Guilbeault à l’Environnement, Joly aux Affaires étrangères et Garneau exclu
Le premier ministre Justin Trudeau a choisi « de nouvelles faces » pour occuper des postes clés au sein du gouvernement, afin de donner un « souffle de vent nouveau » à Ottawa. Ce faisant, il a élevé Mélanie Joly à la tête du ministère des Affaires étrangères et a confié à Steven Guilbeault les commandes du ministère de l’Environnement.
« Les Canadiens s’attendent [à ce] qu’on livre de grandes choses. C’est exactement ce que cette équipe va pouvoir livrer, avec de la passion et de l’expertise dans bien des domaines, avec l’expérience de plusieurs années de service, avec un souffle de vent nouveau [de] nos nouveaux arrivés », a déclaré Justin Trudeau dans la foulée de la cérémonie d’assermentation de son Cabinet, mardi.
Mélanie Joly — députée d’Ahuntsic et coprésidente de la dernière campagne du Parti libéral du Canada — est vue comme l’une des grandes gagnantes du remaniement.
La nouvelle ministre des Affaires étrangères a dit vouloir miser sur l’« humilité » et l’« audace » pour assurer un « pouvoir d’influence très fort » du Canada « dans la cour des grands ». La cheffe de la diplomatie canadienne consultera les « meilleurs experts dans le monde » avant de déterminer si la Chine subira des représailles du Canada pour avoir enlevé et détenu Michael Kovrig et Michael Spavor pendant près de trois ans. « Nos yeux sont grands ouverts sur la question de la Chine et nous n’avons aucune illusion », a-t-elle déclaré en conférence de presse.
Le député montréalais et ex-astronaute Marc Garneau, qui était aux Affaires étrangères, a été écarté du Conseil des ministres, à l’instar des ex-ministres Bardish Chagger et Jim Carr. « Ça va me faire plaisir de continuer à siéger avec lui au sein du caucus du Québec et du caucus national », a dit sa successeure, Mélanie Joly. Ferait-il un bon ambassadeur du Canada en France ? « Marc est bon dans tout », a rétorqué Mme Joly dans la langue de la diplomatie.
Deux ans après son arrivée sur la scène politique canadienne, l’écologiste Steven Guilbeault se voit pour sa part muté au ministère de l’Environnement et du Changement climatique. M. Trudeau et lui s’envoleront la semaine prochaine à Glasgow, en Écosse, afin de représenter le Canada à la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP26). Son prédécesseur, Jonathan Wilkinson, passe quant à lui aux Ressources naturelles.
M. Guilbeault a avancé qu’il appartiendra à « l’histoire » de dire s’il saura être à la hauteur des attentes des Canadiens ravis de voir à l’Environnement un écologiste ayant milité à Équiterre et à Greenpeace. Cela dit, le natif de La Tuque a promis de « faire tout ce qu’[il] peut » pour à la fois « accélérer la lutte contre les changements climatiques [et] la protection de la biodiversité ».
Le passage de Steven Guilbeault à l’Environnement sera un « désastre pour l’économie canadienne » s’il met en œuvre les politiques qu’il préconisait chez Greenpeace et Équiterre, a averti le premier ministre de l’Alberta, Jason Kenney.
M. Guilbeault laisse en plan la réforme controversée de la Loi sur la radiodiffusion qu’il avait amorcée au ministère du Patrimoine canadien en déposant le projet de loi C-10 à la Chambre des communes. Celui-ci est mort au feuilleton lors du déclenchement des dernières élections générales.
Les libéraux ont promis tout au long de la campagne électorale de déposer de nouveau une version de ce projet de loi dans les 100 premiers jours du mandat, tout comme un projet de loi sur le discours haineux en ligne et un autre sur le partage des revenus entre médias et géants du Web. Ces dossiers incombent désormais au ministre Pablo Rodriguez, qui effectue un retour au Patrimoine après un passage entre juillet 2018 et novembre 2019. Le politicien montréalais demeure aussi lieutenant du Québec. « J’espère qu’il y aura moins d’obstruction [au Parlement], dit-il, questionné sur les nombreux projets de loi promis. Je compte sur l’appui de mes collègues des autres partis. À travers le temps j’ai eu de bonnes relations avec les autres partis en tant que leader du gouvernement. »
Le député de Québec, Jean-Yves Duclos, devient le nouveau ministre fédéral de la Santé. Il travaillera de concert avec la ministre Carolyn Bennett, qui sera chargée des questions de santé mentale et de dépendances. Après avoir repoussé la COVID-19, le ministre Duclos devra notamment négocier la hausse des transferts en santé aux provinces, qui a été évoquée par les libéraux lors de la campagne électorale sans être chiffrée.
« Notre approche est une approche de respect, de collaboration, qui met l’accent sur les résultats. On partage exactement les mêmes objectifs que ceux du gouvernement du Québec et ceux des autres provinces », a indiqué le ministre Duclos à ce sujet, mardi.
Dix ministres québécois
Ce nouveau cabinet compte 39 ministres, dont le premier ministre, soit deux de plus que le précédent.
Coiffée du titre de ministre des Sports et de ministre responsable de l’Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec, Pascale St-Onge accède quant à elle au Cabinet. La nouvelle députée de Brome-Missisquoi y rejoint les neuf ministres québécois ayant su conserver la confiance de M. Trudeau, dont François-Philippe Champagne (Innovation, Sciences et Industrie), Diane Lebouthillier (Revenu national) et Marie-Claude Bibeau (Agriculture et Agroalimentaire).
Moins d’une dizaine de ministres conservent leurs responsabilités, à commencer par la vice-première ministre, Chrystia Freeland (Finances).
La ministre ontarienne Anita Anand passe à la tête de la Défense nationale, deuxième femme à occuper ce poste depuis Kim Campbell dans les années 1990. Son prédécesseur, Harjit Sajjan, était aux prises avec de nombreux scandales de nature sexuelle dans les hauts rangs de l’armée. L’opposition réclamait son départ, mais le premier ministre l’a plutôt muté au Développement international.
L’Alberta sera cette fois-ci représentée au Conseil des ministres par le député franco-albertain Randy Boissonnault, qui revêt désormais les habits de ministre du Tourisme et de ministre associé des Finances. Le député néo-écossais Sean Fraser hérite pour sa part du portefeuille de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté.
Formé « de personnes très inexpérimentées et motivées par l’idéologie », le nouveau gouvernement Trudeau pose un « risque pour la prospérité économique et l’unité nationale » du pays, selon le chef de l’opposition officielle, Erin O’Toole. Le Bloc québécois et le Nouveau Parti démocratique ont quant à eux indiqué avoir l’intention de travailler en partenariat avec ce gouvernement nouvellement formé.
Malgré l’appui à peine voilé du premier ministre québécois, François Legault, au chef conservateur Erin O’Toole lors des dernières élections, le Québec conserve son influence à Ottawa, a plaidé la ministre québécoise responsable des Relations canadiennes, Sonia LeBel, mardi. « Le Québec a gardé, quand même, 10 ministres », a-t-elle souligné.
L’élue de l’Assemblée nationale compte sur eux pour défendre les intérêts du Québec à Ottawa. Augmentation des transferts en santé, renforcement des pouvoirs du gouvernement Legault en matière de réunification familiale et maintien du poids du Québec aux Communes : les priorités restent les mêmes, a indiqué Mme LeBel.
Avec François Carabin