Un taux de participation préliminaire au scrutin à 58,6%, en baisse par rapport à 2019

Des électeurs ont fait le pied de grue avant de pouvoir accéder à certains bureaux de vote, notamment à Montréal.
Photo: Paul Chiasson Archives La Presse canadienne Des électeurs ont fait le pied de grue avant de pouvoir accéder à certains bureaux de vote, notamment à Montréal.

Le taux de participation aux élections fédérales est en voie d’être plus bas que lors des élections de 2019, un phénomène qui peut être attribuable à la pandémie et à un manque d’enthousiasme des électeurs.

Sur le site d’Élections Canada mardi, le taux de participation grimpait lentement. Selon les données consultées par Le Devoir en début de soirée mardi, celui-ci atteignait 58,8 %. Ces données préliminaires concernent 99,36 % des bureaux de scrutin.

Ce chiffre « n’est pas nécessairement le reflet de la réalité, prévient Pierre Pilon, porte-parole d’Élections Canada. Il ne prend pas en compte le nombre d’électeurs qui ont pu s’enregistrer lundi pendant 12 heures dans l’ensemble des circonscriptions ». Ceux qui ont voté par la poste ne sont également pas comptés.

Le taux final de participation seraconnu « dans quelques jours », a-t-il précisé.

En 2019, le taux de participation s’élevait à 67 %. En 2015, il était de 68,3 %. Le taux préliminaire actuel est proche de celui de l’élection la moins populaire de l’histoire du Canada, en 2008, qui avait mobilisé 58,8 % d’électeurs.

Pour les présentes élections, le taux final sera probablement de 62 ou 63 %, estime André Blais, titulaire de la Chaire de recherche de l’Université de Montréal en études électorales. « C’est ce à quoi je m’attendais. C’est une élection dont nous ne sommes pas convaincus de la nécessité. Il y a la pandémie, il y a eu des files plus longues à certains endroits. Tout ça a un effet sur la participation », analyse-t-il.

Daniel Béland, directeur de l’Institut d’études canadiennes de l’Université McGill, fait écho à ces propos. « Il y a la pandémie, et le manque d’intérêt d’une partie de la population envers une campagne électorale que beaucoup ne voulaient pas, tranche-t-il. Les libéraux et les conservateurs n’ont pas vraiment soulevé les passions. »

Selon les deux spécialistes, le déclin des taux de participation est un phénomène qui a été constaté dans des provinces canadiennes ou des pays où il y a eu des élections depuis le début de la pandémie. À Terre-Neuve-et-Labrador, par exemple, il se chiffrait à 48 % lors des élections tenues l’hiver dernier, soit une baisse de près de 13 %.

Il y a la pandémie, il y a eu des files plus longues à certains endroits. Tout ça a un effet sur la participation.

 

Mais la situation a été différente aux États-Unis, qui étaient dans un contexte particulier. « C’était une élection présidentielle très stimulante. Aussi, les gens sont plus habitués au vote par la poste et ils ont eu plus de temps pour s’inscrire », souligne André Blais.

Selon Daniel Béland, il faudra faire des sondages plus approfondis pour en savoir plus sur les motivations des Canadiens qui ont voté ou qui se sont abstenus, et observer plus en détail les statistiques une fois qu’elles seront publiées. « Il faudra regarder les variations d’une région à l’autre du pays et les groupes d’âge », dit-il. « Est-ce que le fait que la pandémie frappe fort en Saskatchewan ou en Alberta a eu un effet sur le taux de participation ? » questionne-t-il.

Excuses d’Élections Canada

Élections Canada a par ailleurs présenté ses excuses aux électeurs qui ont dû patienter dans de longues files d’attente durant quelques heures à des bureaux de vote lundi, comme celles observées dans l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal, à Montréal.

« Nous leur offrons nos excuses pour les inconvénients et les impacts. La tenue d’une élection en période de pandémie a posé des défis assez importants à l’ensemble de la machine », a souligné Pierre Pilon. « Dans les circonstances, nous avons réussi à tirer notre épingle du jeu, mais c’est certain que nous ferons un examen très rigoureux de ce qui s’est passé, et voir comment on peut améliorer la chose. »

« C’était une élection avec des conditions sans précédent, nous avons essayé de contrer plusieurs défis, dont celui du recrutement », poursuit-il.

Lundi en soirée, de longues files s’étiraient sur plusieurs pâtés de maisons à des bureaux de vote que Le Devoir a visités dans la circonscription de Laurier–Sainte-Marie. Plusieurs ont dû patienter jusqu’après 22 h 30 pour voter. À un bureau de scrutin, le temps d’attente était estimé à quelques heures. Quelques minutes avant 21 h 30, des employés du bureau de vote se promenaient en criant aux gens qui tentaient de s’y greffer de se dépêcher s’ils voulaient exercer leur droit de vote. « Si vous n’êtes pas dans la file à 21 h 30, vous ne pourrez pas voter », a lancé un officiel.

Des personnes qui cherchaient la fin de la longue file et qui sont arrivées à 21 h 32 se sont fait refuser de voter. « Je suis désolé, c’est le règlement, après 21 h 30 ça ne passe plus », a dit un employé à plusieurs personnes visiblement mécontentes.

Certains, comme Elizabeth Slanke, ont carrément quitté les lieux. Elle était accompagnée de son garçon de trois ans. « Je ne vais pas rester jusqu’à 23 h pour voter avec mon fils de trois ans », a-t-elle lancé, en colère contre Justin Trudeau pour avoir déclenché des élections. « Je me sens comme une citoyenne de seconde zone. Je n’ai pas le droit d’exercer ma liberté et d’exprimer ma pensée sur l’avenir de ce pays. »

Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) est par ailleurs intervenu au bureau de scrutin des Fusiliers du Mont-Royal, car des électeurs mécontents qui se sont vu refuser de voter argumentaient avec les responsables et refusaient de partir.

 

Une longue attente a également été rapportée dans des bureaux de scrutin au centre-ville de Toronto. Mais le vote s’est bien déroulé dans la plupart des bureaux de vote au pays, rapporte Élections Canada. « Fort heureusement, dans la très grande majorité des cas qui nous ont été rapportés, le vote s’est déroulé rondement », souligne M. Pilon.

Il explique que plusieurs facteurs ont causé des retards dans Laurier–Sainte-Marie. Il évoque les mesures mises en place pour respecter les restrictions sanitaires et la difficulté de trouver des locaux assez grands dans cette circonscription, qui compte un nombre élevé d’électeurs. « Il y a finalement la pénurie de main-d’œuvre, dit-il. Il semble qu’il y ait eu des désistements de dernière minute, ce qui a chamboulé les plans d’organisation. »

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