Un élu libéral menace de s’opposer à la réforme de la Loi sur les langues officielles

« Je ne peux pas appuyer le projet de loi [C-13] s’il contient certains amendements conservateurs et bloquistes », a lâché mardi le député fédéral anglophone élu dans la circonscription de Mont-Royal.
Patrick Doyle La Presse canadienne « Je ne peux pas appuyer le projet de loi [C-13] s’il contient certains amendements conservateurs et bloquistes », a lâché mardi le député fédéral anglophone élu dans la circonscription de Mont-Royal.

Le député libéral montréalais Anthony Housefather votera pour défaire la réforme de la Loi sur les langues officielles proposée par son propre parti si celle-ci étend les pouvoirs de la charte québécoise de la langue française.

« Je ne peux pas appuyer le projet de loi [C-13] s’il contient certains amendements conservateurs et bloquistes », a lâché mardi le député fédéral anglophone de la circonscription de Mont-Royal.

Anthony Housefather s’est arrêté plusieurs minutes pour dire le fond de sa pensée aux médias à la sortie d’une réunion du Comité permanent des langues officielles, qui examine un à un les articles du projet de loi C-13. Insatisfait des changements déjà apportés au texte, il s’accroche à l’espoir que la Chambre des communes le modifie de nouveau — sans quoi il s’y opposera lors du vote final, en troisième lecture.

Les partis d’opposition sont majoritaires au sein des comités parlementaires fédéraux. Ainsi, le Parti conservateur du Canada, le Bloc québécois et le Nouveau Parti démocratique (NPD) se sont ligués pour apporter certaines modifications réclamées par Québec à cette réforme de la Loi sur les langues officielles. Ils ont aussi bloqué les tentatives de certains députés libéraux d’en retirer toute référence à la Charte de la langue française.

M. Housefather affirme ainsi qu’il ignore s’il peut donner son appui au projet de loi C-13 si cette loi québécoise y est mentionnée.

Division au sein d’un caucus « uni »

Comme lui, des élus libéraux de la région de Montréal — Marc Garneau (Notre-Dame-de-Grâce–Westmount) et Emmanuella Lambropoulos (Saint-Laurent), notamment — se sont portés à la défense de la communauté anglophone québécoise contre les torts allégués de la Charte de la langue française du Québec, modifiée l’an dernier par la loi 96.

Et ce, bien que leur parti eût annoncé en 2021 vouloir désormais renforcer le français partout au pays, y compris au Québec.

« Jusqu’à maintenant, je n’ai pas soutenu quoi que ce soit qui n’était pas soutenu par mon parti. […] Je suis absolument aligné [avec le caucus libéral] », a répété M. Housefather. Il se dit pourtant attaché aux principes actuels de la Loi sur les langues officielles, qui met sur le même pied les communautés francophones hors Québec et la communauté anglophone québécoise.

Le cabinet de la ministre des Langues officielles, Ginette Petitpas Taylor, a confirmé au Devoir que cette dernière avait été mise au courant des efforts déployés par des élus de son parti pour modifier la loi qui porte sa signature. « Tous les députés sont libres de déposer des amendements », a précisé l’attachée de presse de la ministre, Marianne Blondin.

La semaine dernière, le lieutenant québécois de Justin Trudeau, Pablo Rodriguez, affirmait que le caucus libéral était « uni » sur la question. « On s’en va de l’avant, on va appuyer C-13 », a-t-il promis.

La position du député de Mont-Royal risque d’étonner le député libéral franco-ontarien Francis Drouin, qui indiquait en marge de la réunion du comité mardi soir « ne [connaître] personne qui dit ne pas voter en faveur de C-13 » au sein de son caucus. « On appuie ce que la ministre des Langues officielles et le premier ministre mettent de l’avant. »

Minorité linguistique

Le député bloquiste Mario Beaulieu, dont certains amendements ont été défaits mardi, a dit au passage ne pas considérer la communauté anglophone du Québec comme une véritable minorité linguistique, mais plutôt comme une part québécoise de la majorité nord-américaine. Une affirmation qui a piqué au vif Anthony Housefather.

« C’est dur pour moi d’entendre ça, a-t-il dit au Devoir. Parce que nous sommes une minorité qui est très distincte du reste des anglophones au pays. […] Je comprends beaucoup les francophones de tout le Canada, y compris du Québec. Parce que quand vous êtes minoritaires, vous êtes très attachés à votre langue, votre culture. C’est un élément important de votre vie quotidienne. Et vous avez une position défensive qui est exactement la même. […] Nous avons tellement en commun, que de dire que nous ne sommes pas minoritaires, de réduire nos services… Ce n’est pas la manière d’attirer [la sympathie] vers une cause importante, qui est la promotion du français. »

Marc Garneau, pour sa part, n’a pas souhaité faire de commentaires à sa sortie de la réunion, à laquelle il participait à titre d’observateur.

En plus du Bloc québécois, le Parti conservateur et le NPD ont déjà affirmé vouloir modifier le projet de loi C-13 afin de forcer l’application de la Charte de la langue française par les entreprises à charte fédérale présentes sur le territoire du Québec. Des propositions en ce sens seront examinées lors des prochaines réunions du Comité permanent des langues officielles, qui pourrait avoir besoin de plus de temps que prévu pour achever son examen de cette réforme.



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