Le chef Erin O’Toole refuse de critiquer la gestion de la pandémie de Jason Kenney

Le chef du Parti conservateur, Erin O’Toole, faisait campagne à Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, jeudi.
Photo: Adrian Wyld La Presse canadienne Le chef du Parti conservateur, Erin O’Toole, faisait campagne à Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, jeudi.

La récente hausse marquée du nombre d’infections à la COVID-19 en Alberta et la décision de son premier ministre d’imposer d’urgence un passeport vaccinal sont venues embarrasser le chef conservateur jeudi. Erin O’Toole refuse désormais de se prononcer sur la gestion de la pandémie dans cette province, après l’avoir longtemps vantée.

La question a beau lui avoir été posée de plus d’une dizaine de manières différentes jeudi, Erin O’Toole n’a pas voulu dire s’il a changé d’avis sur les qualités de leader de son allié provincial en Alberta, le premier ministre conservateur Jason Kenney, quant à sa gestion de la crise sanitaire.

« M. Trudeau a déclenché une élection inutile de 600 millions de dollars en pleine pandémie. Je vais travailler en étroite collaboration avec tous les premiers ministres dans notre lutte collective contre la COVID-19 », a-t-il inlassablement répété jeudi, lors d’un arrêt de campagne au Nouveau-Brunswick.

Durant la dernière année, Erin O’Toole a pourtant répété à quelques reprises son appréciation de la gestion de la pandémie de COVID-19 en Alberta, dont il a reçu l’appui officiel du premier ministre. En octobre dernier, par exemple, M. O’Toole a dit : « Le premier ministre Kenney a traversé la pandémie de COVID-19 bien mieux que le gouvernement fédéral. » Dimanche dernier, il a de nouveau affirmé que « le meilleur effort de recherche des cas qu’on a vu dans la pandémie venait de l’Alberta », en guise de preuve du bien-fondé d’une telle stratégie basée sur la recherche des cas.

Allié « toxique »

Le premier ministre Kenney a décrété mercredi le retour de l’état d’urgence en Alberta, et a annoncé du même souffle la création d’un passeport vaccinal pour les activités non essentielles, similaire à celui en vigueur au Québec. M. Kenney s’est excusé d’avoir levé toutes les mesures sanitaires en juillet, décision perçue comme la grande responsable de cette hausse soudaine des cas de COVID-19 qui conduit maintenant le réseau de la santé albertain au bord de l’implosion.

« L’équation qui doit être comprise est que si des mesures sont levées trop rapidement et que les taux de vaccination n’augmentent pas assez vite, vous vous retrouverez dans des situations où ce virus, et son variant Delta qui est contagieux, aura de la place pour accélérer [la contagion] », a tranché l’administratrice en chef de la santé publique du Canada, la Dre Theresa Tam, jeudi.

Or, l’impopularité de Jason Kenney est maintenant « toxique » pour le chef conservateur fédéral, croit Frédéric Boily, professeur de science politique à l’Université de l’Alberta. « C’est le pire moment. [Nous sommes] dans les derniers jours de la campagne, et arrive cette affaire-là. C’est clair que ce n’est certainement pas le scénario que souhaitait Erin O’Toole. »

Photo: Jeff McIntosh La Presse canadienne Jason Kenney a décrété mercredi le retour de l’état d’urgence en Alberta, et a annoncé du même souffle la création d’un passeport vaccinal pour les activités non essentielles, similaire à celui en vigueur au Québec.

D’autant plus que depuis le début de la campagne électorale, Erin O’Toole avait réussi à tenir son alliance avec Jason Kenney plutôt sous le radar, dit l’expert. Les conservateurs ont préféré mettre en avant l’appui de figures conservatrices moins à droite, comme l’ex-premier ministre Brian Mulroney, invité lors d’un événement de campagne mercredi soir à Orford, au Québec.

« Là, ça risque de remettre dans l’ombre M. Mulroney. Et de remettre dans la lumière Jason Kenney, ce n’est certainement pas le plan des conservateurs. »

La quatrième vague de la pandémie de COVID-19 observée surtout dans l’ouest du pays a fait partie du discours des autres chefs politiques jeudi. « Le premier ministre Kenney l’a avoué hier soir, son approche était erronée », a lâché Justin Trudeau, de passage à Montréal mercredi. Le chef libéral en a rajouté en accusant son adversaire conservateur d’écouter « l’aile antivax » de son propre parti, et a souligné à grands traits la proximité des deux chefs conservateurs.

« Le leadership, ça compte pour quelque chose dans cette pandémie. Le fait que M. O’Toole continuait d’applaudir le style de leadership et l’approche de M. Kenney, même il y a quelques jours, souligne à quel point ce n’est pas le bon leader pour en finir avec la pandémie. »

Basé à Edmonton, Frédéric Boily juge toutefois que les attaques partisanes à ce sujet ne sont « vraiment pas responsables », vu les risques que cette politisation aggrave l’opposition aux mesures sanitaires en Alberta. « Le fait de voir M. Trudeau, M. Bernier, parler de cette situation, moi je trouve que ce n’est pas vraiment responsable. »

Il faisait allusion au chef du Parti populaire du Canada, Maxime Bernier, qui a écrit sur Twitter que Jason Kenney « est un menteur, un hypocrite, et est sur le point d’imposer un passeport vaccinal aux Albertains qu’il sait illégal ».

« Sans nullement défendre Jason Kenney, nous, en Alberta, on a besoin de reprendre le contrôle de la situation. Ça vient rajouter une couche de politisation sur un débat qui est déjà très politisé, et dont on n’avait pas besoin », conclut M. Boily.

Le chef du Nouveau Parti démocratique, Jagmeet Singh, a dirigé ses attaques vers le gouvernement Trudeau jeudi pour ne pas avoir mis en place le programme de congés de maladie pancanadien qu’il réclame. « Clairement, pas de doute qu’on doit blâmer Kenney. Monsieur Trudeau a une responsabilité, c’est le premier ministre. »

Le chef du Bloc, Yves-François Blanchet, a rappelé qu’au Canada, « c’est chaque province qui a sa propre juridiction, et il y en a qui font mieux que d’autres ». Selon lui, « ça ne veut pas dire que le fédéral aurait fait mieux ».

Avec Étienne Lajoie et La Presse canadienne

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