Sprint pour une Loi sur la radiodiffusion à l’opposition bigarrée

Le projet de loi devrait être facilement adopté, avec les conservateurs pour seule opposition parlementaire.
Photo: Sean Kilpatrick La Presse canadienne Le projet de loi devrait être facilement adopté, avec les conservateurs pour seule opposition parlementaire.

Le gouvernement libéral a accéléré lundi l’étude du projet de loi sur la radiodiffusion, pour une adoption aux Communes avant l’été. Son opposition rallie des plateformes multinationales qui disent en faire assez pour la culture québécoise et des conservateurs qui craignent la censure de leur page Twitter.

« Je ne sais pas combien de temps le gouvernement laissera cette vidéo rester en ligne. » La question rhétorique est posée sur Twitter par le député de la Saskatchewan et ex-chef du Parti conservateur du Canada, Andrew Scheer.

Dans la vidéo associée, on peut entendre un youtubeur comparer le Canada à la Russie en matière de censure, et apercevoir le premier ministre Justin Trudeau devant le logo du Forum économique mondial. « Les libéraux ont un projet de loi qui donnera énormément de contrôle au gouvernement sur ce que vous pourrez voir, et publier, en ligne », explique M. Scheer.

Le projet de loi C-11 précise en toutes lettres qu’il ne s’applique pas aux simples internautes, mais seulement aux plateformes qui diffusent du « contenu commercial ». Il vise à les forcer à contribuer financièrement aux productions canadiennes, comme ce qui est déjà imposé aux diffuseurs traditionnels, et à faire découvrir plus facilement ce contenu.

« Encore plus de théories de la conspiration », a envoyé le libéral Randy Boissonnault aux banquettes conservatrices qu’il accusait d’obstruction parlementaire, lundi. Son parti a fait adopter une motion aux Communes, avec le soutien du Nouveau Parti démocratique, pour commencer les votes sur le texte et ses amendements dès mardi. Le gouvernement Trudeau espère ainsi envoyer le projet de loi chez les sénateurs avant l’été.

L’an dernier, le gouvernement s’était allié au Bloc québécois pour adopter un tel bâillon dans l’espoir de faire adopter avant les élections la version précédente du projet de loi (alors appelée C-10). Sans succès, puisque le déclenchement du scrutin estival l’a tué au feuilleton. Cette fois-ci, le Bloc a rejeté le bâillon pour protester contre les retards du gouvernement dans son calendrier législatif, mais le parti appuie lui aussi C-11.

Les réserves des plateformes

 

Le projet de loi devrait être facilement adopté, avec les conservateurs pour seule opposition parlementaire. Ses critiques peuvent aussi compter dans leurs rangs les principales plateformes du Web, qui ont chacune exprimé leurs réserves, mais dans un registre absent de références à la dictature.

Elles ont toutes souligné un « manque de clarté » dans la définition fédérale du contenu qui serait suffisamment « commercial » pour être régulé, craignant par exemple que des influenceurs ou des youtubeurs ne tombent dans cette catégorie.

Même si le ministre Pablo Rodriguez a répété plusieurs fois que la loi ne vise essentiellement que la musique ou les films, cette précision n’apparaît pas dans le texte du projet de loi. Pas plus que son idée de limiter l’obligation de découverte de contenu à la simple existence d’une liste d’écoutes canadienne, par exemple.

C’est le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) qui devra déterminer tous ces détails, après consultations et selon des directives que le ministre n’a toujours pas publiées. Pablo Rodriguez promet aussi de revoir les critères du « contenu canadien », puisque de nombreuses productions faites au pays échappent à cette définition pour l’instant.

Contribution suffisante

 

Contrairement à YouTube, plus à l’aisede contribuer financièrement que de devoir mettre en valeur le contenu canadien, le géant de la musique en continu Spotify craint que C-11 le force à payer encore plus les artistes. L’entreprise soutient qu’elle contribue déjà suffisamment à la culture locale.

« On veut être certain que toutes nos contributions sont prises en compte, dont le versement de nos redevances, afin de nous assurer que nos obligations sont équitables et proportionnelles », a indiqué au Devoir la responsable des communications internationales de Spotify, Taylor Griffin, depuis New York.

Dans un mémoire déposé à Ottawa, la multinationale suédoise précise que les deux tiers de ses revenus musicaux sont déjà retournés aux artistes, ce qui serait 8,5 fois plus que les redevances de la radio. Spotify, qui compte 28 listes de lecture québécoises ou francophones, s’est associé aux Francos de Montréal et collabore avec l’ADISQ, entre autres contributions. Lui demander de faire plus la forcerait à « faire des choix difficiles », peut-on lire.

Le gouvernement estime pouvoir retirer jusqu’à 1 milliard de dollars des plateformes pour la culture, mais n’a pas détaillé les contributions attendues de chacune.

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