L’animatrice du débat des chefs en anglais défend sa question controversée

La présidente de la firme de sondage Angus Reid, Shachi Kurl (au premier plan), avait la responsabilité d'animer le seul débat des chefs de langue anglaise.
Photo: Sean Kilpatrick La Presse canadienne La présidente de la firme de sondage Angus Reid, Shachi Kurl (au premier plan), avait la responsabilité d'animer le seul débat des chefs de langue anglaise.

L’animatrice du débat des chefs en anglais de jeudi, qui a lancé au chef bloquiste Yves-François Blanchet une question controversée sur les politiques « discriminatoires » du Québec, s’est brièvement justifiée devant une tribune de journalistes anglophones vendredi en expliquant que sa question avait été « approuvée ».

« Ce n’est pas quelque chose sur quoi j’ai erré sans préparation. C’était une question qui a été approuvée [« vetted », en anglais] par plusieurs échelons dans l’organisation avant d’aller de l’avant », a expliqué la présidente de la firme de sondage Angus Reid, Shachi Kurl, à qui on avait confié l’animation du seul débat des chefs de langue anglaise.

Mme Kurl avait demandé d’entrée de jeu au chef du Bloc québécois : « Vous défendez des législations comme les projets de loi 96 et 21 qui marginalisent les minorités religieuses, les anglophones et les allophones. […] Pourquoi votre parti soutient aussi ces lois discriminatoires ? » La question a soulevé la colère du principal intéressé et a suscité des critiques de tous les chefs des partis à Ottawa, ainsi que du premier ministre du Québec.

Dans un courriel au Devoir, la Commission des débats des chefs, l’organisme fédéral indépendant chargé d’organiser le débat, assure qu’elle « n’a participé à aucune des questions de la modératrice afin de respecter l’indépendance journalistique ».

Le producteur du débat et responsable des questions éditoriales est un groupe de médias comprenant, côté anglophone, APTN, CBC, CTV et Global. Son porte-parole a confirmé au Devoir qu’un « comité éditorial officiel du débat en anglais », composé de chefs de production, de producteurs et de journalistes des quatre médias, avait validé la question. Il en a aussi défendu la pertinence.

« La question de Mme Kurl concernant la loi 21 et le projet de loi 96 du Québec a été posée à M. Blanchet pour lui donner l’occasion d’expliquer le point de vue de son parti sur ces lois, qui ont fait l’objet d’une large couverture et d’importantes conversations depuis qu’elles ont été déposées à l’Assemblée nationale du Québec. La question portait explicitement sur ces lois », a indiqué par courriel le porte-parole Leon Mar.

À la défense de la question

 

Au lendemain du débat, l’animatrice a pris la parole brièvement lors d’une discussion virtuelle sur Twitter organisée vendredi midi par le magazine Maclean’s et auquel prenaient part plusieurs journalistes du Canada anglais. Dans cette discussion enregistrée par Le Devoir, Shachi Kurl a expliqué son choix de question par le fait qu’il convenait d’informer le public à l’extérieur du Québec, puisque, selon elle, les enjeux québécois avaient déjà été traités lors du débat en français.

« Mes questions pour tous les chefs de partis hier soir étaient vraiment pour essayer de trouver les manques, les vulnérabilités, s’est-elle justifiée. À l’extérieur du Québec, les gens voient ces lois, ces textes législatifs, très différemment. »

« Il y a une décision de la Cour supérieure du Québec qui appelle ça discriminatoire. Alors ça, c’est la prémisse », a poursuivi Shachi Kurl, en référence au jugement du juge Blanchard sur la loi 21, en avril. Questionnée par un participant sur le lien à faire avec le projet de loi 96, qui propose d’inscrire dans la Constitution canadienne le fait que le français soit la seule langue officielle et commune du Québec, l’animatrice n’est pas entrée dans les détails.

« Bien, il y a des lois linguistiques et des lois religieuses. Encore une fois, c’est la perspective hors du Québec », a-t-elle répété.

Mme Kurl s’est dite bien au fait de la controverse entourant sa question de jeudi soir. Elle n’a exprimé aucun regret, utilisant plutôt ses quelques minutes de prise de parole pour se justifier d’avoir qualifié ces lois de « discriminatoires ».

« Je comprends que politiquement, ça semble exploser un peu au Québec. Mais vous avez des gens qui regardent [le débat] à Lethbridge, à Fort St. John, à Brandon, au Manitoba, et si vous arrivez avec une question à un chef, parce que vous avez à le faire, parce qu’il est là, qui ne présente pas un seul candidat dans tous ces autres endroits du pays, que lui demandez-vous qui va informer les Canadiens hors du Québec ? »

Au sujet du chef du Bloc, Yves-François Blanchet, elle a ajouté, devant son auditoire anglophone : « Il a été froissé, ainsi soit-il. Mais c’était le débat en anglais. » Shachi Kurl n’a pas répondu à la demande d’entrevue du Devoir.

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