L’opposition choquée que David Johnston reste rapporteur spécial

Les libéraux trouvent « offensant » que les partis d’opposition à Ottawa remettent en doute la loyauté du rapporteur spécial David Johnston, qui s’accroche à son poste même si une majorité de parlementaires lui demandent maintenant de démissionner.
« Je crois que c’est injuste — et franchement offensant — de questionner l’allégeance de M. Johnston. Ses 50 ans de carrière dans le service public prouvent sa loyauté envers le Canada », a scandé le ministre libéral Bill Blair lors de la période de questions de jeudi à Ottawa.
Il répliquait au député conservateur Andrew Scheer, qui accusait le rapporteur spécial de « travailler pour le même gouvernement libéral qui a profité de l’ingérence de Pékin dans les élections ».
Le chef conservateur Pierre Poilievre a pour sa part qualifié de nouveau l’ex-gouverneur général d’« ami de ski », de « voisin de chalet » et de « membre de la fondation » de la famille Trudeau. « M. Johnston a dit qu’il ne travaille pas pour le Parlement, il travaille pour le gouvernement et le premier ministre ! »
Le leader parlementaire du Bloc québécois, Alain Therrien, a formulé une critique semblable. « Un seul homme, le premier ministre, se dresse contre la volonté de la volonté de la population, […] avec pour seul compagnon David Johnston, un non-élu qui, de son propre aveu, se rapporte seulement au premier ministre », a-t-il lancé.
Les débats ont de nouveau atteint un niveau d’intensité qui a déplu au président de la Chambre des communes. À bout de patience, Anthony Rota a décidé à quelques reprises de donner la parole aux derniers élus de la liste pour punir les députés de l’opposition qui criaient pendant les réponses du gouvernement.
David Johnston reste rapporteur
La veille, les libéraux ont essuyé une prévisible défaite lors d’un vote aux Communes à l’issue duquel une majorité d’élus ont adopté une motion du Nouveau Parti démocratique (NPD) qui demande la démission du rapporteur spécial sur l’ingérence étrangère, David Johnston.
L’ex-gouverneur général a réagi au vote en déclarant qu’il « respecte profondément le droit de la Chambre des communes d’exprimer son opinion », mais que son mandat « émane du gouvernement ».
« J’ai le devoir de poursuivre ce travail jusqu’à la fin de mon mandat », dit-il. Et conformément à ce dernier, il doit notamment prendre les cinq prochains mois pour étudier les moyens d’améliorer la circulation des renseignements au gouvernement fédéral, et mener des consultations auprès d’experts et de membres de la diaspora chinoise.
La réponse de David Johnston est toutefois loin d’avoir rassuré les partis d’opposition à Ottawa.
Le chef du NPD, Jagmeet Singh, signataire d’une entente avec le Parti libéral qui maintient le gouvernement Trudeau au pouvoir jusqu’en 2025, a pris la parole jeudi pour critiquer le « manque de sérieux » de cette déclaration. « Le problème depuis le début est que M. Johnston répond au premier ministre, et son communiqué [en réponse au vote du Parlement] le confirme », a déploré M. Singh, qui ne va pas aussi loin que le Parti conservateur et le Bloc québécois dans ses critiques.
Le premier ministre Justin Trudeau a affirmé mercredi que ces deux partis créaient une « situation extrêmement toxique » au Parlement fédéral.
Ses conclusions rejetées
Le 23 mai, David Johnston a conclu dans un rapport de 65 pages qu’une enquête publique sur l’ingérence étrangère n’était pas nécessaire. Après avoir consulté des preuves tenues secrètes, il a déduit que les récentes allégations diffusées dans les médias au sujet de l’ingérence étrangère étaient fausses ou exagérées.
Il a précisé avoir confirmé auprès de l’ex-juge de la Cour suprême Frank Iacobucci qu’il ne se trouvait pas en conflit d’intérêts. Or, M. Iacobucci a lui aussi été membre de la Fondation Pierre-Elliott-Trudeau, ce que les conservateurs ne manquent pas de souligner. Cette fondation est plongée dans son propre scandale en lien avec un don fait par des hommes d’affaires chinois initialement destiné à l’Université de Montréal et négocié avant l’accession au pouvoir de Justin Trudeau.
« David Johnston a fait exactement ce que le premier ministre attendait de lui. Il a mis en oeuvre le plan du premier ministre et, surtout, il l’a protégé d’une enquête publique », a rajouté le député conservateur québécois Luc Berthold.
En l’absence du premier ministre et de plusieurs membres de son cabinet, c’est la ministre des Sports, Pascale St-Onge, qui s’est levée pour donner la réplique à l’opposition, scandant que « David Johnston est toujours dévoué au Canada, aux Canadiens et à bien servir le public ».
Elle a répété que le gouvernement aimerait voir le Bloc québécois et le Parti conservateur du Canada prendre connaissance de l’annexe confidentielle du rapport Johnston pour avoir le coeur net quant à sa validité. L’offre vient toutefois avec l’engagement qu’ils n’en dévoilent pas le contenu, une condition qui ne leur plaît pas.