Des agents neurotoxiques testés sur des militaires
Ottawa — Des scientifiques et des soldats canadiens ont été exposés durant les années 1950 et 1960 à des agents neurotoxiques, le VX notamment, afin qu'on puisse étudier leurs effets sur l'organisme, a rapporté lundi le Toronto Star.
Des responsables militaires disent que ces tests, auxquels ont participé près de 75 personnes, ne seraient jamais permis aujourd'hui. «Nous perdrions nos emplois», a dit au Star le Dr Thomas Sawyer, un scientifique de la base militaire de Suffield, en Alberta.Depuis la Seconde Guerre mondiale, Suffield a été le site des recherches menées par le Canada en matière d'arsenal de guerre chimique. Une partie des recherches visait le développement de façons de se protéger des différentes armes chimiques. Mais il y a 40 ans, les choses étaient différentes. On craignait entre autres que l'Europe ne devienne un champ de bataille chimique sur fond de guerre froide.
Un document du ministère de la Défense préparé en 2002 explique comment des agents comme le gaz sarin et le VX, qui figurent parmi les produits chimiques les plus toxiques jamais développés, ont pu être testés à Suffield.
Les agents neurotoxiques sont absorbés par l'organisme humain à travers le système respiratoire, la peau et les yeux. Ils s'attaquent au système nerveux et, à doses mortelles, peuvent tuer en quelques minutes seulement.
Des responsables actuels ont admis qu'à l'époque, les scientifiques ne comprenaient pas totalement les conséquences à long terme d'une exposition, même à petites doses, à ces produits. «Nous ne rêverions même pas d'établir un protocole aujourd'hui visant à exposer des humains à des agents neurotoxiques», a affirmé Clément Laforce, directeur général du service de recherche de la Défense à la base de Suffield.
Des responsables fédéraux ont récemment affirmé que pratiquement personne n'a vu sa santé affectée en raison de ces tests. Ils ont toutefois admis qu'aucun suivi n'avait lieu en ce moment.
Au total, Ottawa a versé plus de 20 millions de dollars sur une période de 30 ans à des soldats qui ont servi de cobayes dans le cadre de différents programmes de recherche secrets sur les armes chimiques. Plusieurs personnes s'étaient indignées en 1988 lorsqu'il a été révélé que des humains avaient été exposés à des agents neurotoxiques.
Le néo-démocrate fédéral Jim Fulton, maintenant à la retraite, avait mené une offensive contre le gouvernement de l'époque. Selon lui, le gouvernement avait immédiatement limité la publication d'informations — dont une partie figure dans les plus récents documents traitant de la question.