Ottawa veut que plus d’accusés demeurent en prison dans l’attente de leurs procès

Ottawa veut que plus d’accusés demeurent en prison pendant qu’ils attendent la tenue de leur procès. Le gouvernement Trudeau a déposé un projet de loi mardi pour rendre plus difficile la libération sous caution, surtout celle de certains récidivistes violents.
Actuellement, la règle est la suivante : un accusé est remis en liberté dans l’attente de son procès, sauf exception. C’est une application concrète de la présomption d’innocence.
Un juge peut tout de même décider de garder un accusé détenu durant les procédures judiciaires, ce qui est normalement le cas de ceux qui sont accusés de meurtre ou de crimes très violents. C’est la Couronne qui a le fardeau de démontrer au juge qu’il est préférable que l’accusé reste entre les murs de la prison.
Avec son projet de loi C-48, Ottawa veut changer la donne en « inversant le fardeau de preuve » dans certains cas. La règle serait alors la détention, sauf exception. Cela mettrait sur les épaules de l’accusé le fardeau de démontrer pourquoi il devrait être remis en liberté.
Le gouvernement de Justin Trudeau présente la mesure comme une façon « de contrer le risque de récidive avec violence ».
La mesure législative proposée concerne en gros deux aspects. D’abord, le gouvernement cible les récidivistes violents : un prévenu qui est accusé à nouveau d’un crime avec une arme devra démontrer pourquoi il devrait être libéré dans l’attente de son procès. Le gouvernement a toutefois posé des limites : si l’infraction violente précédente remonte à plus de 5 ans, elle ne comptera pas. Et il faut que les deux crimes — l’actuel et le précédent — soient passibles d’au moins 10 ans de prison.
Le gouvernement cherchait ainsi à atteindre un équilibre, a répété le ministre Lametti, pour ne pas trop encombrer les centres de détention.
Et alors que la loi prévoit déjà une liste d’infractions criminelles pour lesquelles l’accusé a le fardeau de démontrer pourquoi il devrait être libéré — c’est actuellement le cas pour des crimes liés à la violence conjugale et certains commis avec des armes à feu — il veut en ajouter d’autres, notamment le vol qualifié avec arme à feu et la fabrication d’une arme automatique.
Un projet de loi avec un « message »
Le gouvernement libéral a sorti ses gros canons pour l’annonce de C-48. Pas moins de quatre ministres ont été rassemblés : le ministre de la Justice, David Lametti, le ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, le ministre des Affaires intergouvernementales, Dominic LeBlanc et la ministre de la Santé mentale et des Dépendances, Carolyn Bennett.
Pourtant, les ministres ne peuvent mesurer l’impact envisagé de ces changements législatifs. Les juges avaient déjà la possibilité de garder détenus les accusés violents — et le faisaient. Que cela va-t-il changer ?
Le ministre Lametti a insisté sur le « message » que C-48 envoie : « un signal est envoyé aux juges, aux procureurs de la Couronne et au public. C’est aussi une façon d’encadrer le processus ». L’objectif est que les communautés se sentent en sécurité, et aussi d’endiguer la violence armée, a-t-il martelé.
« Nous avons besoin de meilleures données », a-t-il toutefois convenu lorsque questionné à ce sujet en point de presse mardi à Ottawa.
M. Lametti espère que le projet loi sera adopté à l’unanimité.
Cela s’avère peu probable, considérant la réaction mardi du chef des conservateurs, Pierre Poilievre.
« La prison, pas la libération pour les récidivistes violents », a-t-il répété mardi, en réclamant des mesures encore plus sévères.