Les élections maintenues dans une Alberta qui brûle

Malgré les milliers d’Albertains évacués et la crainte que la météo permette une amplification des feux de forêt pour encore des semaines dans ce coin du pays, les autorités ne prévoient pas l’annulation ou le report du scrutin provincial du 29 mai.
« Nous sommes encore en train d’évaluer les impacts qu’ont les feux pour déterminer si des lieux de vote ont été perdus », précise la porte-parole d’Elections Alberta, Robyn Bell, dans un courriel mardi.
Les élections générales qui doivent se tenir à la fin du mois ne sont pas compromises pour autant. La loi donne le droit au directeur général des élections de l’Alberta de demander au tribunal de suspendre le vote dans une circonscription, s’il démontre qu’il n’est pas en mesure d’assurer la tenue du scrutin. Un juge doit approuver l’idée.
« Il est important de noter qu’il y a 87 divisions électorales, et les demandes d’interrompre le vote doivent être faites pour chaque division individuelle », ajoute Mme Bell.
Mardi, un seul bureau de directeur de scrutin avait mis la clé sous la porte, à Valleyview dans la circonscription de Central Peace-Notley, au nord-ouest de la province. Ses activités ont été déménagées à son bureau satellite du village de Fairview, et la campagne électorale s’y poursuit pour l’instant comme prévu.
« Là où un endroit de vote est inaccessible, nous allons identifier un ou plusieurs lieux de vote alternatifs, en fonction d’où les électeurs ont été relocalisés », promet d’ailleurs le site Web de l’autorité électorale albertaine, qui propose aussi le vote par la poste.
La province de l’Alberta a déclaré l’état d’urgence à cause de la multiplication des feux de forêt il y a une dizaine de jours. Elle a ensuite fait une demande d’assistance au gouvernement fédéral, qui a déployé 300 militaires. Le Québec a pour sa part dépêché une force de 70 pompiers pour combattre les incendies. Le premier ministre Justin Trudeau s’est arrêté en Alberta lundi pour constater ces efforts, au moment où l’on comptait près de 20 000 citoyens évacués.
Situation critique
La situation des feux de forêt en Alberta est qualifiée de « très critique » par l’agente d’information du service Alberta Wildfire, Josée St-Onge.
« Ça va se poursuivre pour des semaines, sinon des mois. On est rendu avec des feux qui brûlent sur une grosse superficie. Ça prend beaucoup de travail pour les amener sous contrôle », précise-t-elle.
Même si on craint que le temps chaud et sec combiné au vent n’aggrave la situation, notamment vers le sud de la province, les quelque 80 foyers d’incendie actuels ne touchent qu’une quinzaine de zones habitées. Les grands centres urbains Edmonton et Calgary sont épargnés. Les villes de taille moyenne que sont Grande Prairie, Fox Creek, ou Edson, toutes dans le nord-ouest de l’Alberta, sont les plus touchées.
Frederic Boily, qui enseigne la science politique au campus Saint-Jean de l’Université de l’Alberta, a remarqué pour une première fois cette semaine le smog causé par les feux, poussé par un vent favorable jusqu’à Edmonton. « Ça brûle assez loin, en fait, vers les Rocheuses », précise-t-il, dans un appel au Devoir.
« Les feux ont éclaté pratiquement au début de la campagne, ça a fait en sorte de ralentir la dynamique. À un moment donné, on avait l’impression que les deux partis étaient sur pause. »
Effet incertain sur le vote
La campagne électorale en cours oppose la première ministre sortante, Danielle Smith, qui a remplacé Jason Kenney à la tête du Parti conservateur uni de l’Alberta en octobre dernier, et l’ex-première ministre néodémocrate Rachel Notley.
« L’effet des feux sur le résultat électoral ne semble pas pour l’instant déterminant, poursuit le professeur Frédéric Boily. Ce qui pourrait [influencer l’opinion publique], c’est la gestion des feux de la part du gouvernement de Danielle Smith, à savoir si elle peut bien gérer une crise. Il n’est pas clair que c’est un avantage pour elle. »
Dans une entrevue accordée au Edmonton Journal mardi, cette dernière a salué la réaction d’Ottawa aux feux de forêt, après avoir émis des doutes quant à la viabilité de l’énergie solaire ou éolienne et décrié le plan de réduction des gaz à effet de serre d’Ottawa, qu’elle assimile à un plafond de la production pétrolière de sa province.
Le site Web du gouvernement de l’Alberta consacré aux changements climatiques note que la valeur des pertes engendrées par les sinistres tels que les feux de forêt ont considérablement augmenté dans les années 2010. À eux seuls, les deux les feux de forêt de Fort McMurray en 2016 ont coûté 3,58 milliards de dollars, ce qui représente la catastrophe la plus coûteuse de l’histoire du pays.