Trudeau s’entend avec le NPD pour gouverner jusqu’en 2025

Justin Trudeau et Jagmeet Singh doivent discuter de l’entente au moins une fois par trimestre.
Photo: Sean Kilpatrick La Presse canadienne Justin Trudeau et Jagmeet Singh doivent discuter de l’entente au moins une fois par trimestre.

Le gouvernement libéral a conclu une entente sans précédent avec le Nouveau Parti démocratique (NPD) pour gouverner jusqu’en 2025, au prix d’un programme de soins dentaires pour les plus démunis et d’un régime universel d’assurance médicaments.

« Les Canadiens s’attendent à un gouvernement fort et progressiste », a ainsi expliqué le premier ministre, en conférence de presse, mardi.

En vertu de cette entente, Justin Trudeau s’engage à mettre en œuvre une série de programmes aux accents sociaux et environnementaux et à ne pas provoquer de nouvelles élections avant la fin de son mandat.

En particulier, un nouveau programme de soins dentaires doit être déployé dès 2022 pour les enfants de familles à faibles revenus, qui s’étendra progressivement à plus de catégories de la population jusqu’en 2025. Un nouveau régime public d’assurance médicaments doit quant à lui voir le jour en 2023.

« C’est une continuation de notre plateforme », a fait valoir le premier ministre Trudeau. L’entente apportera, dit-il, de la « stabilité et de la prévisibilité » à son gouvernement minoritaire.

L’accord prévoit une collaboration sur plusieurs autres dossiers, comme l’instauration d’une surtaxe pour les institutions financières ou encore le dépôt d’une loi interdisant les briseurs de grève. De plus, le financement public des combustibles fossiles doit cesser dès cette année et le nombre de sièges du Québec aux Communes doit rester inchangé.

Les libéraux ont été reconduits au pouvoir à Ottawa lors des dernières élections fédérales de septembre, avec un mandat minoritaire. Cela signifie que le gouvernement a besoin de l’appui d’au moins un parti d’opposition pour faire adopter chaque loi.

Une entente, pas une coalition

 

Malgré cette alliance pour les trois prochaines années, le NPD ne fera pas partie du gouvernement et ne formera donc pas une coalition. « On reste indépendants, on va continuer de critiquer le gouvernement s’il le mérite », a précisé le chef du NPD, Jagmeet Singh, lors de son propre point de presse mardi.

M. Singh, qui a répété durant la dernière campagne électorale que les libéraux ne sont pas dignes de confiance, dit maintenant faire preuve d’« optimisme » et de « bonne volonté » pour faire fonctionner le gouvernement. Il a précisé être en discussions avec les libéraux depuis l’automne.

« On a fait des gains qui sont vraiment historiques », explique le député néodémocrate montréalais Alexandre Boulerice. L’élu précise que son parti se réserve le droit de déchirer l’entente si le gouvernement « ne livre pas la marchandise ».

« On s’assure qu’il y a des mécanismes de surveillance et de vigilance. Avec des rencontres régulières des whips, des leaders parlementaires », a-t-il expliqué. Un « groupe de surveillance » formé de personnel politique et d’élus sera chargé de faire le suivi des promesses. MM Trudeau et Singh doivent en discuter au moins une fois par trimestre.

Du jamais vu

 

Cet accord politique est sans précédent dans l’histoire des gouvernements minoritaires du Canada, croit le professeur de science politique de l’Université de Montréal Jean-François Godbout, qui doit même modifier les conclusions d’un texte qu’il était en train de rédiger sur le sujet.

« On n’a jamais vu un tel accord formel entre les partis, dans les 11 gouvernements minoritaires qu’on a eus depuis 1945 au Canada », affirme le spécialiste.

Même si aucune règle parlementaire ou interne aux partis politiques ne force le respect de ce genre de promesse, il est d’avis qu’un tel accord « donne un niveau de stabilité supérieur [aux ententes négociées à la pièce] » lors de chaque vote important. L’exercice représente « un risque », estime-t-il, comme celui de déplaire à une partie des militants de chaque formation politique, mais il leur donne l’espoir de rester plus longtemps au pouvoir.

Autres partis d’opposition scandalisés

Ce pacte entre le gouvernement libéral et le quatrième parti aux Communes a été vertement critiqué par les autres partis sur les banquettes de l’opposition, exception faite du Parti vert qui a salué l’initiative.

« Plus de dépenses, plus de taxes, plus d’intrusions dans les champs de compétence provinciale et de moins en moins de respect pour le Parlement », a raillé le conservateur Luc Berthold lors de la période des questions. Le « gouvernement majoritaire libéral-néodémocrate » serait néfaste pour l’industrie pétrolière canadienne et les finances publiques, clame son parti.

Le Bloc québécois a pareillement dénoncé l’entente, qui aura pour conséquence « une centralisation du gouvernement fédéral », selon son chef, Yves-François Blanchet. « On va nous marcher sur le corps en santé », a-t-il prévenu.

M. Blanchet croit toutefois que l’entente « ne durera pas », puisqu’elle peut être trahie à tout moment. Il prévoit déjà que le NPD paiera le prix de sa collaboration avec les libéraux lors des prochaines élections.

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