Trudeau sous pression pour une enquête publique sur l’ingérence électorale étrangère

En point de presse mercredi, le premier ministre Justin Trudeau n’a exprimé aucune sympathie envers l’idée d’une enquête publique, vantant son bilan en matière de protection contre l’ingérence étrangère.
Darryl Dyck La Presse canadienne En point de presse mercredi, le premier ministre Justin Trudeau n’a exprimé aucune sympathie envers l’idée d’une enquête publique, vantant son bilan en matière de protection contre l’ingérence étrangère.

Le premier ministre Justin Trudeau rejette de nouveau l’idée d’une enquête publique sur l’ingérence étrangère alléguée lors d’élections au Canada, une demande désormais partagée par tous les partis d’opposition à Ottawa.

Le Nouveau Parti démocratique (NPD), le Bloc québécois et finalement le Parti conservateur ont tous trois déposé une motion à ce sujet mercredi devant un comité parlementaire. Le chef du Parti conservateur du Canada, Pierre Poilievre, s’était plus tôt rangé à l’idée d’une enquête publique, à condition qu’elle ne soit pas menée par « un autre membre de l’établissement libéral ».

« Ça doit être [un processus] vraiment indépendant et public. Indépendant, ça veut dire que tous les partis devraient être d’accord sur la nomination du commissaire », a exigé le chef de l’opposition officielle à la Chambre des communes, mercredi, à l’entrée d’un comité parlementaire fédéral qui approfondit cette question.

Pierre Poilievre a précisé qu’un tel commissaire ne devait pas être un ancien président de la Fondation Pierre Elliott Trudeau. Une critique de la légitimité de l’ex-sous-ministre Morris Rosenberg, l’auteur d’un rapport fédéral publié mardi qui conclut que le résultat des élections de 2021 n’avait pas été entaché par l’ingérence étrangère. M. Rosenberg a dirigé la fondation de la famille du premier ministre entre 2014 et 2018.

L’idée d’une enquête publique avait d’abord été promue par le Bloc québécois et le NPD. Le Parti conservateur du Canada (PCC) demandait jusqu’ici plutôt d’assigner à comparaître la cheffe de cabinet de Justin Trudeau, Katie Telford, devant le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre (PROC).

Allégations d’ingérence

Le NPD s’est plusieurs fois opposé à l’invitation de Mme Telford, bloquant différentes tentatives d’invitation en février. Les plus récentes révélations d’ingérence chinoise dans les élections canadiennes de 2019 et de 2021, publiées par le réseau Global News et le quotidien Globe and Mail, l’ont fait changer d’avis.

Le plus récent chapitre de cette affaire, publié mardi, allègue que le Parti communiste chinois a tenté de financer une statue de Pierre Trudeau à Montréal par le truchement d’un homme d’affaires chinois présent à des campagnes de financement libéral. Le premier ministre a aussi dû défendre l’un de ses députés torontois, Han Dong, « un membre extraordinaire de [son] équipe ». M. Dong aurait bénéficié d’une aide du consulat chinois lors de sa nomination locale, selon des sources anonymes citées par Global. Ces informations n’ont pas pu être vérifiées indépendamment par Le Devoir.

Justin Trudeau a précisé lundi que « ce n’est pas aux responsables de la sécurité, non élus, de dicter aux partis politiques qui peut et qui ne peut pas se présenter ». Lorsque pressé de questions par les journalistes, il a lié les questions sur la loyauté de son député à la hausse du racisme anti-asiatique.

Le premier ministre n’a exprimé aucune sympathie envers l’idée d’une enquête publique, mercredi, lors d’un point de presse à partir de la Colombie-Britannique. Il a plutôt défendu les processus en place, et vanté son bilan en matière de protection contre l’ingérence étrangère, qu’elle vienne de Chine, de Russie ou d’Iran.

« On a créé énormément de différentes institutions et d’outils pour que nos experts en sécurité nationale puissent faire les suivis nécessaires, rassurer les Canadiens [et] s’assurer que nos élections demeurent intègres », a-t-il répété.

Vote jeudi

Le député néodémocrate Peter Julian venait alors tout juste de déposer une motion devant le comité PROC à Ottawa. Le texte demande formellement à la Chambre des communes de lancer une enquête publique. Il exige la présence de ministres, de Mme Telford, mais aussi de son vis-à-vis au Parti conservateur, tout comme les directeurs de campagne nationaux des partis libéral et conservateur.

Le Bloc québécois et le PCC ont répliqué avec leur propre version de la demande d’enquête publique. Les motions doivent être débattues et votées jeudi devant le comité parlementaire, où les députés de l’opposition sont en majorité.

La conseillère en sécurité nationale et au renseignement du premier ministre, Jody Thomas, faisait aussi partie des invités au comité mercredi. Elle n’a confirmé aucun détail des différentes révélations médiatiques. Les députés ont pu entendre que Justin Trudeau reçoit régulièrement des rapports sur l’ingérence étrangère.

Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a réitéré mercredi sa demande d’enquête publique sur l’ingérence étrangère, qui serait bénéfique pour tous les partis politiques selon lui. Il a ajouté qu’il juge « farfelue » la référence du premier ministre au racisme dans cette affaire.

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