Les caisses du Parti libéral du Canada sont difficiles à renflouer

Ottawa — Si la caisse d'un parti constitue un bon indicateur de sa santé, alors le Parti libéral du Canada (PLC) est enrhumé et certains craignent désormais la pneumonie.

À la tête du pays durant presque tout le siècle dernier et au pouvoir depuis 1993, le PLC a récolté 5,2 millions de dollars l'an dernier en dons d'entreprises, soit moins de la moitié de la cagnotte de 10,9 millions de son rival, le Parti conservateur.

Dans la première moitié de 2005, entre janvier et mars, les libéraux ont été plus chanceux en recueillant 2,2 millions, mais la somme reste inférieure aux 2,6 millions des conservateurs pour la même période.

Les travaux de la commission Gomery, ses révélations dévastatrices, ont nui aux efforts du PLC. Citons notamment le témoignage du publicitaire Jean Brault, qui a déclaré avoir fourni 1,1 million à la caisse occulte de la section québécoise du parti en échange de contrats fédéraux. D'autres témoins ont contredit ces propos, mais le mal était fait.

«Qui voudrait être associé à ce type de financement?, s'est demandé le directeur exécutif des conservateurs, Ian Brodie. Je m'attends à ce qu'ils [les libéraux] aient du mal à récolter des contributions individuelles durant le reste de l'année.»

En privé, certains libéraux ont admis qu'ils avaient dû freiner leurs opérations de financement après la sortie de Jean Brault. «Il vient un temps où il faut tout simplement se dire: "ce n'est pas le bon moment pour aller cogner chez quelqu'un", a dit un des vieux routiers du PLC sous le couvert de l'anonymat. Vous verrez que le deuxième trimestre n'a pas été aussi bon que le premier, je crois.»

Le directeur exécutif de la formation, Steve MacKinnon, a dit que les chiffres du trimestre se terminant à la fin de juin n'étaient pas encore prêts. Mais il a minimisé l'effet de ressac causé par le scandale en rappelant que son parti a tourné la page. «Le lendemain de la fin des audiences publiques de la commission Gomery, nous avons organisé un souper-bénéfice très réussi à Montréal, en présence de 1200 participants.»

Mais même sans le scandale des commandites, le PLC devra trimer dur pour reprendre sa préséance financière traditionnelle, en partie en raison de son ancien chef, Jean Chrétien. L'ex-premier ministre avait en effet fait adopter à la fin de son règne, il y a deux ans, une loi sur le financement des partis qui restreint de façon draconienne les contributions des entreprises et des riches particuliers, en vue d'assainir les moeurs politiques.

En vertu des dispositions entrées en vigueur le 1er janvier 2004, les entreprises ne peuvent contribuer à la caisse nationale des partis et peuvent verser au maximum 1000 $ aux associations de circonscriptions. Le plafond a été fixé à 5000 $ pour les particuliers. L'année précédant la nouvelle loi, le PLC avait raflé 24 millions.

Selon l'ancien président du parti, Stephen LeDrew, qui avait qualifié la nouvelle loi de «stupide», M. Chrétien voulait redorer son image avant de prendre sa retraite.

Nombre de responsables libéraux ont toutefois continué de faire affaire avec les dirigeants de grandes entreprises en leur demandant de verser leur don à titre personnel. Ainsi, dans la liste publiée plus tôt en juillet par Élections Canada, on apprend que huit des membres de la famille McCain, qui contrôle Maple Leaf et McCain, ont totalisé des contributions de plus de 33 000 $ aux libéraux en 2004.

De même, les Desmarais de Power Corp. ont été généreux, ainsi que le vice-président de Power John Rae, un proche de M. Chrétien, pour un total de 25 000 $ provenant de membres de Power.

Le patron des revenus au PLC, Larry Tannenbaum, a défendu le geste des McCain et des Desmarais, dont les épouses contribuent également en versant les 5000 $ maximaux prévus.

Si les libéraux disposaient d'un bassin de donateurs de 17 800 en 2004 et de 5400 au premier trimestre de 2005, les conservateurs ont misé plutôt sur un bassin élargi de 68 300 contributeurs en 2004 et de 28 000 pour les premiers trois mois de 2005, mais qui versent des contributions plus modestes qu'au PLC.

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