Ottawa promet un budget vert après des années de subventions aux pétrolières

Accélérer la transition vers l’énergie verte sans freiner l’appétit du monde pour l’énergie fossile. Le troisième budget de la ministre fédérale des Finances, Chrystia Freeland, promet de « bâtir l’énergie propre du XXIe siècle », tout en poursuivant l’exploitation du pétrole et du gaz naturel canadiens pour répondre aux besoins de l’Europe et de l’Amérique.
En marge de la récente COP27, le ministre fédéral de l’Environnement, Steven Guilbeault, réitérait l’engagement du Canada « à supprimer progressivement les subventions aux combustibles fossiles d’ici 2023 ». « Nous sommes plus que jamais déterminés à soutenir la transition mondiale vers des formes d’énergie plus propres et renouvelables, en nous affranchissant de notre dépendance aux combustibles fossiles. »
Nous avons pris des engagements et nous allons faire ce que nous avons promis
De passage à Québec mercredi dans le cadre de son pèlerinage prébudgétaire, la vice-première ministre a ajouté un « mais » à cette promesse. « Nous avons pris des engagements et nous allons faire ce que nous avons promis, a répété Chrystia Freeland. Mais c’est aussi important de comprendre qu’aujourd’hui, le monde a besoin des ressources naturelles du Canada. »
La guerre en Ukraine et la pandémie ont toutes deux jeté une lumière crue sur « les risques d’une dépendance économique à l’égard des dictatures », a-t-elle souligné. « C’est très important, pour nous, d’investir dans la transition verte, mais nous avons aussi la responsabilité d’aider nos alliés, et c’est ce que le Canada est en train de faire. »
Un budget écrit à l’encre verte
Chrystia Freeland avait choisi le siège social de Flo, une entreprise québécoise de bornes de recharge électrique, pour prononcer son discours, dans lequel elle a rappelé l’importance pour le Canada de se doter d’une « politique industrielle » forte et durable.
Aux États-Unis, une telle politique est déjà sur les rails. Adopté en 2022, l’ambitieux Inflation Reduction Act décaisse 500 milliards de dollars américains pour doper la production d’énergie verte, réduire le coût des soins de santé et alléger le fardeau des plus démunis. Le locataire de la Maison-Blanche, Joe Biden, débarque d’ailleurs à Ottawa jeudi dans le cadre de sa première visite officielle au Canada depuis son élection à la présidence.
Mercredi, Chrystia Freeland a laissé entendre qu’elle avait trempé sa plume dans le même encrier que ses homologues américains pour écrire le budget attendu mardi. « Nous allons vraiment faire des investissements importants pour l’économie verte dans le budget, a indiqué la grande argentière du Canada. Les autres pays ont compris que la création d’une économie verte présente une grande opportunité économique. Nous avons un choix à faire : investir plus dans l’économie verte ou laisser cette opportunité à d’autres. Pour moi, le choix est évident. »
Un passé pétrolier
Depuis le retour des libéraux au pouvoir en 2015, ce choix n’a pas toujours semblé si manifeste. Le Devoir révélait en août 2021 que le secteur canadien des combustibles fossiles avait bénéficié d’aides fédérales de près de 10,7 milliards de dollars par année, en moyenne, depuis que Justin Trudeau avait pris les rênes du pays.
Plus récemment, Ottawa a aussi approuvé, l’an dernier, le controversé projet de forage Bay du Nord, qui s’implantera au large de Terre-Neuve, en plus d’ouvrir aux enchères pour près de 100 000 km² de nouveaux permis d’exploration en milieu marin.
Le fédéral dépense encore des sommes astronomiques au profit de l’industrie pétrolière et gazière. L’élargissement de l’oléoduc Trans Mountain, racheté par Ottawa en 2018 des mains du privé Kinder Morgan, est en voie d’engloutir à lui seul 31 milliards de dollars de deniers publics. Sa revente, selon plusieurs experts, ne permettrait pas d’en recouvrir plus de la moitié.
« Nos investissements dans l’économie verte sont importants pour deux raisons », a souligné la ministre fédérale mercredi, à peine deux jours après la publication d’un préoccupant rapport du GIEC. « Pour la planète, parce que nous devons vraiment réduire les émissions. Et pour le côté économique, parce que je crois vraiment que nous pouvons comparer ce moment à la révolution industrielle. C’est un grand, grand changement : le Canada doit aujourd’hui décider si nous voulons faire partie de cette transformation mondiale. »
La réponse mardi.