Le recours aux consultants est le résultat d'un sous-financement, croit une experte

Le recours fréquent d’Ottawa à des firmes de consultants telles que McKinsey est « inévitable » étant donné un sous-financement dans la rétention de spécialistes au sein de la fonction publique fédérale, croit une experte entendue en comité parlementaire.
« Le fait que l’on dépense beaucoup d’argent pour des consultants en gestion […] n’est pas un accident. C’est une dynamique inévitable d’une fonction publique qui a souffert d’un manque d’investissements en recrutement et d’une absence de réformes de ses pratiques en ressources humaines », a dit lundi Amanda Clarke, professeure associée à l’École de politiques publiques et d’administration de l’Université Carleton.
L’experte a déploré la lourdeur de l’organisation qui prévaut au sein des ministères et des organismes gouvernementaux, qui est trop « en silos » et qui comporte « trop de règles », selon elle. « Je pense aussi qu’au fil des ans, [la fonction publique] a pâti d’une surveillance n’étant d’aucune aide et du fardeau de faire des rapports […], qui rendent cela très difficile d’être créatif et innovant », a-t-elle soutenu devant le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires, qui vient d’entamer son enquête sur des contrats attribués à McKinsey.
Mme Clarke a également souligné que le fédéral avait souvent recours aux services d’autres multinationales comme McKinsey — Deloitte et PwC (PricewaterhouseCoopers), notamment.
Un contrat d’une durée de 81 ans
La comparution de la professeure Clarke a aussi permis de mettre au jour un contrat conclu avec McKinsey en 2019 qui ne doit prendre fin qu’en 2100.
La députée bloquiste Julie Vignola demandait alors à l’experte ce qui justifie une telle durée de contrat. « À un moment donné, en 81 ans, je ne peux pas croire qu’on n’est pas capable d’avoir des spécialistes », a lancé l’élue. Mme Clarke a répondu que l’idée d’un pareil contrat lui semblait « scandaleuse ». L’avis d’attribution de contrat mentionné par Mme Vignola est accessible en ligne.
Dans un autre témoignage entendu lundi, la présidente d’un des syndicats représentant les fonctionnaires fédéraux a dénoncé le recours à la sous-traitance qui se manifeste par ces contrats avec des firmes de consultants. « C’est un genre de cycle sans fin qui, si nous ne le brisons pas, va décimer la fonction publique », a déclaré Jennifer Carr, qui est à la tête de l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada. Selon elle, cette tendance mine le moral des troupes et incite bien des fonctionnaires spécialisés à aller travailler ailleurs.
Mmes Clarke et Carr ont été parmi les premiers témoins entendus dans le cadre de l’enquête parlementaire sur les contrats accordés au cabinet-conseil McKinsey. Les imposantes dépenses d’Ottawa à ce chapitre ont fait la manchette dans les dernières semaines.
Services publics et Approvisionnement Canada a transmis par courriel une mise à jour des sommes qu’il a versées à McKinsey depuis 2015. Il avait précédemment rapporté qu’elles étaient de 101,4 millions de dollars, mais celles-ci s’élèvent finalement à 116,8 millions. « Les données sur des contrats sont un arrêt sur image et sont sujettes à des changements », avait expliqué le ministère la semaine dernière.
Au cours de leur étude en comité, les élus fédéraux entendront aussi les témoignages de ministres et de la haute direction de McKinsey. L’ex-patron de la firme Dominic Barton comparaîtra mercredi.