Dépôt d’un projet de loi pour aligner la finance sur les engagements climatiques du Canada

Forcer la main du secteur financier canadien pour qu’il participe à la lutte contre les changements climatiques, c’est l’objectif du projet de loi S-243 déposé jeudi par la sénatrice indépendante Rosa Galvez à la Chambre haute. Elle espère qu’il pourra être envoyé au comité sénatorial chargé de l’étudier avant l’été.
« Avec ce projet de loi, on veut régler deux problèmes qui sont interconnectés », explique d’emblée au Devoir Mme Galvez — le premier étant que les changements climatiques posent un risque croissant pour la stabilité financière et économique du Canada, et le deuxième que le système lui-même nuit aux efforts climatiques.
« C’est l’éléphant dans la pièce ! On sait que les changements climatiques et les événements extrêmes qui y sont liés affectent l’économie, mais le secteur financier — malgré cette situation-là — continue d’alimenter la crise en finançant des projets qui vont à l’encontre de nos engagements pour le climat », souligne Rosa Galvez. « Bien évidemment, le secteur financier s’inquiète des effets des changements climatiques, mais, jusqu’à maintenant, il ne fait que recommander la publication des risques, sur une base volontaire. Or, ça s’arrête là », déplore la sénatrice.
L’intérêt prépondérant
Avec ce projet de loi, toute entité réglementée par le fédéral dans le domaine financier devrait faire de l’alignement sur les engagements climatiques une « question d’intérêt public prépondérante ». Cela comprend la Banque du Canada, mais aussi le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) ou Exportations et développement Canada (EDC).
Si ce projet de loi sénatorial est adopté, les institutions financières visées devraient aussi remplir des exigences en matière d’établissement de cibles, de plans et de rapports concernant l’alignement sur les engagements climatiques, à moins qu’elles puissent démontrer que leur production d’émissions a été nulle ou négligeable. Les rapports annuels devraient aussi être rendus publics et facilement accessibles en ligne.
Par ailleurs, le projet de loi exigerait aussi la nomination d’une personne ayant une expertise climatique dans certains conseils d’administration.
Des progrès à réaliser
Dans un récent livre blanc qui a servi d’appui à l’élaboration du projet de loi, Rosa Galvez dresse le bilan d’un secteur financier encore à la traîne au Canada. Par exemple, « la société d’État Exportation et développement Canada (EDC) fournit chaque année aux entreprises pétrolières et gazières plus de 10 milliards de dollars en moyenne sous forme de financement, de garanties de prêt et d’assurance », y est-il mentionné. « Avec ce soutien, le Canada se classe aujourd’hui au deuxième rang des pays du G20 pour le financement public total des combustibles fossiles, et au premier rang pour le financement par habitant », détaille-t-on.
Les grandes banques canadiennes ne font pas non plus bonne figure. Cinq d’entre elles — RBC, TD, Banque Scotia, BMO et CIBC — figurent parmi les principaux financeurs de combustibles fossiles dans le monde, « représentant 17,5 % de l’ensemble des prêts au secteur pétrolier et gazier, et trois d’entre elles sont classées parmi les 12 premiers prêteurs à ce secteur », selon le rapport Banking on Climate Chaos, mentionné dans le livre blanc. Desjardins ne fait pas partie du classement établi dans ce rapport.
« Le secteur financier s’inquiète des impacts systémiques des changements climatiques, mais n’en fait pas suffisamment. Pour aller plus loin, il faut que ce soit quelqu’un de l’extérieur qui vienne contraindre les institutions à être soumises aux mêmes règles pour atteindre les cibles climatiques », explique Rosa Galvez. « C’est ce qu’on veut faire avec ce projet de loi. »