La cheffe de cabinet de Justin Trudeau témoignera sur l’ingérence étrangère

En vertu d’une motion finalement adoptée à l’unanimité au comité, mardi, Katie Telford doit se présenter devant un comité parlementaire seule pour une période de deux heures.
Sean Kilpatrick Archives La Presse canadienne En vertu d’une motion finalement adoptée à l’unanimité au comité, mardi, Katie Telford doit se présenter devant un comité parlementaire seule pour une période de deux heures.

Le gouvernement libéral cède sous la pression et soumettra une proche collaboratrice du premier ministre, Katie Telford, aux questions des élus de l’opposition sur l’ingérence étrangère, après s’y être opposé à coups de dizaines d’heures d’obstruction parlementaire.

« Dans un effort pour faire fonctionner le Parlement, Mme Telford a accepté de se présenter devant le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre dans le cadre de son étude », a annoncé le bureau du premier ministre mardi.

La décision survient après des semaines d’efforts pour empêcher la comparution de la cheffe de cabinet de Justin Trudeau. Des élus libéraux ont tenté de ralentir au maximum les travaux de ce comité parlementaire pour éviter l’envoi d’une assignation à comparaître à l’employée politique. Près de vingt-quatre heures de comité ont été perdues en obstruction parlementaire de la part d’élus libéraux depuis le 1er mars.

En vertu d’une motion finalement adoptée à l’unanimité au comité, mardi, Mme Telford doit s’y présenter seule pour une période de deux heures,quelque part dans les deux premières semaines d’avril. D’autres responsables libéraux et conservateurs sont aussi invités à témoigner, comme Jenni Byrne, proche conseillère de Pierre Poilievre.

La nouvelle a été annoncée le même jour que la publication du mandat du « rapporteur spécial indépendant », à qui le gouvernement donne jusqu’au 23 mai prochain pour déterminer si une enquête publique sur l’ingérence étrangère est nécessaire au pays. Cette enquête est exigée par tous les partis d’opposition à Ottawa.

Échec d’une motion conservatrice

L’annonce de la comparution prochaine de Mme Telford a fait dérailler l’adoption d’une motion du Parti conservateur du Canada devant la Chambre des communes, mardi. Le texte devait forcer un autre comité parlementaire à inviter une liste beaucoup plus longue de témoins à entendre, Katie Telford en tête. L’appui du Bloc québécois était assuré.

Vu la configuration du Parlement minoritaire, le Nouveau Parti démocratique pouvait à lui seul sceller le sort de la motion conservatrice. Son chef, Jagmeet Singh, s’y est finalement opposé. Il avait indiqué mardi matin qu’il se rangerait du côté du gouvernement sur cette question à condition que les libéraux cessent toute obstruction parlementaire. Selon lui, c’est cet ultimatum qui a convaincu les libéraux de faire témoigner Mme Telford.

M. Singh s’est même levé lors de la période de questions, mardi, pour accuser le chef conservateur Pierre Poilievre de bloquer sa propre proposition d’enquête publique, qu’il a tenté de déposer aux communes. Le président de la Chambre, Anthony Rota, a rappelé que la règle interdit aux partis d’opposition de se poser des questions entre eux.

Le premier ministre Justin Trudeau a accusé mardi les conservateurs de « créer de la toxicité et de la partisanerie pour faire un théâtre politique » avec cette motion. Il a toutefois précisé qu’elle ne serait pas soumise à un vote de confiance. En vertu de son entente conclue l’an dernier avec les libéraux, le NPD doit appuyer le gouvernement Trudeau lors de tout vote risquant de plonger le pays en élections, sous certaines conditions.

Un mandat pour le rapporteur

L’ancien gouverneur général David Johnston a désormais une liste de tâches pour son travail de « rapporteur spécial ». Ce mandat comprend des dates limites. Il a par exemple deux mois pour déterminer si l’enquête indépendante réclamée par les oppositions est une bonne idée, peut-on lire dans un communiqué du bureau du premier ministre publié mardi.

Le gouvernement s’attend à ce que le rapporteur spécial ait terminé l’ensemble de son examen du système canadien de surveillance de l’ingérence étrangère dans les élections d’ici au 31 octobre 2023. M. Johnston devra « évaluer l’étendue et les conséquences » de cette ingérence étrangère, fera l’examen des élections fédérales de 2019 et de 2021, et pourra formuler des recommandations.

Le gouvernement s’attend à ce qu’il remette des rapports périodiques au premier ministre, qui seront ensuite partagés avec les chefs de l’opposition et à la population. On précise que le rapporteur aura « un accès complet à tous les documents pertinents, qu’ils soient classifiés ou non ».

Le gouvernement canadien a annoncé au début du mois la création d’un poste de « rapporteur spécial indépendant » pour le conseiller dans le dossier de l’ingérence étrangère au Canada. Il a ensuite choisi David Johnston pour occuper cette fonction, tout en précisant que son mandat serait détaillé plus tard.

Les partis d’opposition à Ottawa réclament plutôt une enquête publique. M. Johnston a été qualifié mardi de « voisin de chalet du premier ministre » par le chef conservateur, Pierre Poilievre. « Le rapporteur nommé est aussi indépendant que je suis fédéraliste », a aussi accusé le chef bloquiste, Yves-François Blanchet.

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