Trudeau veut séduire les conservateurs insatisfaits de Poilievre

L premier ministre Justin Trudeau s’adressait aux centaines de délégués réunis jeudi à Ottawa pour la première journée du congrès du Parti libéral du Canada.
Photo: Sean Kilpatrick La Presse canadienne L premier ministre Justin Trudeau s’adressait aux centaines de délégués réunis jeudi à Ottawa pour la première journée du congrès du Parti libéral du Canada.

Le Canada n’est « pas brisé », pas plus que son gouvernement est « trop woke », dit le chef libéral Justin Trudeau, qui a présenté devant ses militants sa stratégie pour remporter un quatrième mandat : aller chercher les conservateurs déçus par Pierre Poilievre.

« Beaucoup de Canadiens conservateurs se sentent abandonnés par ce que le Parti conservateur est devenu. Ils n’ont pas quitté leur parti, c’est leur parti qui les a quittés », a déclaré Justin Trudeau jeudi soir.

Il s’adressait aux centaines de délégués réunis jeudi pour la première journée du congrès du Parti libéral du Canada, à Ottawa. « Notre mouvement libéral va continuer d’être là pour tous les Canadiens », a-t-il poursuivi, sous une foule d’applaudissements.

Justin Trudeau a mentionné une dizaine de fois le chef de l’opposition officielle à Ottawa depuis septembre dernier, Pierre Poilievre, dans un discours de 30 minutes.

Il a tourné au ridicule plusieurs prises de position de son principal opposant à la Chambre des communes. M. Poilievre a ainsi été présenté comme un politicien qui s’est opposé à l’entente avec Volkswagen pour la construction d’une usine de batteries, qui a appuyé les « occupations illégales » du Convoi de la liberté, et qui a fourni des conseils d’investissements mal placés dans la cryptomonnaie.

« Soyons honnêtes, ça n’a pas l’air très sérieux d’avoir le chef de l’opposition officielle échanger des mèmes [sur Twitter] avec des milliardaires aux États-Unis pour compromettre nos institutions canadiennes indépendantes », a-t-il lâché, en anglais.

Il faisait ainsi référence à l’appui de M. Poilievre au propriétaire de Twitter, Elon Musk, d’afficher le réseau anglais de Radio-Canada comme un « média financé par le gouvernement » sur sa plateforme. Justin Trudeau a d’ailleurs réservé une partie de son discours pour défendre le diffuseur public, essentiel selon lui à la protection de la langue française au pays.

Pas trop « woke »

Il a rejeté du revers de la main l’idée selon laquelle son parti serait devenu « trop woke », citant devant ses militants toute une liste de politiques progressiste, comme le programme national de garderies à 10 dollars.

« Trop woke ? Hé, Pierre Poilievre, c’est le temps de te réveiller », a-t-il lancé en guise de réponse à son opposant, qu’il qualifie à un certain moment de « populiste ». Ses partisans ont apprécié sa démonstration, au point de scander son prénom : « Justin !, Justin ! »

Le discours du chef libéral a aussi fait référence à plusieurs reprises à la relation qu’entretiennent le Canada et les États-Unis. Il a évoqué son bilan de s’être « tenu debout devant [l’ex-]président Donald Trump ». Au contraire, il a critiqué M. Poilievre pour avoir gaspillé son bref entretient avec le président Joe Biden pour se plaindre des obligations vaccinales. La foule a hué.

Justin Trudeau a ainsi présenté à ses militants le narratif selon lequel la politique fédérale est « un choix » binaire entre sa vision et celle de M. Poilievre, dans un monde qui est « de plus en plus polarisé ». Il souhaite que son parti soit reconnu pour ses accomplissements économiques et que son message soit porté auprès des travailleurs ordinaires, « la classe moyenne et les gens ordinaires ».

Il a par exemple invité la foule à faire une ovation debout pour Michael, un travailleur de la construction qu’il dit avoir rencontré dans l’une de ses rencontres publiques et qui représente, selon lui, le genre d’électeurs que le Parti libéral ne devrait pas prendre pour acquis.

Il a indiqué sans équivoque qu’il sera candidat lors des prochaines élections fédérales. « Quand viendront les prochaines élections, […] ce sera l’honneur de ma vie de nous y mener. »

Le Parti libéral du Canada a conclu l’an dernier une entente avec le Nouveau Parti démocratique (NPD) pour se maintenir au pouvoir jusqu’en 2025. Aussi ce parti a été complètement ignoré du discours de M. Trudeau.

Premier congrès en cinq ans

Avant lui, la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, a harangué la foule en s’attaquant elle aussi au chef de l’opposition, mais aussi au chef du Bloc québécois. « Ce n’est sûrement pas grâce à Yves-François Blanchet qu’on va investir des sommes records dans la protection du français au Québec et à travers le Canada : il va voter contre le budget ! »

Jeudi était le premier jour du congrès du Parti libéral du Canada, qui se tient à Ottawa jusqu’à samedi. La tête d’affiche de l’événement est Hillary Clinton, qui doit être interviewée par la vice-première ministre, ministre des Finances et ex-journaliste, Chrystia Freeland, vendredi soir.

Le premier ministre en a profité jeudi pour serrer des mains et prendre des autoportraits avec ses militants, avant de s’envoler pour le couronnement de Charles III, à Londres, au dernier jour du congrès.

En 2021, le congrès libéral avait été tenu entièrement sur le Web, en mode virtuel. Les libéraux s’étaient réunis pour la dernière fois en personne en 2018.

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