Justin Trudeau évoque une possible annonce sur le chemin Roxham

L’Entente sur les tiers pays sûrs ne couvre pas les personnes qui se présentent entre deux points d’entrée officiels, d’où la possibilité de demander l’asile au chemin Roxham.
Ryan Remiorz La Presse canadienne L’Entente sur les tiers pays sûrs ne couvre pas les personnes qui se présentent entre deux points d’entrée officiels, d’où la possibilité de demander l’asile au chemin Roxham.

Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, a laissé entendre que la visite du président américain à Ottawa cette semaine pourrait débloquer l’épineux dossier de l’Entente sur les tiers pays sûrs, source des traversées irrégulières au chemin Roxham.

« Ça fait plusieurs mois qu’on travaille de près avec les Américains pour rétablir la situation au chemin Roxham et regarder l’Entente sur les tiers pays sûrs. On va continuer notre travail, puis on va peut-être avoir quelque chose à annoncer », a indiqué le chef libéral à l’entrée de la réunion hebdomadaire avec son caucus, mercredi.

À la veille de l’arrivée du président américain, Joe Biden, au Canada, tous les chefs des partis d’opposition aux communes ont dit qu’ils s’attendaient à une solution rapide dans ce dossier. Même le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, a partagé sa frustration quant au traitement réservé aux personnes qui entrent au pays par cette voie irrégulière, et désormais envoyées par milliers dans sa province.

« Ils viennent du Québec et descendent en Ontario. C’est correct. Mais je crois que les gens devraient venir au pays adéquatement, avec des papiers, et pas s’infiltrer par un sentier entre Québec et New York », a déclaré M. Ford lors d’un point de presse mercredi.

Le premier ministre de l’Ontario demande surtout au fédéral d’accorder immédiatement des permis de travail à ces demandeurs d’asile, dont un grand nombre a récemment été logé dans la région de Niagara Falls. Il suggère plutôt de les disperser dans plusieurs villes.

En vertu d’une entente passée avec États-Unis, le Canada renvoie depuis 2004 les personnes qui demandent l’asile directement aux points d’entrée officiels de la frontière terrestre. Une omission à l’Entente sur les tiers pays sûrs permet toutefois aux personnes qui traversent cette frontière ailleurs, comme au chemin Roxham, de demander l’asile au pays.

La renégociation de cette entente figure maintenant sur la courte liste des sujets que le premier ministre canadien veut aborder avec Joe Biden. Le président américain est attendu à Ottawa jeudi et vendredi. Il doit notamment rencontrer le premier ministre en tête-à-tête et faire un discours à la Chambre des communes.

L’opposition exige une solution

Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, doute qu’un nouvel accord avec les États-Unis soit cette fois vraiment à portée de main. Il estime que le gouvernement devrait suspendre l’entente d’ici là. Selon lui, le gouvernement Trudeau prend l’affaire plus au sérieux maintenant que c’est aussi un problème pour l’Ontario.

« À partir du moment où il y a eu des préoccupations comparables à celles du Québec qu’on a observées en Ontario, ah, bien là [le premier ministre] ne peut plus dire que c’est parce que les Québécois [sont] xénophobes », a-t-il laissé tomber lors d’un point de presse mercredi.

Le chef de l’opposition officielle à Ottawa, Pierre Poilievre, a indiqué mercredi que « fermer le chemin Roxham » était l’une des principales demandes de son parti en vue de la rencontre Trudeau-Biden. Le chef conservateur souhaite que le dossier Roxham soit réglé dès cette semaine, sans égard aux négociations avec le gouvernement américain. Il ne précise toutefois pas comment s’y prendre.

« C’est vraiment Justin Trudeau qui a la capacité de fermer le chemin Roxham […], et comme premier ministre, je prendrais la responsabilité pour nos propres frontières et je mettrais fin à l’immigration illégale de masse qu’on voit maintenant », a répété M. Poilievre mercredi.

Le chef du Nouveau Parti démocratique, Jagmeet Singh, a lui aussi demandé de suspendre complètement l’Entente sur les tiers pays sûrs. Il souhaite que cela redevienne possible de déposer une demande d’asile directement à n’importe quel poste frontalier.

Négociations sur le long terme

Le ministre fédéral de l’Immigration, Sean Fraser, a donné un peu plus de détails sur la vision des négociations en cours, mercredi, au moment d’annoncer un délai supplémentaire pour les Ukrainiens souhaitant venir temporairement au Canada.

« On travaille vers une solution à long terme, et pas juste les problèmes politiques qui seront dans les nouvelles pour quelques jours », a-t-il dit au sujet des négociations en cours.

Le ministre Fraser a fait allusion à son récent voyage à Washington. Il a retenu de sa rencontre avec le secrétaire américain à la Sécurité intérieure, Alejandro Mayorkas, que c’est dans l’intérêt du gouvernement Biden de voir une frontière adéquatement contrôlée, mais « la situation à la frontière sud des États-Unis est une situation extraordinaire aussi ».

Il indique que sa collaboration avec le gouvernement américain porte ainsi sur « le plus large problème de l’immigration irrégulière ». Dans ce contexte, le Canada pourrait tracer des « chemins réguliers » pour les personnes les plus vulnérables qui veulent venir au pays.

« On peut construire une capacité dans les pays à la source [des migrations] pour s’attaquer à la cause profonde des migrations », a expliqué Sean Fraser.

Questionné à savoir si le Canada pourrait s’engager auprès des États-Unis à le soulager d’une partie des demandeurs d’asile qui entrent dans ce pays par sa frontière sud, Justin Trudeau est resté évasif mercredi. « Le Canada a toujours été un pays qui est là pour accueillir les gens à travers le monde. On accueille 425 000 personnes cette année, on accueille des dizaines de milliers, autour de 60, 70 000 réfugiés par année, on est toujours prêt à en faire plus, mais ce qu’on doit s’assurer est que cette immigration se fasse de façon régulière. »

En entrevue avec La Presse canadienne, l’ambassadrice du Canada aux États-Unis, Kirsten Hillmandans, a affirmé que l’intérêt des deux pays consiste à décourager les réfugiés potentiels de franchir la frontière sans être détectés.

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