Les Canadiens Michael Spavor et Michael Kovrig sont libérés

Justin Trudeau a tenu une courte conférence de presse en fin de soirée vendredi au Parlement pour annoncer le retour au Canada de Michael Kovrig et Michael Spavor.
Photo: Justin Tang La Presse canadienne Justin Trudeau a tenu une courte conférence de presse en fin de soirée vendredi au Parlement pour annoncer le retour au Canada de Michael Kovrig et Michael Spavor.

Les deux Canadiens détenus en Chine depuis près de trois ans en guise de représailles à l’arrestation de la femme d’affaires Meng Wanzhou se sont envolés pour leur pays d’origine le soir même où celle-ci a été libérée au terme d’un long processus judiciaire qui a envenimé les relations entre le Canada et la Chine.

« Il y a à peu près 12 minutes, l’avion transportant Michael Kovrig et Michael Spavor a quitté l’espace aérien chinois, et ils sont en route pour le Canada », a déclaré M. Trudeau lors d’une courte conférence de presse tenue en fin de soirée vendredi au Parlement.

Respectivement un ancien diplomate et un homme d’affaires, les Canadiens Michael Kovrig et Michael Spavor ont été arrêtés et accusés — sans preuve — d’espionnage quelques jours à peine après l’arrestation de Mme Meng, en décembre 2018. Ils auront ainsi croupi pendant 1000 jours dans une prison chinoise avant de retrouver leur liberté.

« Ces deux hommes ont vécu pendant plus de 1000 jours une épreuve épouvantable. Ils ont fait preuve de détermination, de grâce et de résilience à chaque étape et ils sont une inspiration pour nous tous » , a ajouté M. Trudeau, qui affirme qu’Ottawa a travaillé « sans relâche » pendant deux ans et demi « pour pouvoir les ramener à la maison ».

Plus tôt en journée, plusieurs experts en relations internationales et en droit joints par Le Devoir avaient qualifié la libération de Meng Wanzhou de jalon important dans les efforts visant à mettre fin à la détention de ceux que l’on surnomme « les deux Michael ».

La directrice financière du géant chinois des télécommunications Huawei, Meng Wanzhou, « est libre de quitter le Canada », a tranché en fin de soirée le ministère de la Justice du Canada, au terme d’une journée marquante dans cette saga, qui s’étire depuis 34 mois. Plus tôt, en après-midi, un accord de poursuite différé avait été conclu entre les procureurs chinois et américains, avant d’être entériné en milieu d’après-midi par un juge d’une cour de Brooklyn, à New York.

Une décision favorable de la Cour suprême de la Colombie-Britannique a suivi peu après 17 h, heure de l’Est, tandis que le gouvernement américain a levé sa demande d’extradition de Mme Meng vers les États-Unis, incitant ainsi Ottawa à confirmer le droit de Mme Meng de quitter le pays.

« Le juge a libéré Meng Wanzhou de toutes les conditions de sa mise en liberté sous caution », a expliqué le ministère de la Justice du Canada par voie de communiqué. Par conséquent, « rien ne justifie la poursuite de l’instance d’extradition » de Mme Meng. Cette dernière aurait d’ailleurs pris un vol en direction de la Chine aussi tôt que vendredi soir, selon divers médias.

Des « otages » politiques

Si la Chine nie tout lien entre ces deux affaires, les experts joints par Le Devoir vendredi sont unanimes : les deux Michael ont été des victimes collatérales de l’arrestation de Meng Wanzhou.

« Aussitôt que Meng Wanzhou a quitté le Canada, les deux Michael se sont envolés pour le Canada », constate ainsi, avec étonnement, la chercheuse en résidence à l’Institut de recherche sur la science, la société et les politiques publiques de l’Université d’Ottawa Margaret McCuaig-Johnston, lorsque jointe par Le Devoir après la conférence de M. Trudeau. L’experte, qui s’est dite « ébranlée » par la rapidité avec laquelle la Chine et le Canada ont pu s’entendre sur ce point vendredi, y voit une confirmation que les deux Canadiens ont servi « d’otages » pour Pékin dans l’affaire Meng Wanzhou, ce que nie le gouvernement chinois.

« On savait dès le début que ces deux cas étaient reliés », affirme l’experte, qui craint que la Chine use de nouveau de cette tactique à l’avenir, en détenant pour des motifs politiques d’autres Canadiens.

« On voit maintenant que c’est un gouvernement qui va utiliser tous les moyens les plus bas pour protéger ses intérêts politiques ou diplomatiques », constate d’ailleurs l'avocat spécialisé en droit chinois, Jérôme Beaugrand-Champagne, en référence au gouvernement chinois.

Des conditions

 

L’accord conclu vendredi pour la libération de Meng Wanzhou ne prévoit pas d’indemnité financière de la part de Mme Meng, qui n’a d’ailleurs pas eu à plaider coupable des accusations de fraude bancaire et électronique qui pèsent contre elle. L’accord prévoit plutôt que les poursuites contre Mme Meng, actuellement suspendues, seront complètement abandonnées en décembre 2022 si la femme d’affaires respecte entre-temps une série de conditions.

Mme Meng doit notamment s’assurer de ne pas contredire un énoncé de faits de plusieurs pages qu’elle a signé, dans lequel elle reconnaît avoir effectué de fausses déclarations à une banque en 2013, conduisant celle-ci à fournir des services allant à l’encontre des sanctions américaines contre l’Iran, indique un communiqué du département américain de la Justice.

Si Mme Meng ne respecte pas les conditions évoquées, elle pourrait alors être de nouveau poursuivie pour fraude. « Si elle ne réussit pas à respecter toutes les conditions, est-ce qu’elle se présentera à New York en décembre 2022 ? J’en doute », laisse toutefois tomber Margaret McCuaig-Johnston.

La libération de Mme Meng devrait d’autre part contribuer à réduire les tensions diplomatiques entre le Canada et la Chine, qui ont nui aux échanges commerciaux entre les deux pays dans les dernières années. « La conclusion est pas mal heureuse pour le Canada », estime l’ancien ambassadeur Henri-Paul Normandin, qui est membre de l’Institut d’études internationales de Montréal.

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