Maxime Bernier n’a pas trop nui à Erin O’Toole

Malgré sa progression, le Parti populaire (PPC) de Maxime Bernier ne semble pas avoir causé beaucoup de tort à Erin O’Toole et à son parti, puisqu’il a récolté ses meilleurs scores dans des circonscriptions qui ont, de toute façon, élu massivement des conservateurs.
C’est le cas notamment dans sept circonscriptions du Sud ontarien, où les électeurs ont couronné les conservateurs, avec plus de 40 % des voix, tout en accordant 10 % et plus des votes à Maxime Bernier (comme Essex et Chatham-Kent–Leamington).
« Il y a des gens qui ont voté Maxime Bernier qui votaient avant pour autre chose que le parti conservateur. Mais il y a aussi des gens parmi eux qui ne seraient pas allés voter [s’il ne s’était pas présenté] », fait valoir le professeur de science politique Éric Montigny de l’Université Laval.
Chose certaine, le PPC n’a pas beaucoup nui aux conservateurs au Québec, insiste-t-il. « L’appui à Maxime Bernier a été deux fois moins fort au Québec qu’ailleurs. Il a commencé sa campagne en Beauce et l’a terminée en Saskatchewan. Pour moi, c’est très révélateur. »
C’est en Alberta — pourtant le bastion des conservateurs au Canada — qu’Erin O’Toole a obtenu son pire résultat. Son parti a perdu trois sièges (pour un total de 30 victoires) et vu ses appuis reculer de 14 points de pourcentage (55 %, contre 69 % en 2019). Le Parti libéral a récupéré deux des sièges conservateurs, et le NPD un.
Mais à nouveau dans cette province, le PPC a récolté ses appuis les plus forts dans des circonscriptions qui ont réélu des conservateurs avec de fortes majorités comme Fort McMurray–Cold Lake, Red Deer–Lacombe, Red Deer–Mountain View et Lake Land.
« L’effet Jason Kenney a été beaucoup plus important [que celui de Maxime Bernier] », selon Frédéric Boily, professeur de science politique à l’Université d’Alberta. La mauvaise gestion de la pandémie par le premier ministre albertain a permis à Justin Trudeau de réactiver l’axe « O’Toole-Kenney », dit-il.
Fort au Manitoba
En fin de campagne, plusieurs ténors conservateurs avaient laissé entendre que la montée de Maxime Bernier favoriserait la réélection de Trudeau. « La progression de Maxime Bernier pourrait garantir la réélection de Justin Trudeau », écrivait Tasha Kheiriddin la semaine dernière dans le National Post.
Maxime Bernier « ne mérite pas votre vote », écrivait quant à elle Diane Francis dans le Financial Post. « Pire : il pourrait siphonner des votes aux conservateurs, la seule alternative responsable à Justin Trudeau. »
Comment ? En chipant des votes aux conservateurs dans les luttes serrées qu’on pressentait à Calgary, Edmonton et Winnipeg.
Au final, cette théorie pourrait se confirmer dans deux circonscriptions en particulier. Dans Edmonton Griesbach, le NPD l’a certes emporté par moins de 2 points de pourcentage contre le PCC, mais le Parti populaire n’a récolté que 6,2 % des votes. Dans Edmonton-Centre, libéraux et conservateurs demeuraient au coude-à-coude, mardi, mais Maxime Bernier n’a eu que 4,4 % des appuis.
Dans les rangs conservateurs, on reconnaît que la popularité grandissante du Parti populaire du Canada sera à surveiller pour la suite. Mais en ce qui a trait à l’élection de lundi, on note qu’il serait erroné de faire une adéquation directe entre les votes exprimés pour le PPC et l’effet pour le Parti conservateur. Car ce ne sont pas tous les partisans de Maxime Bernier qui étaient des électeurs conservateurs convaincus.
Nonobstant, on reconnaît que le PPC pourrait avoir fait la différence dans une poignée de circonscriptions serrées.
Questionné mardi sur le rôle du Parti populaire dans ses résultats décevants, Erin O’Toole l’a décrit comme un « vote de frustration » et déploré que M. Bernier, comme M. Trudeau, ait « utilisé la pandémie pour se faire du capital politique ».
Par ailleurs, contrairement à ce qu’on pourrait croire, ce n’est pas en Beauce (18,2 %) que le parti a connu ses meilleurs résultats, mais au Manitoba dans Portage–Lisgar (21,6 %), une circonscription rurale du sud de la province. Mais là aussi, cet élan n’a pas privé les conservateurs d’être réélus avec une majorité confortable.
Au Manitoba comme ailleurs, c’est en milieu rural que le parti de Maxime Bernier est le plus populaire. « C’est d’ailleurs là qu’il a terminé sa campagne dimanche dernier », note Boily en parlant de Westlock, une petite municipalité rurale au nord d’Edmonton. Selon lui, « le vote pour le Parti populaire vient encore accentuer la fracture entre milieux urbains et ruraux ».