Le Québec conserverait ses sièges, mais pas son poids relatif aux Communes

Le gouvernement de Justin Trudeau protégera le nombre de sièges actuel du Québec aux Communes et rejette donc en partie la proposition d’Élections Canada qui aurait retiré une circonscription fédérale à la province. Le projet de loi en ce sens déposé jeudi n’empêche toutefois pas l’ajout de circonscriptions ailleurs au Canada, pour s’ajuster aux changements démographiques. Le poids politique du Québec risque donc de continuer d’être dilué, déplorent l’opposition fédérale et le Québec.
Après chaque recensement, Élections Canada doit proposer en vertu de la loi un redécoupage de la carte électorale pour tenir compte, s’il y a lieu, de l’évolution de la population à l’échelle du pays. L’agence a donc recommandé l’automne dernier de faire passer de 338 à 342 le nombre de circonscriptions fédérales d’ici octobre 2023. L’Ontario et la Colombie-Britannique devraient en gagner une chacune et l’Alberta, trois, selon cette proposition, qui aurait en revanche retiré un siège au Québec.
Le gouvernement de François Legault s’y était aussitôt opposé, arguant que le poids de la nation québécoise aux Communes devait être protégé. Les partis d’opposition fédéraux avaient tenu le même discours à Ottawa.
Le gouvernement Trudeau s’était montré d’accord. Son projet de loi C-14 assurerait que « le nombre de députés d’une province demeure inchangé » par rapport à sa représentation lors de la précédente législature.
Le Québec conserverait ainsi ses 78 sièges, dont le total aux Communes passerait à 343 avec l’ajout de sièges prévu en Ontario, en Alberta et en Colombie-Britannique. Le Québec détiendrait alors 22,7 % des sièges, contre 23 % actuellement. Sa population a atteint 8,5 millions de personnes en 2021, selon le dernier recensement, sur 36,7 millions de Canadiens (22,9 %, ce qui représenterait théoriquement 78,5 sièges).
Un souhait « irréaliste »
Le Bloc québécois réclamait cependant, par son propre projet de loi d’initiative parlementaire, que le Québec se voie garantir 25 % des sièges aux Communes à l’avenir — en s’inspirant de l’Accord de Charlottetown, qui avait échoué à être adopté. « Si on a le même nombre de députés avec le nombre total qui augmente, le poids relatif diminue », a déploré le bloquiste Alain Therrien. « Ça veut dire que tous les dix ans, on va voir une diminution de notre poids relatif. Ça n’a aucun sens. »
Le lieutenant du gouvernement Trudeau pour le Québec, Pablo Rodriguez, rétorque que la volonté du Bloc aurait nécessité des négociations constitutionnelles et l’accord de sept des provinces représentant 50 % de la population canadienne. Le projet de loi C-14 porte un « geste concret pour protéger le siège que le Québec allait perdre », a-t-il argué, et ce, d’ici la prochaine élection.
Le constitutionnaliste de l’Université d’Ottawa Benoît Pelletier confirme l’analyse du fédéral. « L’article de la Constitution qui contient les énoncés par rapport au nombre de sièges pour chaque province est modifiable unilatéralement, sauf pour le principe de la représentation proportionnelle, qui est enchâssé dans la Constitution et soumis à la procédure 7/50 », dit-il.
L’adoption telle quelle incertaine
Le cabinet de la ministre québécoise responsable des Relations canadiennes, Sonia LeBel, ne s’est néanmoins pas montré entièrement satisfait. « Il s’agit d’un très bon premier pas », a-t-on indiqué par courriel. « Cependant, il reste nécessaire pour nous que le poids relatif du Québec demeure. Nous continuerons de faire des représentations en ce sens. »
L’adoption du projet de loi C-14 n’est d’ailleurs pas garantie sans amendement.
Le Nouveau Parti démocratique, qui avait convenu dans son entente d’appui du gouvernement libéral de s’assurer que le nombre de sièges du Québec « demeure constant », a fait valoir que le projet de loi n’allait « pas assez loin et devrait protéger le poids de la nation québécoise ».
Minoritaires, les libéraux ont besoin de l’appui d’au moins l’un des partis d’opposition pour faire adopter leur législation.
Les conservateurs ont quant à eux souhaité prendre le temps de discuter en caucus du projet de loi d’un seul article avant de se prononcer. Le parti est d’avis qu’aucune province ne devrait perdre de siège. Plus de la moitié du caucus s’était opposée début mars à une motion bloquiste, adoptée avec l’appui de tous les autres élus, pour protéger les circonscriptions du Québec.
Élections Canada et les commissaires responsables du redécoupage électoral n’ont pas voulu commenter.