Bloc québécois - Lebel est grondé puis rétrogradé par son chef
Ottawa — Le député bloquiste Ghislain Lebel a été rétrogradé par son chef, Gilles Duceppe, à la suite de ses attaques contre le gouvernement de Bernard Landry, qu'il accuse de trahison en raison de ses négociations avec quatre communautés innues.
Le député, qui n'en est pas à sa première controverse au sein du parti, s'est également attiré les foudres de certains de ses collègues, qui veulent qu'il soit chassé du caucus. «Ça fait longtemps qu'on aurait dû l'expulser, il ne fait que semer la pagaille», a affirmé le député Yvan Loubier, qui est responsable des affaires autochtones pour le parti.M. Duceppe a retiré hier à M. Lebel ses responsabilités de critique du Bloc en matière de travaux publics. Le whip en chef du parti, Pierre Brien, s'en chargera à sa place.
«Cette mesure disciplinaire, qui entrera en vigueur dès que le député aura été contacté, est prise en réponse aux attaques personnelles formulées par Ghislain Lebel envers le gouvernement du Québec dans le dossier des négociations en cours avec les communautés innues de la Côte-Nord, a fait savoir le chef du Bloc par voie de communiqué, tout en refusant les demandes d'entrevue. Les opinions que le député a émises ne reflètent en rien la position du Bloc québécois sur cette question.»
Dans une lettre envoyée à La Presse, dont le quotidien montréalais a fait état dans son édition d'hier, le député de Chambly dénonce l'entente en cours de négociation par le gouvernement québécois, aux côtés d'Ottawa. Il soutient qu'elle risque d'amener de nouvelles revendications chez d'autres groupes autochtones, ce qui pourrait réduire grandement le territoire sous la compétence complète des Québécois.
En plus de reconnaître les droits ancestraux de ces communautés, de permettre la création d'un gouvernement et d'un régime fiscal innus, l'entente de principe prévoit l'octroi de propriétés exclusives ou partagées sur des territoires totalisant 300 000 kilomètres carrés. De plus, elle prévoit le versement par Québec de 377 millions de dollars aux Innus.
Le député Lebel soutient que Bernard Landry trahit la population en se comportant comme le chef d'un gouvernement en pleine déroute, prêt à tout pour garder le pouvoir.
«Ce sont des propos outrageants, qui sont totalement irrespectueux des personnes qui tentent depuis plusieurs années d'en venir à une entente avec les autochtones. C'est manquer du respect le plus élémentaire que de traiter le premier ministre du Québec de traître», a dénoncé Yvan Loubier, qui a fustigé sévèrement son collègue et a l'intention de demander son expulsion du caucus bloquiste.
Selon M. Loubier, Québec a tout à fait raison de négocier pour donner plus d'autonomie aux autochtones et leur accorder les outils pour se prendre en main. «On est obligés de le faire, sinon il y aura une intensification des chicanes que l'on a depuis toujours avec les autochtones», note-t-il.
Il ajoute que ces négociations, qui ne sont pas encore terminées, ne menacent en rien l'intégrité territoriale du Québec. Elles ne font qu'associer les autochtones à la gestion d'un territoire plus vaste qu'ils utilisent pour la chasse et la pêche.
Mais les propos «incendiaires» de Ghislain Lebel risquent de «tout foutre en l'air» en induisant la population en erreur, s'indigne le député Loubier.
Ce n'est pas la première fois que M. Lebel se dispute avec ses collègues du Bloc. En mars 2001, le député avait donné son appui à des positions controversées de l'aile jeunesse de son parti sur l'identité québécoise, rejetées par le chef. Ghislain Lebel avait alors affirmé avoir été traité de raciste et s'être fait montrer la porte par Gilles Duceppe, ce que le Bloc avait nié.
«Je ne veux pas vivre dans un parti où l'on endure des gens qui disent n'importe quoi», dit Yvan Loubier.