Conservateurs et bloquistes doutent de l’indépendance du futur «rapporteur spécial»

Le chef conservateur Pierre Poilievre pendant la période des questions à la Chambre des communes, lundi soir
Sean Kilpatrick La Presse canadienne Le chef conservateur Pierre Poilievre pendant la période des questions à la Chambre des communes, lundi soir

Les chefs du Parti conservateur du Canada et du Bloc québécois ne croient pas que Justin Trudeau souhaite nommer un « rapporteur spécial » véritablement indépendant pour faire la lumière sur les allégations d’ingérence chinoise au Canada.

« [Le premier ministre] veut un processus qui est secret et contrôlé », a lâché mardi matin le chef conservateur, Pierre Poilievre. Avant même de connaître l’identité de la personne choisie pour occuper ce nouveau poste annoncé lundi soir, il avance que le premier ministre tentera de protéger son camp en nommant quelqu’un « avec des cheveux gris, qui paraît raisonnable, mais qui est lié aux libéraux et là pour protéger l’establishment libéral ».

Comme les autres chefs de parti d’opposition, Pierre Poilievre maintient sa demande d’enquête publique indépendante. Il accepte toutefois que ses députés participent aux comités parlementaires chargés d’examiner cette question derrière des portes closes.

Face à l’intense pression pour le déclenchement d’une telle enquête, le premier ministre Justin Trudeau a annoncé lundi une série de mesures visant à protéger les institutions démocratiques canadiennes de l’ingérence étrangère. Il s’est justifié en disant que les avis d’experts divergeaient sur la pertinence d’un tel forum.

Le gouvernement libéral se basera notamment sur les conclusions d’un « rapporteur spécial indépendant » pour déterminer si une enquête publique est nécessaire. Ce rapporteur pourra formuler des recommandations destinées à d’autres institutions. Justin Trudeau a aussi annoncé des consultations en vue de la création d’un registre public des agents étrangers et demandé au Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement de se pencher sur la question.

Candidature attendue

Le premier ministre fédéral n’a pas annoncé qui serait nommé au poste de rapporteur spécial, mais a toutefois précisé qu’il s’agirait d’un « éminent Canadien » dont les travaux pourraient commencer dans les prochaines semaines. Il a promis de consulter les partis d’opposition dans le dossier.

Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, craint toutefois que Justin Trudeau choisisse un candidat qu’il sait d’avance opposé à la tenue d’une enquête publique indépendante. « Le premier ministre peut nous consulter de manière factice », a-t-il évoqué.

Le dirigeant bloquiste exige donc que le rapporteur spécial soit nommé par le Parlement, où les libéraux sont minoritaires, et non par le gouvernement Trudeau. Si le Parlement devait valider cette nomination, le gouvernement serait ainsi dans l’obligation de récolter l’appui d’au moins un parti d’opposition.

Au contraire de M. Blanchet, le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Jagmeet Singh, a dit faire confiance au gouvernement libéral pour la nomination d’un rapporteur indépendant, même s’il souhaite être consulté en la matière. « En général, quand le gouvernement nomme [quelqu’un] d’expérience, les gens nommés sont des gens qui font un travail important et qui prennent leur fonction au sérieux. Donc, on est confiant dans cette question de nomination », a-t-il indiqué en mêlée de presse.

À son avis, faute d’une enquête publique, la transparence fait par contre encore défaut dans la formule présentée par Justin Trudeau. Il n’a toutefois pas voulu dire s’il reviendrait sur son pacte avec le Parti libéral du Canada (PLC) si le rapporteur spécial concluait qu’une telle enquête n’était pas nécessaire. Selon cette entente, le NPD accepte de maintenir le PLC au pouvoir jusqu’en 2025 sous certaines conditions.

La cheffe du Parti vert du Canada, Elizabeth May, a elle aussi dit s’attendre à être consultée par le gouvernement dans le dossier. Son parti ne compte que deux élus aux Communes, soit trop peu pour être inclus dans la motion d’un comité parlementaire qui exigeait qu’un commissaire choisi à l’unanimité par les partis reconnus à Ottawa soit désigné pour mener une enquête publique.

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