Des maires de l’Ontario dotés de «superpouvoirs »

Le gouvernement de l’Ontario veut donner davantage de pouvoirs aux maires de Toronto et d’Ottawa, les deux plus grandes villes de la province, afin d’accélérer la construction des logements qui y sont tant en demande. Ces pouvoirs accrus entreront en vigueur en novembre prochain si le projet de loi en la matière est adopté, une quasi-formalité vu la majorité des conservateurs à Queen’s Park.
En vertu de cette prochaine loi, les dirigeants choisis lors des élections municipales d’octobre prochain pourront mettre leur veto à tout règlement qui irait à l’encontre des priorités de la province. On pourrait imaginer le maire de Toronto, par exemple, rejeter un règlement de zonage s’il estime que celui-ci nuit à l’objectif provincial de construire 1,5 million de domiciles d’ici 10 ans. Ce nouveau pouvoir ne sera toutefois pas absolu : le maire devra justifier par écrit sa décision et en préaviser son conseil municipal. Ce dernier pourra d’ailleurs contrer la mesure si les deux tiers de ses membres le souhaitent.
La loi octroiera également aux maires le pouvoir de nommer eux-mêmes le directeur général et d’autres responsables municipaux, ainsi que de préparer le budget. Il s’agit des éléments les plus importants du projet de loi, selon le ministre des Affaires municipales et du Logement, Steve Clark. « En tant que maire, vous devez avoir la bonne équipe en place et les bonnes politiques en place, en plus de pouvoir les financer », a expliqué l’ancien maire de Brockville.
Les maires de Toronto et d’Ottawa seront les premiers à détenir ces pouvoirs, mais d’autres pourraient se voir octroyer les mêmes droits s’ils s’engagent à réduire les formalités administratives.
De son côté, l’Association des municipalités de l’Ontario dit avoir besoin de plus d’informations avant de passer un jugement sur le texte législatif. « Les municipalités n’ont pas demandé ce projet de loi », a rappelé son président, Brian Rosborough, par communiqué.
Dans la tête de Ford depuis 2014
Doug Ford s’intéresse à ce type de « superpouvoirs » municipaux depuis un certain temps. En 2014, lorsqu’il tentait lui-même de devenir maire de Toronto, le premier ministre avait déclaré qu’un tel système « mettrait fin aux désaccords ». « Vous devez tenir une personne responsable », avait-il dit alors au Toronto Sun. Mercredi, le ministre Clark a répété ce message presque mot pour mot.
L’ancienne adversaire de M. Ford dans la course à la mairie de 2014, Olivia Chow, s’oppose vigoureusement au projet de loi. La veuve de l’ancien chef néodémocrate Jack Layton estime qu’il va « détruire la démocratie » à Toronto. « Les promoteurs immobiliers n’auront qu’à contacter le maire pour leur projet », dit-elle.
C’est le troisième candidat d’importance dans la course de 2014, John Tory, qui est maintenant à la tête de la métropole, et il risque d’y demeurer. D’après Kema Joseph, une ancienne membre de son cabinet, il saura toutefois utiliser ces pouvoirs de manière responsable. « La démocratie va encore exister », assure-t-elle.
Un plan est en développement pour permettre la construction de plex dans les quartiers résidentiels de Toronto, dont près du tiers du territoire est réservé aux maisons unifamiliales. L’un de ses principaux objectifs est l’amendement du plan officiel d’urbanisme de la Ville pour bâtir ce « milieu manquant » entre les bungalows et les tours d’habitations.
En juillet, lorsque le Toronto Star a révélé l’existence du projet de loi déposé mercredi, 23 des 25 membres du conseil municipal de Toronto ont voté en faveur d’une motion pour signaler qu’ils ne demanderaient pas à la province d’abandonner son projet de loi et qu’ils demanderaient plutôt à la province de les consulter. L’un des deux conseillers qui a voté contre la motion, Denzil Minnan-Wong, ne se représente pas ; l’autre, Josh Matlow, a dénoncé le projet de loi sur les réseaux sociaux en après-midi.
À Ottawa, Catherine McKenney, qui est candidate à la mairie, avait qualifié en juillet ce plan d’« antidémocratique » .
Ce reportage bénéficie du soutien de l’Initiative de journalisme local, financée par le gouvernement du Canada.