Le commissaire aux langues officielles ne partage pas la peur anglo-québécoise de C-13

« Je pense que c’est important de comprendre que cette entente fait en sorte qu’on va être en mesure de promouvoir, de protéger le français au Canada, non seulement au Québec, mais à l’extérieur du Québec », a déclaré mardi le commissaire Raymond Théberge, que l’on voit ici en 2019.
Adrian Wyld Archives La Presse canadienne « Je pense que c’est important de comprendre que cette entente fait en sorte qu’on va être en mesure de promouvoir, de protéger le français au Canada, non seulement au Québec, mais à l’extérieur du Québec », a déclaré mardi le commissaire Raymond Théberge, que l’on voit ici en 2019.

Critiqué par des représentants de la communauté anglophone québécoise, l’accord entre Ottawa et Québec sur la protection du français au travail est plutôt « intéressant », selon le commissaire fédéral aux langues officielles, Raymond Théberge.

« Je pense que c’est important de comprendre que cette entente fait en sorte qu’on va être en mesure de promouvoir, de protéger le français au Canada, non seulement au Québec, mais à l’extérieur du Québec. Il reste à voir son impact sur le terrain dans les années à venir », a déclaré mardi M. Théberge en marge de la présentation de son rapport annuel à Ottawa.

Le chien de garde des langues officielles canadiennes a bel et bien noté dans son rapport que la loi 96, adoptée au Québec l’an dernier pour renforcer la Charte de la langue française, « a soulevé des préoccupations dans les communautés d’expression anglaise ». Il ne précise toutefois pas s’il partage ces préoccupations, et n’a pas critiqué cette loi mardi lorsque questionné à ce sujet.

Le commissaire Théberge a simplement évoqué le fait que la présence de références à une loi québécoise dans une loi fédérale pourrait faire l’objet de débats d’experts.

Pas que des heureux

Or, les mentions de la charte québécoise dans le projet de loi C-13 ont fait monter aux barricades plusieurs députés libéraux anglophones du Québec. L’un d’entre eux, le député de Mont-Royal, Anthony Housefather, est allé jusqu’à voter contre la réforme de la Loi sur les langues officielles proposée par son propre gouvernement.

« Il fallait rappeler à la Chambre et aux Canadiens que les craintes de la communauté anglophone du Québec n’étaient pas réglées », avait-il expliqué au moment d’enregistrer la seule dissidence sur les 338 élus aux Communes, lors du décompte final.

Le projet de loi C-13 a finalement été adopté par tous les partis à Ottawa à la mi-mai, après une entente entre les gouvernements Trudeau et Legault qui est venue modifier le texte à la dernière minute. Cela montre, selon le commissaire Raymond Théberge, qu’« il est possible de promouvoir et protéger le français tout en protégeant les droits des communautés linguistiques en situation minoritaire ». « On peut faire les deux en même temps », a-t-il soutenu mardi.

Son rapport annuel 2022-2023 étaye plutôt le difficile accès aux services en français pour les voyageurs canadiens et les embûches se présentant devant les fonctionnaires fédéraux francophones souhaitant travailler dans leur langue. Le commissaire salue l’adoption de C-13, qui lui confère des outils pour sévir contre les institutions peu soucieuses des langues officielles.

Déception chez les Anglo-Québécois

Jointe par Le Devoir, la présidente du Quebec Community Groups Network, Eva Ludvig, se dit « déçue » par l’opinion du commissaire Théberge sur le projet de loi C-13.

« Nous attendons du Commissariat aux langues officielles qu’il comprenne et soutienne les communautés de langue officielle en situation minoritaire, y compris la minorité anglophone du Québec. Les leaders de notre communauté ont pris une position ferme sur cette question, comme en témoigne le député Anthony Housefather, qui a voté contre ce projet de loi », écrit-elle dans une déclaration.

Le regroupement anglophone québécois dit avoir lui aussi pour avis que la promotion du français va de pair avec la protection des droits des communautés linguistiques minoritaires, mais croit que le projet de loi C-13 va à l’encontre de cet objectif.

Ses représentants doivent s’exprimer devant un comité sénatorial la semaine prochaine pour faire part de leurs craintes. Selon eux, le projet de loi entre les mains des sénateurs amplifie « les effets de la Charte de la langue française telle que modifiée par le projet de loi 96 du Québec ».

« [L’entente sur C-13] devrait également préoccuper le Commissariat aux langues officielles, dont le devoir est de protéger les droits linguistiques des Canadiens et de promouvoir la dualité linguistique et le bilinguisme à travers le Canada », poursuit Eva Ludvig.

Questionnée à ce sujet mardi, la ministre des Langues officielles, Ginette Petitpas Taylor, a répété être « très contente » du texte qui permet d’arrimer la loi fédérale aux ambitions de l’Assemblée nationale de vouloir mieux protéger le français au Québec.



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