Le Canada achètera 88 F-35 à l’américaine Lockheed Martin

Ottawa paiera en moyenne 85 millions de dollars américains par avion F-35 à l’achat, soit 114 millions de dollars canadiens au taux de change actuel.
Harald Tittel DPA via Agence France-Presse Ottawa paiera en moyenne 85 millions de dollars américains par avion F-35 à l’achat, soit 114 millions de dollars canadiens au taux de change actuel.

L’achat d’avions de chasse F-35 par le Canada est maintenant confirmé. Le gouvernement Trudeau vient de signer un contrat pour commander 88 avions furtifs au fabricant américain Lockheed Martin. La facture d’achat, qui prévoit la livraison des quatre premiers appareils dans trois ans, se chiffre à 19 milliards de dollars — mais s’élèvera à 70 milliards pour le cycle de vie complet de cette nouvelle flotte, qui remplacera les vieux avions de chasse CF-18.

Cette dernière étape conclut une saga de plus de 10 ans au cours de laquelle Ottawa cherchait à entamer le processus de remplacement de ces vieux appareils. Les libéraux de Justin Trudeau avaient relancé toute la démarche après leur arrivée au pouvoir, pour en arriver aujourd’hui au même résultat que leurs prédécesseurs conservateurs.

La ministre de la Défense, Anita Anand, a donc annoncé lundi la signature d’un contrat avec l’entreprise aérospatiale Lockheed Martin, le fabricant de moteurs d’avion Pratt & Whitney ainsi que le gouvernement américain. « Le F-35 est un avion de chasse moderne, fiable et agile », a-t-elle fait valoir en conférence de presse virtuelle, en ajoutant qu’il s’agit de « l’avion de chasse le plus avancé sur le marché » et du « bon appareil pour [le] pays ».

Compte tenu de la pénurie de personnel de l’Aviation royale canadienne, tout le travail de formation des pilotes et d’apprentissage pour l’entretien, qui servira à rendre ces nouveaux appareils opérationnels, sera en fait plus compliqué que l’acquisition en soi

 

La Défense nationale prévoit que la nouvelle flotte sera entièrement opérationnelle entre 2032 et 2034. L’Aviation royale canadienne recevra une première tranche de 16 appareils (4 en 2026, suivis de 6 en 2027 ainsi qu’en 2028), qui seront d’abord livrés aux États-Unis, où ses pilotes de chasse entameront leur entraînement. Les infrastructures des bases militaires de Bagotville, au Québec, et de Cold Lake, en Alberta, seront pendant ce temps mises à niveau pour permettre le rapatriement puis l’exploitation des nouveaux chasseurs au Canada en vue d’une première phase d’exploitation qui débuterait en 2029.

Le gouvernement canadien paiera en moyenne 85 millions de dollars américains par appareil à l’achat (ou environ 113 millions de dollars canadiens, selon le taux de change actuel), soit le même montant que les autres pays se procurant des chasseurs F-35. La facture totale d’achat comprend en outre certaines armes, de nouvelles infrastructures et l’entretien initial de la flotte.

« Nous devons nous assurer, d’autant plus dans cet environnement stratégique mondial en plein changement, que nous respectons nos obligations au sein de l’OTAN et du NORAD [le Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord], a souligné la ministre Anand. Il est plus clair que jamais que c’est le moment de s’assurer que nous défendons, que nous protégeons notre pays, y compris notre Arctique. »

L’expert en matière de défense David Perry rappelle que « dans un monde idéal », le contrat avec Lockheed Martin aurait été signé plus tôt. Car la flotte de CF-18 vole déjà depuis près de 40 ans, et le remplacement de tous ses appareils représentera la transition la plus importante de l’armée de l’air en plus de 30 ans.

« Compte tenu de la pénurie de personnel de l’Aviation royale canadienne, tout le travail de formation des pilotes et d’apprentissage pour l’entretien, qui servira à rendre ces nouveaux appareils opérationnels, sera en fait plus compliqué que l’acquisition en soi », prédit M. Perry, président de l’Institut canadien des affaires mondiales.

La Défense nationale indique avoir consacré 1,3 milliard à la prolongation jusqu’en 2032 de la durée de vie des CF-18, achetés dans les années 1980.

Un retour à la case départ

Le gouvernement conservateur de Stephen Harper avait annoncé en 2010 avoir conclu sans appel d’offres un contrat de 15 milliards de dollars avec Lockheed Martin. Un rapport du vérificateur général avait révélé, en 2012, que le coût total atteindrait 25 milliards pour le cycle de vie complet de cette flotte de nouveaux appareils.

À son arrivée au pouvoir en 2015, Justin Trudeau avait promis de lancer un processus d’appel d’offres et de ne jamais acheter les F-35, jugés trop chers. Au terme de ce nouveau processus, entamé officiellement en 2017, le gouvernement Trudeau a annoncé en mars dernier qu’il ferait finalement affaire lui aussi avec Lockheed Martin plutôt qu’avec la suédoise Saab.

« Trudeau a dit qu’il n’achèterait JAMAIS le F-35. Il a ensuite gaspillé des années et l’argent des contribuables pour acheter des CF-18 australiens rouillés, avant de constater que le plan des conservateurs était le bon depuis le début », a raillé le député conservateur James Bezan sur Twitter.

70 milliards
C’est le montant auquel s’élèvera la facture pour le cycle de vie complet de cette nouvelle flotte, qui remplacera les vieux avions de chasse CF-18.

La ministre Anand a plutôt argué que l’appareil était aujourd’hui « mature », que plusieurs pays alliés l’avaient aussi choisi pour renouveler leur flotte et que le Canada en avait commandé « le dernier modèle, qui a été perfectionné et est devenu plus performant ».

David Perry s’est montré du même avis, en rappelant qu’à l’époque du gouvernement Harper, le programme de développement du F-35 était aux prises avec une myriade de problèmes techniques et des dépassements de coûts. « Avec toute la controverse de l’époque, mener un nouvel appel d’offres était probablement nécessaire pour redonner confiance en cette acquisition », a indiqué M. Perry.

Certains problèmes techniques demeurent. La ministre Anand a affirmé qu’elle s’attendrait à ce qu’ils soient « résolus avant la production de tout avion canadien ».

Les libéraux ont commandé 88 chasseurs F-35. Le gouvernement conservateur avait prévu en acheter 65. De hauts fonctionnaires ont fait valoir, en séance d’information technique, lundi, que si le coût total du cycle de vie de la nouvelle flotte est plus élevé que celui évalué en 2010, c’est parce qu’Ottawa commande aujourd’hui 23 appareils supplémentaires et tient compte dans ses projections de l’évolution possible de l’économie (inflation et taux de change, par exemple) sur les 30 ans de durée de vie des avions de chasse.

Des retombées au Canada

Le programme de développement des F-35 par Lockheed Martin prévoit la participation d’entreprises issues des pays qui prennent part à l’achat des nouveaux chasseurs. Ainsi, 36 entrepreneurs canadiens contribuent au programme. L’acquisition des F-35 pourrait entraîner des retombées annuelles de 425 millions de dollars au Canada et assurer près de 3300 emplois par année, directement et indirectement, selon les projections du gouvernement.

Il est plus clair que jamais que c’est le moment de s’assurer que nous défendons, que nous protégeons notre pays, y compris notre Arctique

 

La construction d’infrastructures pouvant accueillir les F-35 à la base de Bagotville créera par ailleurs 460 emplois. La Défense nationale prévoit également déployer « une présence militaire légèrement augmentée » afin de « soutenir » l’exploitation « de la nouvelle flotte » et d’« entretenir » celle-ci.

À voir en vidéo