Le Canada ignore les progrès de sa politique féministe, selon la VG

La vérificatrice générale, Karen Hogan
Sean Kilpatrick La Presse canadienne La vérificatrice générale, Karen Hogan

La vérificatrice générale a remarqué un désintérêt chez les cadres supérieurs d’Affaires mondiales Canada quand vient le temps de mesurer les résultats de la politique féministe qui guide l’aide étrangère du pays.

« Nous n’avons trouvé aucun élément probant indiquant que les cadres supérieurs examinaient régulièrement les résultats en matière d’égalité des genres ou les progrès à l’égard des objectifs de la politique », peut-on lire dans l’un des rapports de la vérificatrice générale du pays, Karen Hogan, publiés lundi.

Son bureau a eu beaucoup de mal à obtenir les documents nécessaires pour son audit du ministère responsable de l’aide internationale, Affaires mondiales Canada (AMC). Des dossiers ont été perdus dans les ordinateurs d’anciens employés, ce qui rendait impossible le suivi de certains projets financés à même les 3,5 milliards de dollars consacrés à l’aide bilatérale au développement pour les pays pauvres.

La vérificatrice générale en arrive surtout à la conclusion que le fédéral n’est pas en mesure de démontrer comment cette aide a permis d’améliorer les résultats pour les femmes et les filles. Un audit interne réalisé en 2021 a révélé des problèmes similaires, note son rapport.

Fréquentation scolaire des filles

« Cela signifie que la haute direction n’a pas examiné l’incidence complète des programmes et n’était pas en mesure de le faire », indique le rapport, qui blâme les hauts dirigeants d’AMC.

Par exemple, elle note que le ministère n’a pas évalué l’amélioration de la fréquentation scolaire dans les pays où sont financés des projets qui devaient justement rendre les écoles plus accueillantes pour les jeunes filles, comme par l’installation de toilettes.

Près de la moitié des 60 projets examinés par la vérificatrice générale n’étaient pas adéquatement évalués au moyen de critères issus de la politique féministe du gouvernement. Depuis 2017, cette valeur doit être au coeur des projets financés par le Canada. Sur le total de 26 indicateurs que le ministère a créés pour faire le suivi des progrès, 24 « ne mesuraient pas les résultats ».

Le fédéral a raté de peu deux des trois objectifs de la politique, soit de consacrer 15 % des fonds aux projets axés sur l’égalité des genres et d’envoyer 50 % des fonds en Afrique subsaharienne. Selon Mme Hogan, le ministère a raté une occasion de « démontrer la valeur de l’aide internationale ».

Le ministre se défend

Même si toutes ses recommandations ont été acceptées par le ministère, le ministre responsable a contesté la principale constatation de la vérificatrice générale. Le ministre du Développement international, Harjit Sajjan, soutient que ses voyages sur le terrain l’ont suffisamment convaincu des progrès réalisés en matière de féminisme, mesurés par les partenaires sur place, assure-t-il.

« Dans certains projets que j’ai visités, par exemple au Sénégal, on a été capables de montrer précisément quels sont les pourcentages [de succès des filles retournant en classe]. Ce qu’on n’a pas été capables de faire, c’est en fait de retourner [au ministère] avec l’information et de présenter un portrait complet », a dit le ministre en mêlée de presse.

Le porte-parole du Parti conservateur sur ce dossier a tourné en ridicule les propos de M. Sajjan, et a critiqué le fait que le gouvernement « ne se donne pas la peine » de mesurer les résultats de sa politique.

« Je pense que c’est fou de penser que vous devez croire le ministre du Développement international quand il dit que ses voyages à l’étranger lui donnent une connaissance suffisante des résultats de ces projets », a lancé le député conservateur Garnett Genuis.

Le Devoir a rapporté en 2020 que la haute direction d’AMC accordait surtout des promotions à ses cadres issus de la majorité anglophone depuis la dissolution de l’organisme d’aide étrangère réputé francophone appelé l’Agence canadienne de développement international.

La vérificatrice générale a aussi publié des rapports sur d’autres sujets, lundi. Elle conclut par exemple que le gouvernement fédéral n’est pas en mesure de démontrer que l’accès à Internet haute vitesse a été suffisamment amélioré au pays. Un « fossé numérique » existe encore au détriment des régions rurales et des communautés autochtones, remarque-t-elle.

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