Consensus encensés et déchirements évités au congrès du Bloc québécois

Les bloquistes ont encensé leur chef, de même que le consensus, en congrès à Drummondville. Les résolutions les plus litigieuses ont été écartées d’entrée de jeu. D’autres n’ont pas eu le temps d’être débattues en plénière. Résultat, les militants du Bloc québécois ont convenu de grands principes qu’ils appuyaient déjà pour la plupart.
Un stratège du parti opinait, en marge du congrès cette fin de semaine, que le mouvement indépendantiste s’est « assagi » et qu’il est devenu « plus pragmatique ». Dans les couloirs du centre de conférence de Drummondville, les bloquistes — surtout ceux qui ont traversé quelques crises entre 2014 et 2019 — cachaient mal leur sourire de voir que la rencontre de cette année ne donne lieu à aucun « psychodrame ».
Le chef, Yves-François Blanchet, a eu droit à l’appui de 97,25 % de ses militants, lors de son tout premier vote de confiance. En plénière, dimanche, une seule résolution a été rejetée par les délégués sur les 121 étudiées.
Des divergences d’opinions, il y en a quand même eu. Des propositions portant sur l’union des forces indépendantistes sous la grande tente bloquiste ou sur la laïcité ont suscité le plus de débats.
Les bloquistes ont ainsi, encore cette année, débattu de la place à faire aux militants de divers partis indépendantistes sur la scène provinciale.
S’ils ont refusé d’appuyer exclusivement le Parti québécois (PQ), les délégués bloquistes se sont entendus pour promettre de « réunir les indépendantistes de toutes allégeances » tout en reconnaissant les « liens historiques et privilégiés qui unissent » le Bloc et le PQ. Or, un jeune militant, Félix-Antoine Breault, s’est inquiété que cette reconnaissance rebute les militants de feue Option nationale et leur volonté de prêter main-forte au Bloc. « C’est un potentiel gaspillé et facilement récupérable », a-t-il affirmé, sans convaincre la majorité.
Yves-François Blanchet a refusé de voir à ce vote partagé un malaise ou un déchirement. Le parti vient simplement de réitérer sa position historique, a-t-il répliqué dimanche en point de presse.
Un peu plus tard, les délégués ont statué que leur parti devrait défendre les positions de la majorité à l’Assemblée nationale, et non pas seulement celles du gouvernement en place. « Ça permettrait de ne pas être obligés de soutenir un gouvernement qui veut un tunnel autoroutier dont nous, on ne veut pas », a argué le militant Simon Marchand.
La laïcité, avec des nuances
Quant au débat sur la laïcité, celui-ci aussi a révélé de légères dissensions. Des militants se sont inquiétés de voir une résolution stipulant que l’État « ne doit reconnaître, ni salarier, ni subventionner aucun culte » et que « seule la laïcité protège [les valeurs progressistes et égalitaires] contre les dogmes et le fondamentalisme religieux ».
« Si on utilise le mot “ culte , on va se faire taper sur la tête », a fait valoir Florence Gosselin. Elle aussi, la majorité l’a ignorée.
Une seconde proposition, dénonçant toute tentative d’empêcher le Québec d’instaurer la laïcité et condamnant le port de signes religieux par une personne en position d’autorité, a elle aussi divisé, au moment du vote.
La présidente du Forum jeunesse, Rose Lessard, s’est avouée mal à l’aise avec ce pan de la Loi sur la laïcité de l’État québécois. « Le Québec, c’est le Québec aussi de tout le monde. Et chaque personne qui veut travailler peut travailler avec ce qu’il entend comme signes », a-t-elle exprimé au Devoir, selon sa propre opinion.
Le principe général de la laïcité ne fait cependant pas débat chez les jeunes bloquistes, a-t-elle insisté. M. Blanchet a fait de même, en point de presse ensuite. « Il y a de la place [au Bloc] pour tous les débats, tous les sujets, toutes les discussions », a-t-il assuré.
Le débat sur l’immigration esquivé
Les propositions des militants les plus susceptibles de faire parler d’elles ont, en revanche, pour leur part, été écartées.
Celles sur l’immigration : son volume qui devrait respecter la capacité d’accueil ou l’immigration irrégulière « et ceux qui s’en servent dans le but d’affaiblir le Québec ».
Deux autres, qui stipulaient que le manque de pleins pouvoirs en immigration par Québec représente un « obstacle à la cohésion sociale », avaient été rejetées dès samedi, en sous-comité.
Des députés bloquistes s’y étaient vivement opposés, au micro et en coulisses, en discussion avec des délégués.
Yves-François Blanchet a nié qu’un mot d’ordre ait été donné pour éviter la controverse. Au contraire, il a sommé ses députés de laisser le plancher aux militants, a insisté le chef.
M. Blanchet a, en outre, rejeté l’idée que les délégués aient voulu éviter de plonger le Bloc dans le même embarras que la Coalition avenir Québec, lorsque le premier ministre du Québec, François Legault, a lié la « cohésion nationale » au déclin du français et à l’immigration non francophone.
Ses députés, eux, avaient cependant avoué vouloir esquiver les mêmes critiques.
Préséance au Québec et « dérives » judiciaires
Outre ces brefs débats, les bloquistes ont largement procédé par consensus. Ils ont convenu de réclamer le droit de vote fédéral dès 16 ans, de permettre aux jeunes d’être membres du parti dès 14 ans, de s’opposer à la « discrimination » positive dans la subvention de chaires de recherche universitaires, de militer pour la décriminalisation de la possession simple de drogues et pour l’abolition du Sénat.
Toutes les résolutions réclamant que les lois québécoises et le processus d’évaluation environnemental du Québec aient préséance sur leurs équivalents du fédéral ont aussi été adoptées. La protection de la langue française a été ardemment défendue.
Les délégués ont en revanche manqué de temps pour se prononcer sur l’idée que le Québec nomme tous les juges fédéraux sur son territoire ou rejette « les dérives judiciaires de la Cour suprême du Canada lorsqu’elles touchent aux compétences exclusives du Québec ».