Les libéraux reculent sur le projet de loi C-21 sur les armes... pour l'instant

L’amendement controversé prévoyait l’ajout de nombreux fusils de chasse populaires à la liste des armes à feu prohibées au Canada.
Jonathan Hayward La Presse canadienne L’amendement controversé prévoyait l’ajout de nombreux fusils de chasse populaires à la liste des armes à feu prohibées au Canada.

Le gouvernement Trudeau a fait marche arrière et a retiré vendredi deux importants amendements controversés qui auraient interdit des dizaines de modèles d’armes d’assaut, mais aussi d’armes de chasse. Ces propositions avaient outré politiciens, communautés autochtones et propriétaires d’armes à feu. Après deux mois de débats houleux, le gouvernement libéral a abdiqué… pour l’instant. Car l’étude parlementaire se poursuivra, et le gouvernement n’a pas renoncé à formaliser comme prévu l’interdiction d’armes d’assaut.

« Comme nous l’avons dit à maintes reprises, l’intention du gouvernement est de se concentrer sur les AR-15 et autres armes d’assaut, et non sur les armes couramment utilisées pour la chasse », a réitéré le ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, dans une déclaration écrite vendredi.

« Des préoccupations légitimes ont été soulevées quant à la nécessité de procéder à davantage de consultations et de débats sur cette partie essentielle du projet de loi, a-t-il toutefois reconnu. Nous entendons ces préoccupations, nous regrettons la confusion que ce processus a provoquée et nous nous engageons à mener une conversation réfléchie et respectueuse, basée sur les faits et non sur la peur. »

Comme nous l’avons dit à maintes reprises, l’intention du gouvernement est de se concentrer sur les AR-15 et autres armes d’assaut, et non sur les armes couramment utilisées pour la chasse.

En matinée, son collègue libéral Taleeb Noormohamed venait de retirer les deux amendements, avec l’accord des membres du Comité parlementaire de la sécurité publique. Un revirement étonnant puisque le gouvernement défendait bec et ongles depuis deux mois sa volonté d’enchâsser dans la loi son interdiction des armes d’assaut (mise en oeuvre par voie de règlement en 2022) afin d’empêcher un futur gouvernement conservateur, par exemple, de la révoquer.

Les deux amendements, déposés en toute fin d’étude en comité parlementaire en novembre, étaient dénoncés tant par le Parti conservateur que par le Bloc québécois. Même le Nouveau Parti démocratique avait refusé de les appuyer. Les libéraux étaient en outre vivement critiqués dans de nombreuses régions rurales, ce qui avait créé un malaise au sein du caucus.

Partie remise

Le groupe PolySeSouvient s’est dit « sous le choc » vendredi. « Il est clair que la désinformation propagée par les députés conservateurs et le lobby proarmes a gagné », a dit Nathalie Provost, survivante de la tuerie de Polytechnique et porte-parole du regroupement.

Le comité parlementaire s’est cependant aussi entendu pour prolonger l’étude du projet de loi C-21. Et le ministre Mendicino a indiqué que son gouvernement pourrait ainsi revenir à la charge, avec une version modifiée des amendements. « Nous allons maintenant travailler avec nos collègues parlementaires pour élaborer une solution claire qui empêchera les armes de type assaut de se retrouver dans nos rues », a-t-il déclaré.

PolySeSouvient mise ses espoirs sur le Bloc québécois, puisque le gouvernement libéral n’a besoin de l’appui que d’un seul parti d’opposition pour faire adopter ses projets de loi et ses amendements. « Il serait impensable pour le Bloc de ne pas collaborer en ce sens », a fait valoir Nathalie Provost.

La députée bloquiste Kristina Michaud s’est montrée disposée à soutenir un nouvel amendement du gouvernement, lui tendant ainsi carrément la main. « Ce retrait était nécessaire, mais devra nécessairement être suivi d’une nouvelle proposition », a fait valoir Mme Michaud par écrit. Le Bloc souhaite lui aussi renforcer l’interdiction d’armes d’assaut de style militaire.

Le chef du Nouveau Parti démocratique, Jagmeet Singh, s’est dit disposé, comme le Bloc, à appuyer un nouvel amendement qui viendrait définir les « armes d’assaut de style militaire » qui seraient interdites au Code criminel.

Un appel au vote conservateur

Le chef conservateur, Pierre Poilievre, a justement saisi cette volonté des libéraux de proposer une autre version d’amendement pour marteler que l’interdiction d’armes d’assaut — voire de toutes les armes à feu au pays, a-t-il prétendu sans preuve en ce sens — n’est qu’une question de temps.

Ce qui lui a permis de lancer un appel au vote pour sa formation. « [Justin Trudeau] réintroduira [ces propositions] lors de cette session du Parlement ou, Dieu nous protège, s’il était réélu à la tête d’un gouvernement majoritaire un jour, il les ferait adopter de force », a déclaré M. Poilievre. « La seule façon pour les chasseurs et les fermiers respectueux des lois de protéger leur mode de vie est d’élire un gouvernement majoritaire conservateur dirigé par Pierre Poilievre », a-t-il martelé en anglais uniquement.

Les deux amendements du gouvernement libéral proposaient de modifier la définition d’« armes prohibées », puis ciblaient en annexe de la loi une liste de centaines de marques et de modèles d’armes, sur 300 pages, qui seraient désormais prohibées. La liste contenait cependant aussi des exemptions, ce qui créait — de concert avec la nouvelle définition — de la confusion quant aux modèles précis qui seraient réellement bannis.

C-21 propose par ailleurs d’interdire les armes d’assaut, d’alourdir les peines maximales pour la contrebande et le trafic d’armes à feu et de retirer le permis d’armes à feu à toute personne impliquée dans un acte de violence domestique ou de harcèlement criminel.

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