Que retenir du budget 2022 du Canada?

La ministre des Finances, Chrystia Freeland, a présenté jeudi à la Chambre des communes un budget du Canada 2022 qu’elle a écrit à l’encre rouge orange. Le document prévoit des dépenses additionnelles d’environ 55 milliards de dollars sur cinq ans, dont quelque 9 milliards en 2022-2023. Quelques faits saillants.

Le remboursement de frais dentaires

 

Le gouvernement fédéral couvrira les frais dentaires des enfants de moins de 12 ans en 2022, des jeunes de 12 à 18 ans et des personnes de 65 ans ou plus, ainsi que celles en situation de handicap en 2023, avant de rembourser partiellement ceux de tous les autres Canadiens dont le revenu familial annuel est inférieur à 90 000 $ en 2024 et 2025. Les personnes ayant un revenu annuel supérieur à 70 000 $ auront à payer une quote-part.

Le gouvernement fédéral évalue le coût de ce nouveau programme, né de l’entente entre le Parti libéral du Canada et le Nouveau Parti démocratique (NPD), à 5,3 milliards sur cinq ans, dont 300 millions en 2022-2023 et 600 millions en 2023-2024.

Un fonds pour accélérer la construction de logements

 

Ottawa octroiera pas moins de 4 milliards de dollars à la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) afin qu’elle accélère la création de quelque 100 000 logements partout au pays.

« Le fonds […] pourrait offrir du soutien, comme un incitatif annuel “par porte” pour les municipalités, ou un soutien initial pour les investissements dans les processus municipaux de planification et d’exécution des programmes de logement », précise le ministère des Finances.

Des logements abordables, vite

 

Le gouvernement fédéral fournira aussi 1,5 milliard supplémentaire sur deux ans (1 milliard en 2022-2023 et 500 millions en 2023-2024) à la SCHL pour « construire rapidement » plus de 6000 nouveaux logements abordables. Plus du quart des fonds servira à concrétiser des projets de logements « axés sur les femmes ».

Davantage d’aide pour l’achat d’une première propriété

Les Canadiens rêvant d’acquérir une première maison pourront mettre de côté jusqu’à 40 000 $ dans un compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété (CELIAPP), à coups de cotisations annuelles maximales de 8000 $ déductibles d’impôt. Le jour J, ils pourront retirer leurs économies — et les revenus de placement de ce compte — sans être embêtés par le fisc.

Les acheteurs d’une première habitation bénéficieront aussi d’un allègement fiscal pouvant aller jusqu’à 1500 $, et non plus jusqu’à 750 $.

Vers une charte des droits des acheteurs immobiliers

 

Le gouvernement fédéral est partant, de pair avec les provinces et les territoires, pour rendre le processus d’achat d’une propriété « plus ouvert, plus transparent et plus équitable » en imposant un cran d’arrêt aux offres à l’aveugle et en accordant un droit légal à une inspection.

Un coup de frein aux acheteurs étrangers

 

L’équipe de Justin Trudeau compte interdire aux personnes morales et physiques étrangères d’acquérir des propriétés résidentielles non récréatives au Canada, et ce, pour une période de deux ans.

Les résidents permanents, les étudiants étrangers qui sont en voie d’obtenir la résidence permanente, les titulaires de permis de travail, ainsi que les réfugiés pourront pour leur part élire domicile au pays « dans certaines circonstances ».

Le budget de la Défense bonifié

 

La Défense nationale voit son budget bonifié de 8 milliards de dollars. Mais cette somme n’est pas suffisante pour rattraper le retard déjà accusé. Pour la suite, le gouvernement annonce une grande révision de sa politique de défense, qui pourrait s’accompagner d’investissements supplémentaires.

Sur ces 8 milliards promis dès cette année et sur cinq ans, 6 milliards seront versés pour « respecter les priorités » de la Défense nationale auprès de ses alliés de l’OTAN,en matière de défense continentale avec le Commandement de la défense aérienne de l’Amérique du Nord (NORAD), et pour les forces canadiennes. Le budget prévoit 1,3 milliard de dollars en amortissements restants, puis des investissements de 1,4 milliard de dollars par année après les premiers cinq ans. S’ajoutent 875,2 millions sur cinq ans consacrés à la cybersécurité, par le biais du Centre de la sécurité des télécommunications.

Pas de retour à l’équilibre budgétaire avant 2027

Après avoir cumulé des déficits de 328 milliards de dollars (2020-2021) et de 52,8 milliards (2022-2023) après l’arrivée de la COVID-19, l’État canadien affichera un solde budgétaire de -39,9 milliards en 2023-2024. Le déficit fédéral devrait ensuite diminuer progressivement, pour atteindre 8,4 milliards en 2026-2027.


 

Des investissements publics-privés pour la transition climatique

Le budget 2022 jette les bases du Fonds de croissance du Canada. Ce « nouveau mécanisme d’investissement public qui sera exploité de façon indépendante du gouvernement fédéral » vise à attirer des investissements privés de taille pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) et favoriser la croissance non seulement des industries à faibles émissions de carbone, mais également de celles à la recherche de « nouvelles technologies ».

« Le fonds sera capitalisé au départ à l’aide de 15 milliards de dollars sur les cinq prochaines années. Il investira de manière concessionnelle, selon l’objectif suivant : pour chaque dollar qu’il investira, le fonds cherchera à attirer au moins 3 dollars de capital privé », indique le ministère des Finances.

Le Canada nécessitera des investissements de quelque 125 milliards à 140 milliards chaque année, pour à la fois « bâtir une économie carboneutre » et « lutter contre les changements climatiques » d’ici 2050, estime Ottawa. Loin du compte, le Canada y investit à l’heure actuelle entre 15 milliards et 25 milliards.

À (re)voir:

La présentation du budget par Chrystia Freeland


3,8 milliards pour les minéraux critiques au Canada

Le nouveau budget fédéral prévoit 3,8 milliards de dollars d’aide sur huit ans pour mettre en œuvre une première stratégie canadienne sur les minéraux critiques. L’enveloppe comprend, entre autres, un financement de 1,5 milliard de dollars pour des investissements en infrastructure « qui appuieront le développement des chaînes d’approvisionnement en minéraux critiques ».

Ottawa crée également un nouveau crédit de 30 % pour les dépenses d’exploration minière de ces minéraux au Canada. Celui -ci s’appliquerait aux dépenses pour trouver du nickel, du lithium, du cobalt ou du graphite — des matériaux essentiels à la production de batteries pour véhicules électriques. Cette mesure devrait coûter 400 millions de dollars au gouvernement du Canada sur les cinq prochaines années.

Ce crédit d’impôt ne pourra pas s’ajouter à celui déjà existant — de 15 % et non remboursable — sur les dépenses d’exploration minière au Canada, destiné à l’ensemble des minéraux, qui prendra fin le 31 mars 2024.


 

Un crédit d’impôt à l’investissement pour le captage, l’utilisation et le stockage du carbone

La ministre Freeland entend donner un élan aux « technologies qui captent les émissions de dioxyde de carbone (CO2) issues de la combustion de carburants, de procédés industriels ou directement dans l’air pour ensuite stocker le CO2, généralement profondément sous terre, ou l’utiliser dans d’autres procédés industriels, comme la minéralisation permanente dans le béton » à l’aide d’un crédit d’impôt remboursable.

Celui-ci entraînera des dépenses additionnelles de 2,6 milliards sur cinq ans, puis de 1,5 milliard par année jusqu’en 2030.

Plus de 10 milliards de dollars supplémentaires pour « avancer sur le chemin de la réconciliation »

Le budget 2022 officialise l’allocation de 4 milliards de dollars supplémentaires sur six ans afin de renforcer le « principe de Jordan » selon lequel « les enfants des Premières Nations [doivent] accéder aux services de santé, aux services sociaux et aux services d’enseignement dont ils ont besoin en temps opportun ».

Le ministère des Finances prévoit aussi 133 millions dès cette année pour permettre aux communautés de « localiser » et de « commémorer » les lieux de sépulture des anciens pensionnats pour Autochtones, notamment.

Une taxe sur les produits de vapotage

 

Les produits de vapotage seront frappés d’une taxe à compter du 1er octobre 2022. Le gouvernement fédéral s’attend à récolter 654 millions au cours des cinq prochaines années et invite les provinces et les territoires à entrer dans la danse.

L’heure du remboursement a sonné pour les banques et les assureurs

Les grandes institutions financières ayant engrangé d’« importants profits » pendant la pandémie de COVID-19, notamment grâce à l’aide gouvernementale offerte aux personnes et aux entreprises, se retrouvent dans le collimateur de Chrystia Freeland.

La ministre des Finances compte récupérer près de 6,5 milliards de dollars de leur part sur cinq ans. Les banques et les assureurs paieront notamment un impôt ponctuel de 15 % sur le revenu imposable supérieur à un milliard pour l’année d’imposition 2021, a-t-elle déterminé.

Finis les droits d’accise sur la bière à faible teneur en alcool

Ottawa éliminera les droits d’accise sur la bière à faible teneur en alcool (0,5 % d’alcool par volume ou moins) dès le 1er juillet 2022. Il se privera de revenus de 9 millions au cours des cinq prochaines années. La « 0,5 » sera ainsi traitée sur un pied d’égalité avec les vins et les spiritueux ayant la même teneur en alcool.

Avec Marie Vastel, Boris Proulx et Clémence Pavic



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