À Fredericton, les verts n’ont pas dit leur dernier mot

Depuis quelques semaines, la candidate verte et professeure de droit de l’Université du Nouveau-Brunswick, Nicole O’Byrne, multiplie les événements et le porte-à-porte dans la circonscription de Fredericton.
David Champagne Depuis quelques semaines, la candidate verte et professeure de droit de l’Université du Nouveau-Brunswick, Nicole O’Byrne, multiplie les événements et le porte-à-porte dans la circonscription de Fredericton.

Fredericton fait partie des circonscriptions à surveiller lors des élections fédérales. La région du Nouveau-Brunswick suscite l’intérêt depuis que la députée Jenica Atwin est passée des verts aux libéraux cet été. Le coup a été dur, mais cela n’a pas déstabilisé l’organisation, qui garde espoir de remporter le scrutin.


<>La candidate verte Nicole O’Byrne a des journées occupées. Depuis quelques semaines, la professeure de droit de l’Université du Nouveau-Brunswick, âgée de 49 ans, multiplie les événements et le porte-à-porte dans la circonscription de Fredericton. Lorsque nous l’avons rencontrée à la ferme Hayes, sur la Rive-Nord, près de la capitale de la province bilingue des Maritimes, une vingtaine de partisans du parti étaient réunis sous un soleil de plomb, et elle naviguait d’une personne à l’autre.

 

Le départ de Jenica Atwin a été déconcertant, dit-elle, et a déçu les militants qui, depuis plusieurs années, consacraient leurs efforts à faire élire un représentant vert. La députée s’est ralliée aux libéraux après avoir qualifié la politique d’Israël en Palestine d’apartheid et critiqué la position de la cheffe, Annamie Paul. Nicole O’Byrne ne tire toutefois pas à boulets rouges sur la députée. « Nous sommes encore amis avec elle », maintient-elle.

La candidate souligne aussi que ce changement d’allégeance n’a pas eu d’effet sur la vitalité des verts. Pour preuve, la course à l’investiture qu’elle a remportée dans Fredericton s’est faite contre deux autres candidats. « Les actions d’une personne ne vont pas arrêter le mouvement que nous construisons depuis des années », martèle-t-elle.

Le Nouveau-Brunswick est un terrain fertile pour les verts au niveau provincial. Aux dernières élections en 2020, 3 députés ont été élus sur 49 sièges, et le parti a récolté plus de 15 % des voix. C’est à Fredericton-Sud que David Coon, le chef du parti, a été élu pour la première fois en 2014. Depuis, il a toujours remporté ses élections.

Photo: David Champagne Le quartier général du Parti vert à Fredericton 

La campagne actuelle reçoit des dons d’un peu partout au pays, et la candidate espère le passage de la cheffe de son parti. « Elle concentre ses efforts pour gagner Toronto-Centre », dit-elle. « Nous avons entendu qu’elle viendrait cette semaine, mais, en fin de compte, ils regardent pour la semaine prochaine », ajoute-t-elle, l’air un peu agacé. Lorsque Le Devoir l’a contactée dimanche, la candidate a mentionné que Mme Paul ne se déplacerait finalement pas cette semaine.

Lors de notre passage au bureau de campagne des verts au centre-ville de Fredericton, quelques bénévoles étaient assis dans le grand local, au téléphone avec des électeurs. Devant la porte, une jeune femme distribuait des dépliants aux passants. D’autres militants frappaient aux portes pour faire du pointage et installaient des pancartes. Au centre du local trône le bureau de la directrice de campagne, Anthea Plummer, concentrée devant son ordinateur et parfois interrompue par un appel ou un militant. « Je pense que nos chances sont bonnes, nous avons un gros bassin d’électeurs verts, et c’est visible au niveau provincial et fédéral », dit-elle.

Les libéraux confiants

 

La circonscription n’est toutefois pas gagnée. Jenica Atwin, 34 ans, avait délogé le député libéral mais, historiquement, Fredericton alterne entre les libéraux et les conservateurs. Le Parti conservateur a terminé deuxième par près de 1600 voix et les libéraux, troisièmes. Le site de projection 338Canada y prédisait une lutte serrée la semaine dernière, mais indique maintenant que les conservateurs sont les plus enclins à l’emporter.

Lorsque nous accompagnons la députée dans une séance de porte-à-porte, elle aborde son changement de camp sans donner trop de détails. « J’ai fait quelques changements », dit-elle simplement à tous ceux qui ouvrent la porte. Les électeurs libéraux avec qui elle discute lui disent qu’elle a fait le bon choix.

Photo: David Champagne La députée Jenica Atwin est passée des verts aux libéraux cet été.

Cet après-midi-là, elle frappe aux portes d’une rue où sont entassées des petites maisons pâles construites sur le même modèle, au gazon et aux jardins bien entretenus. Ce sont principalement des retraités qui y vivent. Albert Murray avait voté pour elle lors des dernières élections. « Je ne suis pas une personne de parti politique. J’aime ce que vous dites et je vote pour ça », lui lance-t-il, en ajoutant qu’elle avait son vote.

« Les élections nous diront plus exactement combien de verts me suivront », souligne la députée. « J’espère qu’ils seront nombreux parce que je suis la même personne. Les mêmes choses sont importantes pour moi, et je vais me battre pour les mêmes valeurs », souligne-t-elle.

Des électeurs divisés

 

C’est au centre-ville, où les électeurs verts abondent, qu’elle devra convaincre. La députée est appréciée, mais les opinions sont divisées, souligne Luke Randall, 44 ans. L’homme a été candidat au provincial pour le Parti vert en 2020 et, avec son mari, il tient un magasin au centre-ville. Leurs drapeaux LGBT sont bien visibles à l’extérieur, à quelques mètres du bureau de campagne de la candidate conservatrice.

« Nous gardons l’oreille ouverte, et les gens sont confus. Des gens soutiennent publiquement quelqu’un, mais disent en privé qu’ils vont voter pour un autre parti. Beaucoup se sentent déchirés et ne savent pas quoi faire », confie Luke Randall.

Pour Sofia Mehlitz, une étudiante de 21 ans croisée dans un bar du centre-ville et qui a voté vert aux dernières élections, la décision de Jenica Atwin est une « trahison ». « Nous n’avons pas voté pour les libéraux, mais pour le Parti vert », lance-t-elle.

Photo: David Champagne Pour Sofia Mehlitz, une étudiante de 21 ans, la décision de Jenica Atwin est une «trahison».

Mais verts comme libéraux doivent aussi courtiser les communautés rurales, où les conservateurs ont un bon bassin d’électeurs, selon une employée avec qui Le Devoir a discuté. La direction de la campagne a refusé nos demandes d’entrevue, affirmant que la candidate Andrea Johnson était « trop occupée ».

Sur les routes entourées de forêt à l’extérieur de la ville, les pancartes du Parti conservateur dominent. Comme chez Robin Mockler, 66 ans, qui réside à Noonan et qui a des mots durs envers Justin Trudeau. « L’économie est en difficulté et il y a une énorme pénurie de main-d’œuvre à cause de ses politiques », lance-t-elle. Elle ajoute qu’ils sont plusieurs à penser comme elle, signe que le parti est une force à ne pas négliger.

À surveiller

La lutte s’annonce chaude dans deux autres circonscriptions du Nouveau-Brunswick. C’est le cas à Miramichi—Grand Lake, qui fait partie des 10 circonscriptions où le vote a été le plus serré aux dernières élections. Le Parti libéral du Canada l’avait emporté avec 370 voix. La candidate Lisa Harris espère l’emporter contre le conservateur Jake Stewart. Les deux ont quitté leur poste de député provincial. La circonscription de Saint John—Rothesay opposera l’ancien maire de la ville, Mel Norton, qui se présente sous la bannière conservatrice, et le député libéral Wayne Long.



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