Stephen Harper sort de l’ombre pour fouetter les troupes conservatrices
![Stephen Harper s’est d’ailleurs permis d’avancer à plus d’une occasion que « Pierre [Poilievre] sera le prochain premier ministre ».](https://media2.ledevoir.com/images_galerie/nwd_1478627_1133515/image.jpg)
Stephen Harper s’était fait discret sur la scène canadienne depuis sa défaite politique de 2015. L’ancien premier ministre est sorti de l’ombre mercredi et a attiré les foules conservatrices avec un discours venant souligner l’héritage de son ancien Parti réformiste et revaloriser du même coup le legs populiste de la formation.
La sortie ne semblait pas fortuite. Stephen Harper s’est exprimé à quelques occasions depuis qu’il a quitté la politique, mais c’était sur la scène internationale ou lors d’événements fermés au grand public et aux médias.
L’ancien chef a depuis appuyé pour la première fois l’un de ses successeurs — Pierre Poilievre, l’an dernier —, et le Parti conservateur du Canada semble désormais chauffer les libéraux du premier ministre Justin Trudeau dans les sondages.
D’anciens membres de l’entourage de M. Harper voyaient dans ce rare discours de leur ancien patron le signe que l’ex-premier ministre et la famille conservatrice jugent que le fruit semble mûr et que les prochaines élections leur offriront une première chance de victoire depuis 2015. M. Harper s’est d’ailleurs permis d’avancer à plus d’une occasion que « Pierre [Poilievre] sera le prochain premier ministre » du Canada.
La revanche du populisme
Officiellement, toutefois, le discours de mercredi soir visait à célébrer pour le Parti réformiste le 30e anniversaire d’un scrutin qui l’avait vu faire élire 52 députés — dont Stephen Harper à Calgary — et se hisser au rang de deuxième parti d’opposition aux Communes.
Pour l’occasion, la conférence annuelle du mouvement conservateur canadien a réuni M. Harper et son ancien chef Preston Manning.
Le populisme est à l’Ouest canadien ce que le nationalisme est au Québec
Or, le Parti réformiste avait été lancé dans l’Ouest canadien en 1987 sur les bases d’un autre parti populiste américain souhaitant défendre « les simples fermiers et travailleurs à revenus modestes », a rappelé M. Harper.
« Le mot “populiste” a souvent pris une mauvaise connotation », a affirmé celui qui a été pendant neuf ans le 22e premier ministre canadien. Mais le Parti réformiste cherchait en fait, en se faisant « populiste », « à répondre aux réelles préoccupations de ses membres et de ses partisans, qui étaient des gens ordinaires de la classe ouvrière. Et ce genre de populisme est une très bonne chose », a soutenu l’ex-chef conservateur dans un discours en anglais.
Qui plus est, « le populisme est à l’Ouest canadien ce que le nationalisme est au Québec », a quant à lui affirmé Preston Manning, qui s’est joint à son ancien député pour poursuivre la discussion devant une salle comble, remplie de quelques centaines de conservateurs, de quelques députés actuels et de plusieurs anciens employés du gouvernement Harper.
Ce populisme est au coeur de l’idéologie conservatrice, ont fait valoir les deux anciens chefs du mouvement.

Le nouveau leader du mouvement, Pierre Poilievre, devra toutefois faire face « à beaucoup de colère dans le monde », et le défi du Parti conservateur « sera de canaliser cela en quelque chose de positif », a observé Stephen Harper.
Régler quelques comptes
L’ancien premier ministre a également profité de sa tribune pour lâcher quelques railleries. À l’endroit des « médias libéraux », qu’il déconseille de lire. À l’endroit du premier ministre qui l’a remplacé, Justin Trudeau, concernant la taille de ses déficits ou sa gestion de l’ingérence étrangère.
Et contre le chef néodémocrate Jagmeet Singh, qu’il a présenté comme un laquais ou une « simple succursale » du Parti libéral. « Seul Jagmeet Singh peut entrer dans une pièce avec Trudeau et en ressortir avec une entente en vertu de laquelle il ne tire rien », a lancé Stephen Harper. « C’est de la jalousie, a-t-il poursuivi. J’aurais simplement voulu avoir un chef de l’opposition comme lui. »
Les conservateurs se réunissent chaque année à Ottawa dans le cadre de la conférence du réseau Canada Strong and Free (l’ancien centre Manning, du nom de l’ancien chef réformiste). Pierre Poilievre y prononcera à son tour un discours jeudi.