faisait état de l’existence d’un « marché très fermé » dans les contrats d’infrastructures à Montréal, avec un gonflement des coûts de 30 à 40 %.


M. Hébert avait remis le document à l’ex-directeur général, Robert Abdallah, à l’ex-président du comité exécutif, Frank Zampino, et à l’ex-directeur général adjoint du Service des infrastructures, Yves Provost. Il a présumé que les suivis avaient été faits.


M. Abdallah a déjà dit que tous les membres du comité exécutif et l’ex-maire Gérald Tremblay étaient au courant de l’existence de cette étude. Frank Zampino affirme de son côté qu’il n’a jamais vu les documents, renvoyant la responsabilité du camouflage à Guy Hébert.


Michael Applebaum n’accorde aucune crédibilité aux protestations de MM. Abdallah et Zampino. Il fait sienne la version de Guy Hébert, dont il est très proche. « Il a totalement ma confiance. C’est lui qui a mis en place plusieurs mesures pour contrer la corruption », a dit M. Applebaum.


Ni Gérald Tremblay ni les membres du comité exécutif n’ont été mis au courant de l’existence de cette étude pendant huit ans, assure le maire Applebaum.


Le contrôleur Alain Bond a ajouté son grain de sel en indiquant qu’il a dû « chercher à l’aveugle » pour retrouver le document de 2004 et des études subséquentes sur la collusion dans des endroits inattendus. Les études dormaient dans une salle de classement du 4e étage de l’hôtel de ville, où se trouvent également les bureaux du directeur général. « C’est des choses qu’on a fini par trouver en fouillant », a dit M. Bond.


Ses déclarations sont toutefois contredites par des documents écrits consultés par Le Devoir. Le 23 octobre, la conseillère de Vision Montréal, Elsie Lefebvre, formulait une demande d’accès à l’information pour mettre la main sur l’étude secrète de 2004. Dès le lendemain, le responsable de l’accès à l’information à la Ville confirmait par écrit à Mme Lefebvre qu’il avait retrouvé le document, mais qu’il devait procéder à des vérifications auprès du contentieux avant de lui remettre. L’étude n’était donc pas si difficile à trouver.


Des critiques


Alan DeSousa, maire de l’arrondissement de Saint-Laurent, a siégé au comité exécutif sans interruption de 2001 jusqu’à tout récemment. Il confirme que les membres du comité n’ont jamais eu vent de ce rapport avant le 7 novembre dernier.


Dans une déclaration assermentée, M. DeSousa et sept de ses anciens collègues (dont le chef d’Union Montréal, Richard Deschamps) se disent insatisfaits des explications fournies par Guy Hébert sur le cheminement du rapport.


Alan DeSousa ne doute pas de la probité du directeur général, mais il en veut terriblement à Michael Applebaum pour avoir prétendu, lors de sa démission d’Union Montréal, que ses anciens collègues cherchaient à empêcher la publication de l’étude en raison de son caractère embarrassant.


M. DeSousa n’est pas impressionné par la sortie de Michael Applebaum, qu’il qualifie « d’exercice de relations publiques ». Selon lui, il était inutile de confier un mandat d’enquête administrative au contrôleur. Dès la présentation du 7 novembre, il y en avait assez pour agir, croit-il.


« Je me questionne. Pourquoi cette sortie six semaines plus tard ? Pour moi, il n’y a rien de neuf, affirme M. DeSousa. Michael Applebaum essaie de démontrer qu’il fait quelque chose, alors que c’est clair qu’il connaissait cette information depuis longtemps et qu’il n’a rien fait. Il a choisi de ne pas partager l’information avec la population et, aujourd’hui, il essaie de se faire passer pour un sauveur. »

 

« La bonne décision »


De son côté, la chef de l’opposition officielle, Louise Harel, a salué la décision de transmettre le dossier à l’UPAC. « On peut penser que c’était la bonne décision à prendre », a-t-elle dit. Mme Harel a demandé encore une fois que la gestion de la ligne éthique soit transférée du contrôleur au vérificateur général pour faciliter et encourager la délation à l’égard de la collusion.

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