Le gouvernement recevra du Sénat une version modifiée de C-11

Le ministre du Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez, a accueilli froidement la proposition d’un comité sénatorial d’interdire le service de contenu commandité Tandem de Radio-Canada, incluse dans la douzaine d’amendements proposés à sa Loi sur la radiodiffusion.
« Pour le lecteur, ou l’auditeur, c’est confondant. Je n’avais pas le choix de voter pour l’interdiction de ce genre de publicité », a expliqué au Devoir l’ex-journaliste et ex-ombudsman de Radio-Canada Julie Miville-Dechêne, aujourd’hui sénatrice indépendante.
Le comité sénatorial des transports et des communications a remis mercredi son rapport détaillant les douze amendements au texte de la réforme de la Loi sur la radiodiffusion (C-11). Le projet de loi a été envoyé à la Chambre haute en juin dernier. Il devrait revenir aux Communes après son passage en troisième lecture au Sénat, en février 2023.
Parmi les propositions retenues se trouve l’interdiction pour Radio-Canada d’émettre des publicités déguisées en articles, ou encore l’obligation pour les sites pornographiques de vérifier l’âge de leur public. Surtout, les sénateurs membres du comité se sont entendus pour préciser que seule la musique professionnelle sur YouTube serait visée par un article controversé du texte de C-11.
« Je ne sais pas trop ce qu’il fait dans ce bill-là, [l’amendement] sur Radio-Canada », a simplement commenté Pablo Rodriguez à l’entrée de la dernière réunion de l’année avec le cabinet des ministres fédéraux, jeudi. Il n’a pas voulu donner son avis sur les autres modifications proposées.
Depuis sa création en 2020, le programme Tandem est perçu par ses détracteurs comme un service de création de publicités déguisées en articles. Radio-Canada a dénoncé « une ingérence troublante dans les activités d’un diffuseur public indépendant » par le Sénat.
Le gouvernement Trudeau devra décider au retour des Fêtes s’il s’oppose au compromis trouvé par le Sénat entre partisans et opposants de C-11 au sujet des contenus téléversés sur YouTube par de simples internautes.
Un amendement proposé par les sénatrices Julie Miville-Dechêne et Paula Simons vient réduire le champ du contenu appelé à être régulé par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC). Essentiellement, seules les chansons qui peuvent être diffusées à la radio seraient maintenant touchées.
Le ministre Rodriguez a plusieurs fois assuré que les contenus de simples internautes, comme ceux des youtubeurs ou des influenceurs, ne seraient pas touchés par C-11. Le texte de loi a cependant été interprété inversement par ses critiques. L’opposition conservatrice y a même vu une attaque à la liberté d’expression.
« De la façon dont le projet de loi était écrit, ça laissait une grande place à l’interprétation », explique la sénatrice Miville-Dechêne. Elle dit vouloir rassurer les nombreux intervenants « anxieux » de ne pas savoir s’ils devaient se plier ou non à la nouvelle loi.
Pour les plateformes
Des plateformes comme YouTube ont fait campagne contre l’idée de mettre en valeur les contenus canadiens sur le Web. Elles font valoir que leur algorithme, tenu secret, décoterait un artiste dans ses palmarès s’il devait être mis en avant auprès d’un public canadien peu réceptif.
La position du Sénat est « un effort pour tenter de faire plaisir aux plateformes », dénonce le directeur général de l’Association des professionnels de l’édition musicale, Jérôme Payette, qui préférait la version originale du texte.
Le ministre Pablo Rodriguez a expliqué jeudi devoir discuter des propositions sénatoriales avec les autres partis, vu le contexte de gouvernement minoritaire. « Je pense que ça devrait être assez rapide », a-t-il promis.
Le Bloc québécois, qui a été l’allié du gouvernement Trudeau dans ce dossier pour accélérer les procédures aux Communes, souhaite une conclusion rapide du dossier. Questionné à ce sujet mercredi, son chef Yves-François Blanchet a attaqué la légitimité des sénateurs non élus.