Le nombre de plaintes sur le transport aérien au Canada a triplé en un an

L’arriéré de plaintes a augmenté après le chaos de l’été et à nouveau lors des dernières vacances des Fêtes. Sur la photo : des passagers à l’aéroport Montréal-Trudeau, le 24 décembre 2020.
Valérian Mazataud Archives Le Devoir L’arriéré de plaintes a augmenté après le chaos de l’été et à nouveau lors des dernières vacances des Fêtes. Sur la photo : des passagers à l’aéroport Montréal-Trudeau, le 24 décembre 2020.

Le nombre de plaintes placées par des passagers aériens auprès de l’organisme de réglementation des transports du Canada a plus que triplé au cours de la dernière année, dépassant désormais le seuil des 42 000.

Chaque cas risque maintenant de prendre plus d’un an et demi avant d’être traité, ce qui incite des groupes de défense des voyageurs et des politiciens à remettre en question l’efficacité du processus malgré l’augmentation des ressources qui y sont affectées.

Le décompte des plaintes a augmenté dans la foulée du chaos de l’été dernier — et à nouveau lors des vacances des Fêtes, quand la demande a augmenté et que les mauvaises conditions météo ont perturbé les horaires des vols.

Les plaintes se chiffraient à environ 13 400 au 31 mars 2022, avant de grimper en flèche pour atteindre des sommets sans précédent, selon les rapports de l’Office des transports du Canada (OTC). On en comptait 36 000 à la fin janvier, et leur nombre a encore augmenté de 17 % depuis.

Cette croissance survient malgré le financement supplémentaire récemment accordé à l’OTC. L’agence compte actuellement 343 employés, comparativement à 298 il y a un an.

La présidente de l’OTC assure que le traitement des plaintes demeure son objectif principal, mais des critiques affirment que l’arriéré dans le traitement des plaintes est surtout attribuable aux lacunes de la charte des droits des passagers aériens et à l’inaction de l’agence.

Dépôt d’un projet de loi

Le porte-parole du Nouveau Parti démocratique (NPD) en matière de transports, Taylor Bachrach, a déposé lundi un projet de loi visant à éliminer les échappatoires, à augmenter les amendes et à rendre automatique l’indemnisation des voyageurs dont les vols sont retardés ou annulés.

Le Règlement sur la protection des passagers aériens, qui est entré en vigueur en 2019, permet aux compagnies aériennes de rejeter les demandes d’indemnisation en invoquant des raisons liées à la sécurité. Le projet de loi mettrait fin à cette exception.

Pendant ce temps, des groupes de défense des voyageurs estiment que le manque d’amendes témoigne du mépris de l’agence pour l’application de la loi. La valeur totale des punitions imposées aux compagnies aériennes et aux aéroports a atteint 645 630 $ au cours des 12 derniers mois, comparativement à 253 975 $ en 2021-2022 et 54 500 dollars en 2020-2021. Des chiffres qui ne représentent qu’une infime fraction des ventes des compagnies aériennes — moins de 0,04 % des revenus de 16,56 milliards de dollars d’Air Canada l’an dernier, par exemple.

M. Bachrach réclame des sanctions plus sévères et une application plus rigoureuse de la loi. « Les amendes prévues dans la législation actuelle sont insuffisantes pour avoir un effet dissuasif. Tant que le coût du respect des règles sera supérieur à celui de leur violation, nous verrons les compagnies aériennes effectuer leurs activités en dehors des règles dans le cours normal des affaires », a-t-il affirmé lors d’un entretien téléphonique depuis Prince Rupert, en Colombie-Britannique.

La présidente de l’OTC, France Pégeot, a indiqué en janvier au comité des transports que des règles plus claires et plus strictes pourraient conduire à une meilleure application. Elle a cependant précisé que le rôle de tribunal quasi judiciaire de l’agence était sa priorité, et que son mandat de pénaliser les infractions venait en deuxième.

« La première chose que nous faisons, c’est que nous nous concentrons vraiment, en premier lieu, sur les plaintes, car c’est ce qui met de l’argent dans les poches des consommateurs », a expliqué Mme Pégeot au comité le 12 janvier dernier.

Tant M. Bachrach que John Lawford, qui dirige le Centre pour la défense de l’intérêt public, affirment que la refonte des droits des passagers promise par le fédéral ce printemps doit également rendre automatique l’indemnisation en cas de retards importants ou d’annulations à court préavis.

« Nous avons besoin d’un organisme de réglementation très engagé qui impose un ensemble clair de règles strictes et d’un régime facile à comprendre pour les consommateurs, presque automatique », a fait valoir M. Lawford lors d’un entretien téléphonique.

Sylvie De Bellefeuille, avocate pour Option consommateurs, est d’accord avec un autre aspect du projet de loi de M. Bachrach : le transfert vers les transporteurs du fardeau de la preuve en cas de perturbation de vols. Ils auraient alors à fournir l’information montrant qu’une indemnité n’est pas requise. Actuellement, ce sont les voyageurs qui doivent réclamer ces informations aux entreprises — ce que Mme De Bellefeuille juge « illogique ».

Des renforts à venir

La semaine dernière, le ministre fédéral des Transports, Omar Alghabra, a promis 75,9 millions de dollars sur trois ans pour réduire l’arriéré de plaintes de l’OTC par l’embauche de 200 employés supplémentaires. Il s’est également engagé à mettre fin à l’échappatoire que vise notamment le projet de loi du NPD.

Le directeur général de l’analyse et de la liaison de l’OTC, Tom Oommen, a indiqué à La Presse canadienne en août qu’il essayait d’embaucher plus d’agents pour aider à résoudre les plaintes des clients, mais que la rétention des travailleurs restait un problème.

« L’OTC a déjà examiné son processus actuel de résolution des plaintes pour identifier et apporter des améliorations au processus afin de s’assurer qu’il utilise au mieux les ressources qui lui sont fournies par le gouvernement, a déclaré l’agence dans un courriel la semaine dernière. Par exemple, nous avons déjà été en mesure de rationaliser la réception des plaintes et de réduire les demandes incomplètes et inexactes de 50 % de toutes les demandes reçues à 10 %, ce qui se traduit par une diminution du va-et-vient administratif et des temps d’attente plus courts pour les plaignants. »

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