Consommation d'eau - Des mesures au compte-gouttes

La ville pourrait adopter une série de mesures pour contrer le gaspillage d’eau.
Photo: Jacques Grenier - Le Devoir La ville pourrait adopter une série de mesures pour contrer le gaspillage d’eau.

L'inondation survenue mardi dernier dans le viaduc Salaberry témoigne, une fois de plus, de l'engorgement du réseau souterrain montréalais. En milieu urbanisé, où le béton et le bitume sont rois, la gestion de l'eau est un casse-tête. Les habitudes de consommation d'eau des citoyens n'arrangent pas les choses car, c'est connu, les Québécois sont les deuxièmes consommateurs d'eau potable en importance au monde.

Plus tôt cette semaine, la Ville de Montréal a annoncé son intention d'offrir aux Montréalais des barils de récupération d'eau de pluie à prix modique, mesure qui a l'avantage de réduire la consommation d'eau du robinet pour l'arrosage des plates-bandes tout en diminuant les rejets d'eau de ruissellement dans les égouts. Une goutte dans l'océan? Peut-être, mais pour plusieurs observateurs, il s'agit d'un pas dans la bonne direction en attendant l'adoption de mesures plus efficaces.

Comme Projet Montréal, qui critiquait cette semaine l'initiative de la Ville, la présidente de la Coalition Eau Secours!, Martine Chatelain, convient que les récupérateurs d'eau de pluie auront un effet marginal sur les quantités d'eau traitée par la Ville, d'autant plus que les toits plats, prédominants dans plusieurs quartiers montréalais, ne permettent pas l'utilisation de tels dispositifs. Selon elle, l'heure est venue pour Montréal d'adopter des mesures plus draconiennes pour endiguer les problèmes liés à la question de l'eau.

De grands consommateurs

Chaque Montréalais consommerait environ 335 litres d'eau par jour, selon des données fournies par la Ville de Montréal pour le volet résidentiel. Au total, tous secteurs confondus, la Ville estime que ses usines traitent 951 litres d'eau par habitant chaque jour, comparativement à 550 litres à Toronto.

Pourquoi un tel écart? À la Ville, on évoque la surconsommation de l'eau dans certaines entreprises, un problème que les compteurs d'eau pourraient contribuer à régler. Mais il y a aussi la vétusté du réseau souterrain.

Il y a 10 ans, la Ville avait évalué que 40 % de l'eau montréalaise se perdait dans la nature en raison des fuites dans les conduites d'aqueduc. À cet effet, le vaste chantier de réfection du réseau souterrain entrepris par l'administration de Gérald Tremblay aurait contribué à réduire de 12,6 % la production d'eau potable entre 2001 et 2010 aux sept usines de traitement d'eau.

D'emblée, Martine Chatelain fait l'éloge du plan de réfection des conduites pour lequel la Ville a consacré une somme de 528 millions de dollars au cours des huit dernières années. «Il y a un beau redressement qui s'est fait. C'est une mesure courageuse prise par l'administration, car ce n'était pas glamour», souligne Martine Chatelain.

Toilettes, baignoires...

Mais il y a plus. Les Montréalais, tout comme l'ensemble des Nord-Américains, consomment davantage d'eau que les habitants des autres continents. «On est moins sensibilisés. Beaucoup de Québécois vont ouvrir le robinet pour laver les fruits et les légumes et laisser couler l'eau, alors que les Européens utilisent un bol, explique Mme Chatelain. Les Australiens sont catastrophés par la grosseur de nos toilettes, de nos baignoires et de nos lavabos parce que, chez eux, ils manquent cruellement d'eau et tout est plus petit.»

À cet égard, la Ville pourrait adopter une série de mesures réglementaires pour contrer le gaspillage d'eau, dit-elle. À titre d'exemple, elle pourrait offrir un montant incitatif aux citoyens afin qu'ils installent des toilettes à débit d'eau restreint de 3 ou 6 litres pour remplacer les toilettes standards qui peuvent consommer jusqu'à 24 litres d'eau par chasse d'eau. Des programmes de subvention existent ailleurs, comme à New York. De son côté, la Ville de Laval remet 60 $ ou 75 $ à ses citoyens qui se débarrassent de leurs vieilles toilettes. «Au Québec, les toilettes qui consomment beaucoup d'eau se vendent encore. Selon moi, ça devrait être interdit», croit Mme Chatelain.

Mme Chatelain estime que la sensibilisation des citoyens demeure indispensable et, à cet égard, elle juge pertinente la mise sur pied de la «Patrouille bleue» par la Ville de Montréal. Mais l'initiative pourrait être poussée plus loin, croit-elle. Les robinets qui coulent peuvent sembler un problème anodin, mais un filet d'eau qui s'échappe du robinet peut entraîner une perte de 300 litres d'eau par jour. Pour une toilette qui fuit, on parle d'un gaspillage de 600 litres par jour. «Les pompiers vérifient les détecteurs de fumée. On pourrait leur demander de vérifier aussi les robinets, suggère-t-elle. C'est problématique chez les locataires qui doivent composer avec un propriétaire qui ne règle pas le problème. Un robinet qui continue de couler pendant des années, j'ai déjà vu ça dans des logements à Montréal.»

Selon elle, Montréal devrait aussi mettre l'accent sur les stationnements, afin qu'ils soient aménagés de manière à ce que l'eau de ruissellement soit absorbée par des fosses à gravier ou, mieux encore, par des végétaux.

Compteurs d'eau, prise 2

Reste la question des compteurs d'eau dans les industries, les commerces et les institutions (ICI). Malgré la mésaventure du contrat des compteurs d'eau de Génieau, contrat qui a dû être résilié il y a deux ans, la Ville n'a pas renoncé à son projet. L'an dernier, le maire Gérald Tremblay avait promis de présenter un nouveau projet, mais celui-ci tarde à voir le jour. «C'est une question de semaines ou de mois avant que le nouveau projet soit présenté aux autorités de la Ville», a indiqué Philippe Sabourin, chargé des communications à la Ville.

Chose certaine, la nouvelle mouture du projet sera différente de la précédente, car la Ville entend miser sur ses ressources internes pour réaliser le projet. Elle compte aussi confier l'installation des compteurs à ses cols bleus.

En 2006, le maire Tremblay avait fixé à 15 % d'ici 2015 l'objectif de réduction de la production d'eau. Mais il reste encore bien du chemin à faire pour diminuer de façon significative la surconsommation de l'eau et bien des tuyaux à retaper pour rendre le réseau souterrain étanche.

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