Au tour du Bloc québécois de réclamer le départ d’Amira Elghawaby

Le chef du Bloc québécois est venu ajouter sa voix à celles qui réclamaient déjà le départ d’Amira Elghawaby, à Ottawa comme à Québec. Après avoir rencontré la nouvelle conseillère spéciale du fédéral dans la lutte contre l’islamophobie, Yves-François Blanchet est d’avis qu’elle ne peut demeurer en fonction et il demande en outre l’abolition de son poste.
Amira Elghawaby s’était présentée au parlement fédéral mercredi pour rencontrer le chef bloquiste et s’était alors excusée d’avoir « blessé » les Québécois avec ses « mots » passés. Ce qui n’a toutefois pas suffi pour calmer le tollé.
Yves-François Blanchet l’a invitée, jeudi, à quitter volontairement son poste. Autrement, il voudrait que Justin Trudeau lui demande de se retirer. « Je pense qu’elle est toujours hostile à la notion de laïcité de l’État. Je pense qu’elle a encore des préjugés à combattre contre la nation québécoise », a affirmé le chef bloquiste au sujet de son entretien avec Mme Elghawaby, bien qu’il ait aussi fait état d’« un peu plus d’ouverture d’esprit » de sa part.
Le lieutenant politique de Justin Trudeau Pablo Rodriguez a lui aussi rencontré Mme Elghawaby jeudi. M. Rodriguez a évité les médias dans la journée. Sur Twitter, en début de soirée, il a parlé d’une « bonne rencontre » et rapporté y avoir « parlé du Québec, de nos valeurs, de notre histoire ». « Nous devons continuer d’avoir ces conversations qui sont nécessaires alors que nous bâtissons un pays plus inclusif », a-t-il gazouillé. M. Rodriguez s’était dit, en début de semaine, alors que M. Trudeau défendait bec et ongles Mme Elghawaby, « profondément blessé » par ses propos des dernières années sur les Québécois.
Selon les informations du Devoir, le bureau du lieutenant aurait approuvé la nomination d’Amira Elghawaby avant son annonce. Mais ce dernier n’aurait pas pour autant été au fait, à ce moment, de tous ses écrits antérieurs.
Abolition du poste
Au-delà du départ de Mme Elghawaby, M. Blanchet a sommé Justin Trudeau de renoncer carrément à la création du poste de conseillère spéciale à la lutte contre l’islamophobie. Car son tout premier choix de titulaire de ce nouveau poste a marqué « au fer rouge, de façon indélébile, la fonction », qui ne pourra pas, selon M. Blanchet, être réhabilitée aux yeux des Québécois.
De l’avis du chef bloquiste, en nommant Mme Elghawaby — qui, lors de sa carrière de chroniqueuse, avait notamment écrit en marge de débats sur la Loi sur la laïcité de l’État (loi 21) que, « malheureusement, la majorité des Québécois sont [guidés] par un sentiment antimusulman » —, Justin Trudeau s’est retrouvé à « faire un amalgame nocif entre laïcité et islamophobie ».
« L’idée de la fonction même a été contaminée par une dérive politique, ou partisane, ou intéressée, ou de propagande », a clamé M. Blanchet.
Les libéraux discrets
Le premier ministre Trudeau n’a pas réagi à la sortie du Bloc québécois. Son bureau a renvoyé les médias à ses commentaires de la veille.
Mercredi, M. Trudeau défendait toujours Amira Elghawaby. Il avait cependant modifié son discours, faisant la pédagogie de la laïcité québécoise et soulignant qu’elle découle de l’histoire même du Québec et de son rapport à la religion. Le premier ministre avait alors appelé les esprits à se calmer, de part et d’autre, pour passer au dialogue.
Le ministre québécois responsable de la Laïcité, Jean-François Roberge, a cependant réitéré son appel à la démission d’Amira Elghawaby, jugeant que ses excuses survenaient trop tard.
Je pense qu’elle est toujours hostile à la notion de laïcité de l’État. Je pense qu’elle a encore des préjugés à combattre contre la nation québécoise.
Le Parti conservateur à Ottawa réclame aussi son départ.
Le néodémocrate Alexandre Boulerice a accusé le Bloc québécois de montrer « son vrai visage » en rejetant l’idée même que le gouvernement compte un représentant pour lutter contre l’islamophobie. « Ça n’a jamais été à propos de Mme Elghawaby, en fait. Ça a toujours été à propos de la lutte contre l’islamophobie. » Une position « absolument inacceptable », a scandé M. Boulerice, qui a déploré l’« insensibilité » passée de Mme Elghawaby tout en la soutenant dans sa nouvelle fonction.
Québec veut aussi son départ
Le premier ministre du Québec, François Legault, a reproché à Justin Trudeau de persister à « défendre une mauvaise décision ». « Il va vivre avec. »
Le chef par intérim du Parti libéral du Québec, Marc Tanguay, estime lui aussi que les excuses de Mme Elghawaby étaient « trop peu, trop tard ». La formation demande encore sa démission.
Le co-porte-parole de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, a pour sa part qualifié les excuses de « pas dans la bonne direction ». « Mais on a toujours des questions, parce qu’on veut échanger avec elle sur sa vision aussi de la lutte à l’islamophobie dans un contexte québécois, qui est un contexte particulier », a-t-il affirmé, lui qui doit à son tour la rencontrer dans les prochains jours.
Les députés de Québec solidaire s’étaient abstenus d’appuyer cette semaine une motion de l’Assemblée nationale qui réclamait que Justin Trudeau retire à Mme Elghawaby son nouveau mandat. Tous les élus de la Coalition avenir Québec, du Parti libéral du Québec et du Parti québécois ont en revanche voté pour.
Avec Alexandre Robillard