Mettre en œuvre les droits autochtones

Martine Letarte
Collaboration spéciale
Le 10 mars 2021, des manifestants opposés au projet d’agrandissement du pipeline de Trans Mountain étaient rassemblés à Burnaby, en Colombie-Britannique.
Darryl Dyck La Presse canadienne Le 10 mars 2021, des manifestants opposés au projet d’agrandissement du pipeline de Trans Mountain étaient rassemblés à Burnaby, en Colombie-Britannique.

Ce texte fait partie du cahier spécial Congrès de l'Acfas

Le colloque Mettre en œuvre les droits autochtones : innovations et limites dans le contexte canadien est organisé le 10 mai à l’occasion du Congrès de l’Acfas qui se déroule en ligne.

Les députés et les sénateurs autochtones qui travaillent à faire avancer leurs droits au Parlement du Canada, une institution démocratique coloniale, seront au cœur de la présentation de Simon Dabin, stagiaire postdoctoral au Centre interuniversitaire d’études et de recherches autochtones (CIERA). Il a analysé les discours de la précédente législature afin de déterminer si les députés et les sénateurs autochtones s’exprimaient plus souvent sur les questions qu’ils définissent comme étant autochtones, comparativement aux autres députés.

« Le résultat, c’est qu’ils en parlaient nettement plus, soit 37 % de leur temps de parole, comparativement à 3 % pour les autres et, en plus, ils en parlaient différemment. Alors, c’est évident que leur présence change quelque chose dans la manière de représenter les Autochtones à la Chambre des communes », révèle-t-il d’emblée.

De plus, en 2015, on a vu une augmentation du nombre de candidats autochtones à travers le pays. « Ils étaient 54, et 10 d’entre eux ont été élus, précise M. Dabin. Depuis, à chaque élection, on observe toujours une augmentation du nombre de candidats autochtones. Ils étaient 77 pour l’élection de 2021, et 11 d’entre eux ont été élus. »

Le chercheur souligne aussi que l’intérêt dans la littérature canadienne pour la représentation autochtone était très marginal jusqu’à récemment.

« C’est seulement en 1960 que les Autochtones ont eu le droit de vote, sans condition. » Avant cette date, pour voter aux élections fédérales, les membres des Premières Nations devaient abandonner leur statut, leur identité autochtone, pour devenir citoyens canadiens.

La question de l’acceptation sociale

Les autres conférences du colloque se pencheront sur le problème de l’exploitation des ressources naturelles et l’acceptation sociale. Julie Fortin, de l’Université Laval, a étudié ce qui s’est passé dans le village inuit d’Aupaluk, au Nunavik, avec l’industrie minière. Car même s’il y a eu des avancées à la suite de l’adoption de normes internationales en matière de responsabilité sociale, le respect des engagements n’est pas toujours au rendez-vous, particulièrement chez les compagnies d’exploration, souvent précaires.

Du côté du droit, Zoé Boirin, de l’Université d’Ottawa, analysera comment l’élaboration et la mise en œuvre d’un projet minier, qui appelle au respect par les entreprises minières de plusieurs normes, peuvent contribuer à la réconciliation entre le Canada et les peuples autochtones.

Véronique Tremblay, de l’Université Laval, se penchera quant à elle sur la mise en œuvre de la norme de consentement préalable, libre et éclairé (CPLE) au Canada et en Norvège, avec les cas du pipeline Trans Mountain et de la mine Nussir.

Table ronde avec des leaders autochtones

 

Comme l’Acfas a finalement décidé de tenir son colloque en ligne pour cause de sixième vague de COVID-19, une table ronde avec des leaders autochtones a été déplacée. « Jamais nous n’aurions organisé un colloque sur la mise en œuvre des droits autochtones sans inviter des leaders autochtones à se prononcer », tient à préciser Thierry Rodon, responsable du colloque et professeur au Département de science politique de l’Université Laval.

Il a préféré tenir cette table ronde en personne au colloque annuel du CIERA qui a eu lieu le 2 mai, au Musée McCord. Michèle Audette, originaire de la communauté innue de Uashat mak Mani-Utenam, était invitée à venir parler de son travail comme commissaire au sein de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées et de son travail de sénatrice. « Elle a décidé d’aller dans les institutions coloniales pour les changer de l’intérieur », indique M. Rodon.

On trouvait aussi à cette table ronde Hélène Boivin, présidente de la commission Tipelimitishun (se gouverner soi-même) qui travaille depuis 2019 avec les Pekuakamiulnuatsh (Innus de Mashteuiatsh) sur un projet de Constitution. Lisa Qiluqqi Koperqualuk, vice-présidente du Conseil circumpolaire inuit, anthropologue spécialiste de l’Arctique et conservatrice au Musée des beaux-arts de Montréal, était aussi présente, tout comme Jedidat Matoush, de la communauté crie de Mistissini, candidate au doctorat en science politique à l’Université Concordia.

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