Foire d’empoigne entre Poilievre et Trudeau sur l'ingérence étrangère

Le chef conservateur, Pierre Poilievre, a accusé mercredi le premier ministre, à demi-mot, de mentir et de s’affairer à protéger ses propres intérêts plutôt que ceux de la sécurité nationale du Canada.
Justin Tang La Presse canadienne Le chef conservateur, Pierre Poilievre, a accusé mercredi le premier ministre, à demi-mot, de mentir et de s’affairer à protéger ses propres intérêts plutôt que ceux de la sécurité nationale du Canada.

Pierre Poilievre attendait depuis deux semaines d’affronter Justin Trudeau aux Communes pour le talonner au sujet des tentatives d’ingérence du régime chinois. Le chef conservateur n’a pas retenu ses coups mercredi. Il a accusé le premier ministre, à demi-mot, de mentir et de s’affairer à protéger ses propres intérêts plutôt que ceux de la sécurité nationale du Canada. Des propos « odieux » et « haineux », lui a renvoyé le premier ministre, au cours d’échanges particulièrement houleux.

Justin Trudeau était de retour en Chambre pour la première fois mercredi, à la suite de la relâche parlementaire entamée à la mi-février. Son rival conservateur s’est d’abord montré relativement calme et réservé — tout en l’accusant néanmoins de « dire le contraire de la vérité » et « des faussetés » —, en le mitraillant de questions sur ce que le premier ministre et son entourage savaient au sujet des efforts d’ingérence de Pékin. Mais le ton a rapidement changé en cours de période des questions.

À chaque occasion, M. Trudeau répétait que les forums qu’il a chargés de faire enquête sur les efforts d’ingérence électorale de la Chine et les gestes posés par les autorités canadiennes pour les contrer sont les bons. Que ces études doivent être confiées à deux comités et un rapporteur spécial, comme il l’a fait, pour protéger la sécurité nationale ainsi que le personnel des agences de renseignement.

Exaspéré de recevoir sans cesse les mêmes réponses évasives, M. Poilievre a fini par s’emporter.

« [Le premier ministre] n’est pas intéressé à protéger la sécurité des gens qui servent ce pays. Il est intéressé à protéger le Parti libéral du Canada », a scandé le chef conservateur, en accusant en outre M. Trudeau de ne protéger que « sa carrière politique ». La veille, M. Poilievre lui avait reproché une fois de plus, en point de presse, d’« agir contre les intérêts du Canada et au profit des intérêts d’une dictature étrangère ».

Justin Trudeau s’est à son tour enflammé. « Il est malheureux et odieux qu’un membre de cette Chambre, quel qu’il soit, remette en question la loyauté au Canada de tout autre membre de cette Chambre », a-t-il lancé, sous les applaudissements nourris de ses troupes. Le premier ministre a ensuite répété une énième fois qu’il « comprend les réelles inquiétudes des Canadiens » et que c’est pour cette raison qu’il a commandé de nouvelles enquêtes.

Pierre Poilievre lui a répliqué qu’un « cours d’art dramatique » ne suffirait pas à faire oublier ses demandes. Son sénateur québécois, Pierre-Hugues Boisvenu, a pour sa part traité Justin Trudeau en matinée de « danger pour la nation ».

Aucune explication ne suffirait

Ce sont d’ailleurs les craintes des citoyens canadiens que le premier ministre a citées pour se justifier de ne fournir aucun détail en réponse aux allégations qui se succèdent depuis l’automne dernier. Le Globe and Mail a rapporté que le régime chinois aurait tenté de favoriser l’élection d’un gouvernement libéral minoritaire en 2021 — considéré plus clément à l’endroit de Pékin. Le réseau Global News a rapporté, sur la foi de sources et documents anonymes lui aussi, que le régime chinois aurait tenté de favoriser l’élection de 11 candidats en 2019 — des libéraux et des conservateurs.

« Bien franchement, je sais que peu importe ce que je dis, les Canadiens continueront d’avoir des questions sur ce que nous avons fait et ce que nous n’avons pas fait », s’est défendu Justin Trudeau, à son arrivée au Parlement en matinée alors qu’il faisait face à un barrage de questions des médias.

Une enquête publique exigée

Les députés de l’opposition ont à leur tour bombardé le premier ministre de questions, aux Communes. Le Bloc québécois et le Nouveau Parti démocratique ont continué de réclamer, comme les conservateurs, la tenue d’une enquête publique.

Pierre Poilievre a tenté d’interroger le premier ministre, tel un procureur, avant de s’emporter. Il a demandé si le premier ministre ou son entourage avaient été alertés par les agences de sécurité de leurs inquiétudes entourant l’ingérence étrangère aux élections de 2019 et 2021. Si un membre du caucus libéral ou du Conseil des ministres était impliqué dans ces efforts d’ingérence étrangère, tel que le soupçonnent les agences de renseignement selon le Globe and Mail. Et si le Parti libéral a lui-même reçu des fonds de la part du régime communiste de Chine.

Le premier ministre a insisté que son gouvernement et lui-même n’ont « aucune information sur des candidats fédéraux ayant reçu de l’argent de la Chine ». Et il a réitéré ses propos des derniers jours sur l’importance d’enquêtes non partisanes, pour restaurer la confiance des Canadiens.

M. Trudeau et les services de renseignement canadiens insistent sur le fait que l’issue des élections de 2019 et 2021 n’a pas été influencée par des efforts d’ingérence étrangère.



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