Des libéraux fédéraux montent aux barricades pour les anglophones du Québec

Marc Garneau considère qu’il ne faut pas laisser les mains libres au Québec en matière de politique linguistique.
Photo: Sean Kilpatrick Archives La Presse canadienne Marc Garneau considère qu’il ne faut pas laisser les mains libres au Québec en matière de politique linguistique.

Des élus libéraux fédéraux du Québec ont imploré leurs collègues de protéger les droits de la minorité anglophone en rejetant les demandes de Québec sur la réforme de la Loi fédérale sur les langues officielles, lors d’un comité parlementaire mardi.

« Ce serait une grande erreur pour nous, en tant que députés fédéraux, dans un comité fédéral, examinant des lois fédérales, de laisser le champ libre au Québec pour faire tout ce qu’il pourrait vouloir faire en matière de langue au Québec », a fait valoir le député et ex-ministre Marc Garneau. L’élu fédéral de Notre-Dame-de-Grâce–Westmount prenait la parole de manière inhabituelle devant un comité parlementaire dont il n’est pas membre.

Le Comité permanent des langues officielles commençait mardi l’examen des amendements proposés pour améliorer la réforme de la Loi fédérale sur les langues officielles, le projet de loi C-13.

Une quinzaine de ces modifications ont été suggérées par Québec. Le gouvernement Legault demande essentiellement à Ottawa de ne pas nuire à son projet de protéger le français sur le territoire québécois même s’il y est majoritaire. « Le français est la seule langue officielle minoritaire dans l’ensemble du Canada », peut-on lire dans une lettre datée de juin dernier.

Même si le projet de loi C-13 vise officiellement à « l’égalité réelle entre les langues officielles du Canada », ses critiques affirment qu’il entre en conflit avec la Charte de la langue française du Québec, notamment en laissant les entreprises de compétence fédérale s’y soustraire.

Inquiétudes des anglophones

Deux autres députés ont relayé mardi les inquiétudes de la communauté anglo-québécoise en pourfendant la Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français, mieux connue sous le nom de loi 96.

La loi fédérale devrait prendre ses distances avec cette réforme de la Charte de la langue française, plaident-ils.

« Dans ma communauté, je n’ai jamais vu autant de désespoir, de mécontentement et de craintes. Le projet de loi 96 amène les Québécois anglophones à se demander qui les défend », a lâché le député de Mont-Royal, Anthony Housefather.

Comme son collègue Marc Garneau — qui a qualifié la loi québécoise de « discriminatoire envers la minorité anglophone » —, M. Housefather s’en est pris à l’utilisation par Québec de la disposition de dérogation, qui « enlève des droits sans que [la population puisse] faire appel aux tribunaux ». « Nous ne devrions pas choisir quelle minorité linguistique protéger, laquelle ne pas protéger », a ajouté l’élu devant le comité dont il ne fait pas partie.

Sa collègue au caucus québécois, Patricia Lattanzio, qui est quant à elle membre du comité, a abondé dans le même sens.

Pas de réforme pour bientôt

Alourdie de ces différents discours, la réunion de deux heures n’a permis le vote que d’un seul amendement, mardi, sur une liste de plus de 200 modifications proposées. Malgré la demande du gouvernement Trudeau d’en finir au plus vite avec l’étude en comité de C-13, celle-ci se poursuivra donc en 2023.

« Ne nous accusez pas de faire de l’obstruction ! » a par ailleurs lancé le député conservateur Joël Godin à ses collègues libéraux, qui se sont opposés à prolonger la réunion en conséquence.

Son amendement, qui proposait d’inclure au texte de C-13 un passage faisant référence au respect « [des] choix du Québec relativement à son aménagement linguistique », venait d’être battu par cinq députés libéraux membres du comité et une élue néodémocrate insatisfaite qu’un passage important soit ainsi remplacé. Le député bloquiste et deux conservateurs québécois ont voté en faveur, alors que deux conservateurs anglophones se sont abstenus.

Ce serait une grande erreur pour nous, en tant que députés fédéraux, dans un comité fédéral, examinant des lois fédérales, de laisser le champ libre au Québec pour faire tout ce qu’il pourrait vouloir faire en matière de langue au Québec

 

« Nous, ce que l’on veut, c’est de faire avancer le projet de loi pour qu’il ait du mordant — et pas des dents de lait — pour faire en sorte de stopper le déclin du français, promouvoir et protéger les deux langues officielles au Canada », a expliqué M. Godin au Devoir au sortir de la salle.

Joint à son domicile, où il s’isole en raison de la COVID-19, le député bloquiste Mario Beaulieu dénonce l’empressement du gouvernement de limiter les débats sur la question. « Depuis les tout débuts que les libéraux essaient constamment de mettre le bâillon. Ils ne veulent surtout pas que ça fasse trop de débats au Québec. »

Les trois partis d’opposition ont exprimé leur appui aux demandes du Québec. La semaine dernière, la ministre des Langues officielles, Ginette Petitpas Taylor, avait refusé d’expliquer certains aspects techniques de C-13 à la presse parlementaire, affirmant s’en remettre au travail du comité.

À voir en vidéo