Ottawa décriminalise des drogues dures, mais qu’en Colombie-Britannique
Après qu’Ottawa a décidé de décriminaliser la possession d’une petite quantité de drogues dures dès l’an prochain en Colombie-Britannique, le Nouveau Parti démocratique (NPD) craint que les libéraux s’opposent à son propre projet de décriminalisation d’un océan à l’autre.
Souhaitant s’attaquer à la crise des opioïdes, le gouvernement Trudeau a annoncé mardi qu’il serait sous peu possible de se balader à Vancouver avec en poche 2,5 grammes d’opioïdes, de cocaïne, d’ecstasy ou de méthamphétamine sans risquer de se faire arrêter par la police ou accuser d’un crime.
« Bravo pour les gens de Colombie-Britannique, mais il y a des gens qui meurent partout au pays », a réagi le député québécois Alexandre Boulerice.
Il craint que les libéraux, ou au moins une partie du caucus, ne s’opposent à la proposition néodémocrate de décriminaliser de la sorte les drogues dans l’ensemble du Canada. « Il faut vraiment que ce soit le gouvernement fédéral qui agisse », conclut-il.
Son collègue le député Gord Johns, élu justement en Colombie-Britannique, a déposé en novembre le projet de loi C-216 à ce sujet. Il doit être soumis au vote mercredi. M. Johns prévient déjà les libéraux qui voudraient s’y opposer : « Comment pourrez-vous dormir la nuit ? »
Le projet de décriminalisation des drogues au Canada ne faisait pas partie de l’entente entre le Parti libéral et le NPD pour permettre aux premiers de remporter les votes importants aux Communes et ainsi continuer de gouverner jusqu’en 2025.
L’initiative du fédéral passera par la création d’une exception à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances pour permettre la possession de petites quantités de drogues « pour l’usage personnel ». Cette mesure s’applique strictement au territoire de la province de la Colombie-Britannique. Elle ne prendra effet que le 31 janvier 2023, afin de donner un peu de temps à ses policiers de s’y préparer.
« Aujourd’hui, nous faisons les premiers pas vers l’action audacieuse et le changement politique significatif dont nous avons besoin », a déclaré la ministre fédérale de la Santé mentale et des Dépendances, Carolyn Bennett, lors d’une annonce à Vancouver.
Les drogues demeureront illégales, et de nombreuses exceptions demeureront quant à la décriminalisation de leur possession. Il sera toujours interdit aux mineurs de posséder de telles substances, et à quiconque dans certains lieux, comme les écoles, les garderies ou les aéroports. La possession de drogues restera aussi interdite au moment de conduire un véhicule, par exemple.
Le trafic de drogues restera un crime, tout comme l’importation ou la possession de plus de 2,5 grammes de ces produits. Ottawa laissera le soin à la Colombie-Britannique de voir comment appliquer la loi dans les cas ambigus. L’exemption aux lois sur les drogues se prolongera sur au moins trois ans, période pendant laquelle Ottawa étudiera ses effets.
Le gouvernement Trudeau répond ainsi à une demande du gouvernement de Victoria, qui souhaite que cette mesure arrive à réduire le nombre de surdoses. L’explication présentée est qu’une décriminalisation incitera les usagers de drogues à aller chercher des soins de santé sans craindre une arrestation, ce qui aurait le potentiel de sauver des vies.
Plusieurs provinces ont rapporté des niveaux records de décès par surdose ces cinq dernières années. Près de 27 000 personnes ont perdu la vie de cette manière au pays entre janvier 2016 et septembre 2021, selon les données du fédéral.
Un début
Cette évolution en matière de décriminalisation pourrait en effet n’être que le début, puisque le gouvernement Trudeau promet d’étudier au cas par cas toutes les demandes qui lui sont présentées.
Aucune autre province n’a pour l’instant demandé à être visée comme la Colombie-Britannique par cette exception à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, mais la Ville de Toronto l’a fait en décembre dernier. Montréal s’est aussi montré favorable à l’idée au début de 2021, mais n’a pas encore présenté de demande officielle au fédéral.
Le gouvernement Trudeau s’est attelé à la tâche de réduire les peines minimales pour divers crimes, dont certaines infractions liées à la possession de drogues, dans son projet de loi C-5 présentement à l’étude. Le Nouveau Parti démocratique (NPD) a déposé en novembre son propre projet de loi pour décriminaliser toutes les drogues, partout au Canada. Le texte du projet de loi C-216 doit être soumis au vote mercredi.