Collusion à la Ville de Montréal - Une enquête valide la thèse de Tremblay

Lors de sa démission, le 5 novembre, l'ex-maire Gérald Tremblay a indiqué que des membres de son entourage avaient « trahi sa confiance ».
Photo: - Le Devoir Lors de sa démission, le 5 novembre, l'ex-maire Gérald Tremblay a indiqué que des membres de son entourage avaient « trahi sa confiance ».

L’étau se resserre sur Frank Zampino et Robert Abdallah. Ils auraient trompé la confiance de l’ex-maire Gérald Tremblay et du comité exécutif en leur cachant une étude sur la collusion.

Une enquête interne du Contrôleur général, Alain Bond, pointe un doigt accusateur en direction de M. Zampino (ex-président du comité exécutif aujourd’hui accusé de fraude) et M. Abdallah (ex-directeur général de la Ville). Un rapport de 2004 faisant étant du gonflement du coût des travaux de 30 à 40 % à Montréal serait tombé dans l’oubli jusqu’en novembre dernier en raison de leurs gestes, a constaté M. Bond.


Son rapport sera transmis au comité exécutif mercredi. Le maire Michael Applebaum en a pris connaissance lundi. « Quand je lis le rapport du Contrôleur général, c’est clair que ça ne s’est pas rendu dans les mains du maire Tremblay ou des élus », a dit M. Applebaum.


Ces développements donnent de la crédibilité à la version de M. Tremblay. Lors de sa démission, le 5 novembre, il a indiqué que des membres de son entourage avaient « trahi sa confiance ». « Je souhaite ardemment qu’un jour on reconnaisse que je me suis battu, souvent seul, contre ce système, cette collusion et cette corruption », avait-il dit.


Le rapport Bond confirme aussi la version du directeur général de la Ville, Guy Hébert. En 2004, M. Hébert était responsable de la Direction de l’approvisionnement, qui a parrainé la réalisation de l’étude. Questionné à ce sujet récemment, M. Hébert a confirmé qu’il avait remis le document à ses supérieurs de l’époque : M. Abdallah, M. Zampino et le directeur général adjoint de Service des infrastructures, Yves Provost.


L’étude de 2004 ne mentionne pas implicitement la collusion avec son langage prudent. Elle décrit l’existence « d’un marché fermé » et elle laisse entendre que Montréal pourrait réaliser des économies de 10 à 15 % pour l’exécution de ses travaux d’infrastructures s’il y avait plus de concurrence. Il y en avait assez pour sonner l’alarme.

 

L’effet Elsie Lefebvre


Curieusement, l’étude est tombée dans l’oubli jusqu’à ce que Robert Abdallah en fasse mention cet automne pour se défendre des attaques portées contre lui. Le témoin-vedette de la commission Charbonneau, Lino Zambito, a décrit MM. Zampino et Abdallah comme des rouages importants dans les stratagèmes de corruption et de collusion en place à l’hôtel de ville. Les membres du comité exécutif connaissaient l’étude de 2004, a dit M. Abdallah en riposte.


La conseillère de Vision Montréal Elsie Lefebvre fut la première à demander l’étude secrète de 2004 au conseil. Insatisfaite des réponses de M. Tremblay, elle a formulé une demande en vertu de la Loi d’accès à l’information pour en avoir le coeur net.


Elle ne s’attendait pas à provoquer un tel remue-ménage. Les fonctionnaires ont cherché frénétiquement l’étude en question, finalement retrouvée « au fond d’un tiroir » en un seul exemplaire. « C’était une grosse enquête, et c’était un peu bizarre qu’on n’en ait jamais entendu parler au conseil municipal. Il y a eu soit de la négligence, soit du laisser-aller », a commenté Mme Lefebvre.


Louise Harel, chef de Vision Montréal, se demande encore comment les membres du comité exécutif ont pu être tenus dans l’ignorance de l’étude de 2004, alors qu’ils ont approuvé après coup un contrat de 500 000 $ à Macogep pour surveiller le coût des contrats.


Il n’existe aucune trace du rapport de Macogep, a confirmé par écrit le responsable de l’accès à l’information à la Ville, Marc Lebel. « On réclame le rapport Macogep, et on ne l’a toujours pas », déplore Mme Harel.


Huit anciens membres du comité exécutif, dont le chef d’Union Montréal, Richard Deschamps, ont signé une déclaration sous serment pour réitérer que ces études ne leur ont jamais été présentées. Ils ont accusé au passage le maire Applebaum d’avoir menti en disant qu’ils s’étaient opposés à la diffusion publique du rapport de 2004, au plus fort de la tourmente qui a emporté le M. Tremblay. Michael Applebaum les a taxés à son tour de mauvaise foi.

 

Une enquête


L’opposition officielle de Vision Montréal revient par ailleurs à la charge ce mardi avec une motion pour confier au Vérificateur général le mandat d’enquêter sur les services informatiques.


Le logiciel Gespro, à partir duquel sont produites les estimations des travaux, a connu de sérieux ratés. De 2006 à 2009, les coûts auraient été gonflés de 30 à 40 %. L’administration Applebaum a dit que ces failles avaient été corrigées, sans donner plus de détails. Ce flou ne rassure en rien la mairesse de l’arrondissement de Rivières-des-Prairies -Pointe-aux-Trembles, Chantal Rouleau.


L’ex-chef de la Direction des systèmes d’information (DSI), Gilles Parent, a été condamné récemment à six ans de pénitencier pour avoir détourné 4,6 millions au moyen d’un système sophistiqué de préfacturation et de prête-noms. Un tel fiasco peut-il se reproduire ? s’interroge-t-elle.


« Il faut faire une enquête pour voir ce qui s’est passé, et savoir où nous sommes rendus. C’est par le système informatique qu’on gère la Ville. Il faut faire une veille, car un système informatique peut facilement être [piraté] », affirme Mme Rouleau.

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