Pressions renouvelées pour la reconnaissance d’un génocide contre les Ouïghours

Plusieurs manifestations dans le monde ont invité les nations à boycotter les Jeux olympiques de Pékin en raison du sort des Ouïghours en Chine. Sur la photo, des manifestants à Boston en juin 2021.
Charles Krupa Associated Press Plusieurs manifestations dans le monde ont invité les nations à boycotter les Jeux olympiques de Pékin en raison du sort des Ouïghours en Chine. Sur la photo, des manifestants à Boston en juin 2021.

Faute de l’entendre de la part d’Ottawa, un groupe d’avocats se tourne vers la Cour fédérale du Canada afin qu’elle reconnaisse que la Chine commet actuellement un génocide contre les Ouïghours.

La demande de contrôle judiciaire a été déposée jeudi, à la veille de l’ouverture des Jeux olympiques de Pékin. Elle est pilotée par Larochelle Avocats, au nom du Projet de défense des droits des Ouïghours.

« On pense que c’est tout à fait mûr pour que ce soit discuté. Ce n’est pas un hasard que ce soit déposé à ce moment-ci », a déclaré au Devoir l’un des avocats au dossier, Sébastien Chartrand. « On ne peut pas regarder les Jeux de la même façon, et je pense qu’on ne devrait pas non plus », a-t-il aussi lancé.

À Ottawa, un sous-comité de la Chambre des communes a conclu à l’automne 2020 que le traitement des Ouïghours constituait un génocide. Les élus canadiens ont aussi accusé la Chine de perpétrer un génocide contre ses minorités musulmanes en février 2021. Le geste, sans précédent, s’est toutefois fait sans l’appui du gouvernement, puisque Justin Trudeau et tous ses ministres se sont abstenus de participer au vote.

Dans le contexte, « au regard des échecs du Canada, nous demandons l’intervention de la cour, maintenant plus que jamais, afin qu’elle donne une voix au peuple ouïghour ici et ailleurs en nommant finalement la situation à laquelle ils font face : un génocide », est-il écrit dans le document judiciaire, rédigé en anglais.

En clair : « Ce qui est demandé à la cour, [c’est] de dire le droit. On veut que la cour dise spécifiquement qu’il s’agit d’un génocide, puisque le gouvernement canadien se refuse de le faire », a résumé Me Chartrand. « On veut que la cour dise que ça comporte des obligations pour le Canada, dans ce cas-ci, en vertu de la Convention sur la prévention du génocide [que le pays a ratifiée en 1952]. »

En violation de ses obligations internationales

 

De l’avis du Projet de défense des droits des Ouïghours (URAP, de Uyghur Rights Advocacy Project en anglais), le Canada viole non seulement ses obligations internationales, mais il contribue de surcroît à la commission de crimes contre les Ouïghours en n’agissant pas pour faire cesser le génocide.

En refusant de qualifier les crimes qui sont commis envers la population ouïghoure de génocide, le Canada « accepte tacitement ces crimes, ce qui en facilite l’exécution », est-il écrit dans la demande de contrôle judiciaire.

La Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide lie aussi les États afin qu’ils utilisent « toutes les mesures en leur pouvoir » pour prévenir les génocides, rappelle le document. En effet, le Canada y contrevient en ne dénonçant pas les crimes commis en contexte de génocide, notamment la mise en place d’un réseau de camps de concentration et les campagnes de stérilisation massive des Ouïghours, relève l’URAP.

Environ 2000 Ouïghours vivent au Canada. « Les efforts de la République populaire de Chine pour détruire ce groupe ont causé de grands traumatismes et des syndromes de choc post-traumatique » chez plusieurs membres de cette communauté, lit-on dans le document judiciaire. Ces traumatismes sont « exacerbés par les campagnes de harcèlement et d’intimidation que mènent les autorités chinoises sur le territoire canadien », est-il aussi écrit. De l’avis de l’URAP, il s’agit là d’une preuve des « efforts considérables » déployés par la Chine pour faire taire ceux qui dénoncent ses actions.

Le Devoir a sollicité vendredi une réaction auprès du cabinet de la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly. Celui-ci n’avait pas répondu au moment où ces lignes étaient écrites.

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