Le Canada doit préciser son message auprès des demandeurs d’asile, dit un rapport

Le gouvernement canadien devrait dire plus clairement qu’il n’est pas accueillant pour les personnes qui franchissent irrégulièrement la frontière, et vanter davantage les États-Unis comme « pays sûr » pour les demandeurs d’asile, recommande un rapport du Parlement.
« Que le gouvernement du Canada s’efforce activement de décourager les passages irréguliers à la frontière par le chemin Roxham et ailleurs au moyen de déclarations publiques, de messages sur les médias sociaux et de visites dans des pays sources importants pour parler aux médias et décourager ce genre de passages », peut-on lire en guise de première recommandation d’un rapport du Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration déposé mardi.
Intitulé « Les demandeurs d’asile à la frontière canadienne », le document d’une centaine de pages fait état d’un « nombre potentiellement record » de 50 000 demandeurs d’asile qui ont franchi la frontière canadienne entre les points de passage officiels en 2022. « 95 % de ces réfugiés clandestins auront franchi la frontière au chemin Roxham, vers la province de Québec », note-t-on.
À (re)lire
Présidé par la députée libérale ontarienne Salma Zahid, le comité parlementaire de douze élus représentant les quatre principaux partis aux Communes a émis 13 recommandations à la suite de leurs travaux sur les arrivées irrégulières au pays. Le comité a entendu 27 témoins, à compter de novembre 2022, mais avant l’entrée en vigueur d’une entente avec le gouvernement américain conçue pour réduire drastiquement le nombre de passages au chemin Roxham.
Depuis, « le Canada a connu une diminution notable de la migration irrégulière à la frontière », confirme Bahoz Dara Aziz, l’attachée de presse du Ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, Sean Fraser.
« Le rapport, c’est la photo de la situation [qui prévalait avant la mise à jour de l’entente]. Mais ça reste pertinent, puisqu’il y a plein de questions qui restent en suspens », a précisé l’élu du Bloc québécois membre du comité, Alexis Brunelle-Duceppe. Il affirme ignorer combien de demandeurs d’asile se prévalent maintenant d’exceptions à l’entente avec les États-Unis, comme pour les migrants mineurs non accompagnés ou ceux ayant un membre de leur famille déjà en sol canadien.
Contribution à la migration humanitaire
Le comité note que la migration est une tendance lourde dans le monde entier, avec une estimation de 103 millions de personnes déplacées de force de chez elles seulement pour les six premiers mois de 2022. Même si l’afflux total de migrants arrivant au Canada a connu une hausse ces dernières années, « la contribution proportionnelle du Canada à la migration humanitaire mondiale a diminué ».
« Même si elle n’est pas comparable avec les mouvements migratoires alarmants observés dans la Méditerranée ou à la frontière entre les États-Unis et le Mexique, la migration irrégulière par le chemin Roxham exerce une pression considérable sur les structures et systèmes en place au Canada », peut-on lire.
Puisque le Canada est signataire de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés des Nations Unies, le pays a l’obligation de garantir un accès sûr et sans entrave aux procédures de demande d’asile, ainsi que de veiller à la protection des droits de ces personnes.
En janvier 2017, en pleine crise humanitaire en Syrie, le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, a envoyé un tweet dans lequel on pouvait lire : « À ceux qui fuient la persécution, la terreur et la guerre, sachez que le Canada vous accueillera. » Ses critiques ont blâmé le message pour avoir exacerbé le flux migratoire au chemin Roxham, l’une ayant même tenté de traîner le premier ministre devant les tribunaux, sans succès.
Approbation du tiers pays sûr
En mars, le gouvernement canadien a révélé son entente avec le gouvernement des États-Unis pour refouler toute personne traversant la frontière via le chemin Roxham ou un autre lieu de passage irrégulier, en échange de l’accueil de 15 000 personnes de plus par année en provenance des Amériques. Les détails de ce nouvel engagement ne sont toujours pas connus.
Le comité parlementaire recommande ainsi que le gouvernement fédéral « affirme publiquement que les États-Unis d’Amérique sont un tiers pays sûr, c’est-à-dire que les demandeurs d’asile qui arrivent aux États-Unis devraient d’abord demander une protection à titre de réfugiés aux États-Unis au lieu du Canada ».
Et cela, même si plusieurs intervenants ont témoigné que le système américain d’asile était dysfonctionnel et peu respectueux des droits des migrants, qui y sont fréquemment emprisonnés. 28 000 Haïtiens auraient par exemple été déportés des États-Unis sans avoir eu la possibilité de faire entendre leur cause, a déploré Frantz André, du Comité d’action des personnes sans statut.
Parmi les autres recommandations du comité parlementaire, on suggère de mieux financer la Gendarmerie royale du Canada à la frontière et d’enquêter davantage sur les organisations criminelles qui font de la traite de personnes.
Les élus du comité demandent aussi d’accepter les demandeurs d’asile victimes de persécution « liée au genre » comme exemption de l’Entente sur les tiers pays sûrs avec les États-Unis, de fournir des permis de travail aux demandeurs d’un statut de réfugié dès leur arrivée, et de mieux financer les organisations communautaires qui leur viennent en aide.